Eglises d'Asie

Synode pour la nouvelle évangélisation : un appel – en latin – venu de Chine pour plus de ferveur et moins de tiédeur dans l’Eglise

Publié le 17/10/2012




Le 16 octobre, lors de la 13ème congrégation générale des pères synodaux réunis à Rome pour évoquer « la nouvelle évangélisation », la surprise est venue de Chine populaire. En l’absence de tout délégué directement issu de l’Eglise qui est en Chine continentale, c’est le secrétaire général du Synode, Mgr Nikola Eterovic, qui a lu la lettre qu’a envoyée Mgr Lucas Li Jingfeng …

… évêque du diocèse de Fengxiang, dans le Shaanxi, au Synode. Rédigée en latin, la missive interpelle sans détour l’Eglise catholique pour l’appeler à plus de « ferveur ».

Agé de 90 ans, franciscain, Mgr Li commence son message en disant qu’il regrette beaucoup que les pères synodaux ne puissent entendre aucune voix de l’Eglise de Chine continentale. Il poursuit en affirmant souhaiter que la foi des chrétiens puisse réconforter le pape dans sa mission de pasteur de l’Eglise universelle. L’Eglise de Chine, en particulier dans ses laïcs, « a toujours gardé la piété, la fidélité, la sincérité et la dévotion des premiers chrétiens », même durant cinquante années de persécution, explique l’évêque. Il ajoute qu’il prie pour que ces qualités dont ont su faire preuve les chrétiens de Chine demeurent et puissent irriguer l’Eglise hors de Chine. « La tiédeur, l’infidélité et la sécularisation » du fait « d’une ouverture et d’une liberté débridées » se répandent parmi les chrétiens et « à l’étranger, cet affaiblissement a touché les clercs », analyse-t-il encore.

Pour l’évêque de Fengxiang, les qualités qui sont à l’œuvre dans l’Eglise de Chine, « où les laïcs sont plus pieux que les prêtres », peuvent venir en aide à l’Eglise hors de Chine. « Durant l’Année de la foi, au cours de vos échanges lors du Synode, vous pourrez réfléchir aux raisons qui ont fait que notre foi en Chine a traversé les épreuves jusqu’à aujourd’hui sans perdre son intégrité. Ainsi que le grand philosophe Lao Tseu le disait, ‘comme la calamité engendre la prospérité, ainsi dans la mollesse se cache la calamité’ (…). La piété, la fidélité, la sincérité et la dévotion des laïcs chrétiens chinois ne peuvent-elles pas secouer les prêtres du reste du monde ? », interroge-t-il. La foi risque de s’éteindre comme une flamme qui ne peut s’alimenter. Mgr Li se dit très ému par la tristesse du pape Benoît XVI face à ce constat : dans de vastes régions du monde, la foi court le risque de disparaître. « Nous sommes devant une profonde crise de la foi. La perte du sens religieux représente le plus grand défi pour l’Eglise d’aujourd’hui », écrit-il, reprenant les paroles du pape pour dire que « le renouveau de la foi doit représenter la priorité absolue du travail de toute l’Eglise de notre temps ». Précisant pour conclure ne pas vouloir mentionner la politique dans la mesure « où elle est toujours transitoire », il écrit espérer que la foi des chrétiens chinois puisse consoler Benoît XVI.

Au sein de l’Eglise de Chine, Mgr Li est une personnalité importante. Comme tous ou quasiment tous les membres du clergé de sa génération, il a connu les camps de rééducation et de travail. Vingt ans de réclusion pour sa part, jusqu’à sa libération en 1979. Après cette date, il s’est consacré à la reconstruction des communautés catholiques dans sa province du Shaanxi. En 1980, alors qu’il était consacré dans la clandestinité évêque de Fengxiang, il prenait la tête d’une communauté catholique qui refusait obstinément de rejoindre les structures « officielles » de l’Eglise, en dépit des campagnes des autorités locales visant à imposer l’Association patriotique des catholiques chinois. De ce fait, la cathédrale, les églises, le séminaire et différentes organisations de ce diocèse sont longtemps restées « clandestines » tout en étant physiquement bien visibles aux yeux de tous. En 2004, sur les conseils de Mgr Li Du’an, évêque « officiel » de Xi’an, Mgr Li décidait que, pour le bien de l’unité de l’Eglise dans le Shaanxi, il était nécessaire de « faire surface », c’est-à-dire d’obtenir du gouvernement qu’il reconnaisse sa qualité épiscopale – ce qui fut fait. Cependant, Mgr Li Jingfeng a toujours refusé depuis toute adhésion à l’Association patriotique et toute affiliation à la Conférence épiscopale « officielle ». En mai 2011, devenu âgé mais toujours en bonne forme physique et intellectuelle, il a organisé l’élection de celui qui sera son successeur, veillant ainsi à la continuité de la succession apostolique dans son diocèse tout en tenant à distance les organes gouvernementaux et en veillant au respect des règlements officiels chinois.

