Eglises d'Asie – Chine
Shanghai : les autorités chinoises « révoquent » Mgr Ma Daqin
Publié le 10/12/2012
… avait annoncé à l’issue de la cérémonie, en un geste aussi spectaculaire qu’inédit, son retrait de l’Association patriotique des catholiques chinois, l’organe dont se sert Pékin pour imposer sa politique à la partie « officielle » de l’Eglise de Chine. Les autorités avaient ensuite multiplié les mesures pour reprendre en main une situation qu’elles n’avaient pas su anticiper : confinement dans les conditions de la résidence surveillée de Mgr Ma au grand séminaire de Sheshan ; ajournement sine die de la rentrée des petit et grand séminaire de Shanghai ; séances de rééducation patriotique pour le clergé shanghaïen. Ultérieurement, les autorités avaient déclaré qu’elles étudiaient les mesures à prendre contre Mgr Ma.
Aujourd’hui, il semble qu’une décision ait été finalement prise. La nomination de Mgr Ma comme « évêque coadjuteur » de Shanghai vient d’être « révoquée » par la Conférence épiscopale « officielle » (1). Outre cette « révocation », Mgr Ma s’est vu suspendu de ministère presbytéral pour les deux années à venir. Lors des informations qui ont filtré ce week-end, il est précisé que Mgr Ma s’est vu retirer sa charge de responsable du doyenné de Pudong et de curé de la paroisse de Notre-Dame de Lourdes à Tangmuqiao. « Cela signifie qu’il est interdit au jeune évêque de se montrer en public pour les deux prochaines années », précise une source locale , citée par l’agence Ucanews, qui ajoute qu’aucun document écrit formalisant ces décisions n’a encore été produit.
Les décisions concernant la suspension de Mgr Ma de son ministère presbytéral émanent du « diocèse » de Shanghai. L’imprécision et le flou que recouvrent cette mention – en lieu et place de son évêque « officiel », Mgr Jin – viennent confirmer une information qui circule depuis quelques semaines, à savoir que Mgr Jin, 96 ans, a de facto été écarté de la direction de son diocèse. Il semble que depuis le mois de septembre dernier, l’Association patriotique locale, qui était maintenue à distance par Mgr Jin, ait réussi à s’imposer et que ce soit elle qui contrôle effectivement l’administration du diocèse.
Enfin, concernant le degré de liberté laissé aujourd’hui à Mgr Ma, des sources locales indiquent qu’il est toujours en mesure de poster sur Weibo (équivalent chinois de Twitter) ses réflexions à propos de l’Evangile du jour, qu’il peut également mettre en ligne des commentaires sur son blog et rencontrer des visiteurs. Toutefois, depuis mardi dernier 4 décembre, il n’a plus été vu dans la chapelle du grand séminaire où il concélébrait habituellement la messe avec d’autres prêtres.
Outre les sanctions visant Mgr Ma, la Conférence épiscopale « officielle » a annoncé d’autres mesures d’ordre plus général ce weekend. Ainsi, « un serment de loyauté » sera dorénavant requis « lors de toutes les ordinations épiscopales à venir ». Sans plus d’informations précises, on peut seulement rappeler que, d’ores et déjà, le rituel d’ordination épiscopale publié par la Conférence épiscopale comporte un engagement du nouvel ordonné à bien remplir son ministère épiscopal, à respecter la loi, à participer au bon développement de la société socialiste ainsi qu’à défendre les principes d’indépendance mis en exergue par la politique religieuse chinoise. Le nouveau « serment de loyauté » viendrait donc renforcer les déclarations déjà exigées des nouveaux évêques « officiels ».
Selon les observateurs, il ne fait guère de doute que, le XVIIIème Congrès du Parti communiste étant achevé et la nouvelle équipe dirigeante en place, la machine administrative s’est remise en route. En juillet dernier, la Conférence épiscopale « officielle » avait souligné que Mgr Ma avait gravement enfreint les règlements relatifs aux ordinations épiscopales. Avec les décisions de ce week-end, inédites en ce qu’elles destituent un évêque dont la nomination avait pourtant été approuvée tant à Rome qu’à Pékin, les autorités sont passées à des sanctions plus concrètes.
On peut aussi remarquer que la situation s’est nettement tendue dans le diocèse de Wuhan. Les autorités viennent en effet de démettre l’administrateur en poste, le P. Shen Guo’an. Depuis le décès de Mgr Dong Guanqing en 2007, Pékin tente d’imposer son candidat à l’épiscopat. Après l’échec de la candidature du P. Shen, dont l’ordination – non acceptée par le Saint-Siège – prévue en juin 2011, avait été annulée au dernier moment et sans explication, les autorités semblent désormais avoir choisi le P. Cui Qingqi, rejeté par la majorité du presbyterium local. Depuis septembre dernier, ce dernier suit à Pékin la formation organisée par le gouvernement pour les leaders religieux (suivie par l’essentiel des jeunes évêques ou des candidats pressentis). Le 29 novembre dernier, à la fin de la retraite annuelle à laquelle participait 19 des 23 prêtres que comptait le diocèse, la décision a été prise à l’unanimité de muter l’ensemble des curés du diocèse, ceux qui étaient en poste en milieu rural étant transférés dans des paroisses urbaines et vice-versa. Dès que les autorités ont appris cette décision, le 1er décembre, ils ont rappelé d’urgence le P. Cui de Pékin. Puis le 8 décembre, ils ont annulé les nouvelles nominations et ont démissionné l’administrateur, le P. Shen. Depuis, les différents départements (Sécurité publique, police, Front Uni, Affaires Religieuses) bloquent le centre diocésain de Shanghai Road à Hankou.
A Wuhan comme à Shanghai, il semble que lorsqu’elles se trouvent prises de court par une décision du clergé local affirmant son autonomie face à l’Association patriotique et au gouvernement, les autorités ripostent par une réaction vive et brutale.