Eglises d'Asie

Tibet : manifestations sans précédent dans le Qinghai contre « l’oppression chinoise »

Publié le 09/11/2012




Confirmées par le gouvernement tibétain en exil à Dharamsala ainsi que par différentes organisations pro-tibétaines et sources locales, des informations en provenance du district de Rebkong (Tongren) font mention de milliers d’étudiants manifestant contre « l’oppression chinoise » et pour «le retour du dalai lama », au lendemain de l’immolation par le feu d’un 65ème jeune Tibétain.

Le moment ne pouvait être plus délicat pour Pékin qui s’apprête à renouveler son équipe dirigeante lors du Congrès du Parti communiste dont la 18ème session vient de s’ouvrir hier. Particulièrement critiquée sur sa politique répressive au Tibet, laquelle a été fortement médiatisée par les immolations de Tibétains qui se sont multipliées de façon exponentielle ces derniers temps, la Chine a fait comprendre qu’elle ne tolérerait « aucune voix discordante » à la veille de cette phase importante de son histoire politique. Répondant le 5 novembre dernier aux admonestations des Nations Unies la pressant de « régler d’urgence les violations répétées des droits de l’homme au Tibet » (1) , la République populaire de Chine a rétorqué que « nul n’était autorisé à s’immiscer dans ses affaires intérieures » et qu’il n’y avait en outre « aucun problème tibétain », les populations locales jouissant de tous leurs droits et bénéficiant d’une « vie harmonieuse ainsi que du développement économique et social ». Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a profité de cette déclaration pour fustiger « le dalai lama et sa clique » qui répand « des mensonges éhontés » et encourage le suicide de ses adeptes, « un acte réprouvé par la loi et la religion ».

Parallèlement à ces déclarations sur la scène internationale, les autorités chinoises avaient également diffusé ces dernières semaines des messages télévisés dans toutes les provinces tibétaines, avertissant que les forces armées étaient prêtes à intervenir immédiatement au moindre trouble « visant à déstabiliser la région ».

Malgré ces précautions, le district de Rebkong est depuis hier, jeudi 8 novembre, le théâtre de manifestations sans précédent, après l’immolation par le feu de Kalsang Jinpa, un jeune nomade de 18 ans, devant le monastère de Rongwo (2) où il avait été novice.

Il s’agit du troisième suicide en cinq jours pour ce district de la Préfecture autonome tibétaine de Huangnan (Malho en tibétain), ancien Amdo tibétain et aujourd’hui province chinoise du Qinghai. Le 4 novembre, Dorjee Lhundrup, 25 ans, nomade lui aussi et père de deux enfants, s’était immolé devant ce même monastère de Rongwo. Le 7 novembre, c’était une jeune mère de 23 ans, Tamding Tso, nomade également, qui s’est aspergée d’essence avant de mettre le feu à ses vêtements en criant « Longue vie au dalai lama ! », dans la municipalité de Dowa, proche de Rongwo. Depuis 2011, plus de 60 Tibétains, la plupart âgés de moins de 25 ans, se sont immolés par le feu en protestation contre « l’oppression chinoise ».

Les troubles semblent avoir commencé hier matin à Dowa, où près de 800 écoliers et étudiants ont retiré les drapeaux chinois flottant sur leurs écoles et les bâtiments publics alors que s’ouvrait au même moment le 18ème Congrès du Parti à Pékin. Peu après, des camions remplis de militaires appelés en renfort par les autorités ont été stoppés par la foule des étudiants et des habitants de la région venus leur prêter main-forte, les forçant à faire demi-tour, sans pouvoir entrer dans la ville.

Les étudiants et collégiens du district n’en sont pas à leurs premiers faits de résistance : en mars dernier, ils avaient été plusieurs centaines à manifester lorsqu’ils avaient découvert que leurs manuels scolaires avaient été remplacés par des ouvrages en chinois.

Ce vendredi 9 novembre, différentes sources locales et issues de la communauté tibétaine en exil rapportent qu’à Rebkong, à 5h00 du matin ( heure locale), des milliers d’étudiants venant des établissements de toute la Préfecture de Huangnan (Rebkong, Chentsa, Zekog et Henan ) ont commencé à se rassembler dans la rue principale de la ville avant de se diriger en flots serrés vers le quartier général des autorités chinoises. Des moines et des habitants de la région sont venus au fil des heures gonfler les rangs de la manifestation pacifique, rendant les rues « noires de monde » et empêchant toute circulation.

Sur les réseaux sociaux sont apparus des photos et des commentaires faisant état à la mi-journée d’un rassemblement de plus de 10 000 étudiants scandant des slogans anti-chinois et appelant au respect des droits de l’homme devant le quartier général des autorités de Rebkong, puis se dirigeant vers le Dolma Square face au monastère de Rongwo, où le jeune nomade s’était immolé la veille. Sur les réseaux sociaux, des appels à « l’insurrection populaire » ont été lancés tandis que des photos envoyées via téléphone mobile sous le nom de « révolution tsampa » montraient la foule des jeunes étudiants affluant vers Rebkong, bloquant les rues et les routes d’accès à la ville.

« Les étudiants ont commencé par protester devant le siège des autorités chinoises locales et ont ensuite envahi les rues en récitant l’ancienne prière tibétaine pour sa Sainteté le Dalaï lama », rapporte Dorjee Wangchuk, sur le site du gouvernement tibétain en exil Phayul. Massés devant le monastère de Rongwo, les manifestants se sont joint aux moines qui récitaient des prières, tout en continuant à protester aux cris de « Longue vie au dalai lama ! » ou de « Liberté pour le Tibet ! ».

« Des forces armées ont été déployées devant les bureaux du gouvernement chinois et autour de la ville : la tension monte de plus en plus, bien que pour le moment la police n’ait pas tenté de briser la manifestation », rapportait il y a quelques heures encore, une source locale relayée par les sites d’information de la diaspora tibétaine. Les dernières informations parvenues font état de mouvements de troupes et d’unités anti-émeutes dans le district de Rebkong ainsi que du bouclage de la région.