Personnalité d’une fidélité entière à l’Eglise et à la figure du pape, appartenant à une génération formée avant 1949 (ce qui explique sa maîtrise du latin, alors lingua franca de formation du clergé en Asie), Mgr Li figurait en 2005 parmi les quatre évêques du continent chinois invités par Benoît XVI à participer au Synode sur l’Eucharistie. Une invitation alors présentée par le Saint-Siège comme « un geste d’ouverture et de bonne volonté » envers la Chine. Aucun des quatre évêques n’avait toutefois obtenu de Pékin l’autorisation de se rendre à Rome.

En 1998, pour le Synode pour l’Asie, le pape Jean-Paul II avait invité deux évêques de Chine continentale, Mgr Matthias Duan Yinming, évêque de Wanxian (décédé en 2001), et son coadjuteur, Mgr Joseph Xu Zhixuan (décédé en 2008). Leur visa de sortie avait été refusé par les autorités chinoises et deux fauteuils vides avaient rappelé leur présence spirituelle durant toute la durée du Synode.

Pour ce Synode sur la nouvelle évangélisation, les évêques qui représentent le monde chinois sont l’évêque de Hongkong, le cardinal John Tong Hon (qui assure l’une des présidences déléguées du Synode), l’évêque de Macao, Mgr José Lai Hung-seng, et un évêque de Taiwan.

 

A l’attention de nos lecteurs qui, nul n’en doutera, sont tous de distingués latinistes, voici la lettre en latin de Mgr Li Jingfeng :

Patres Reverendissimi ac Excellentissimi Synodi XIII,
Vobis gratulor quod potestis Synodo interesse, et Sepulturam Sti Petri visitare, valde tamen doleo quod vocem nullam ex ecclesia sinensium audire potestis. Volens vocem aliquam nostram vobiscum ac praesertim cum Papa nostro Benedicto XVI participare, has hodie mitto parvas litteras Vobis. Volo dicere quod nostra ecclesia in Sinis, praesertim christiani laici, semper pietatem, fidelitatem, sinceritatem devotionemque christianorum antiquorum conservant hucusque, persecutiones 50 annorum patiens. Vobis adhuc volo dicere quod semper preces apud Deum Omnipotentem effundo, ut nostra pietas, nostra fidelitas, nostra sinceritas nostraque devotio christianorum potest sanare tepiditatem, infidelitatem, saecularitatem exterorum exortas ex effrenata liberate et apertura. In Fidei Anno, in tractatibus vestries in Synodo potestis tractare quare fides nostra in Sinis posit conservari indeficiens hucusque. Hoc est ut effatum Magni Philosophi Sinensis Laozi fert: « Sicut in calamitate gignit prosperitatem, ita in voluptate latet calamitas ». In ecclesia exterorum, christianorum laicorum tepiditas, infidelitas, saecularitas affecit clericos multos. In ecclesia autem sinensium christiani laici magis devotiores sunt quam clerici, possuntne pietas, fidelitas, sinceritas, devotioque christianorum laicorum sinensium movere clericos exterorum? Lamentationes Papae Benedicit XVI multum me moverunt: « As we know, in vast areas of the earth faith risks being extinguished, like a flame that is no longer fed. We are facing a profound crisis of faith, a loss of the religious sense that constitutes the greatest challenge to the church today. The renewal of faith must therefore take priority in the commitment of the entire Church in our time »(See the review « Christ to the world » vo1. 59, p.167). Credo tamen nostra fides christianorum sinensium posse consolari Papam. Ne dicam de re politica, quae semper transitoria est.
+ Lucas LY