Eglises d'Asie

Hongkong : une Eglise protestante rassemble 50 000 personnes pour dénoncer un projet de loi sanctionnant les discriminations anti-gay

Publié le 14/01/2013




Dimanche 13 janvier, plusieurs milliers de Hongkongais ont manifesté pacifiquement dans le parc public de Tamar, à Admiralty, dans le centre de Hongkong, aux pieds des bâtiments abritant les bureaux de l’administration locale. A l’appel d’une Eglise chrétienne, ils protestaient contre l’introduction éventuelle d’un texte criminalisant les propos anti-homosexuels dans la législation locale.

Rassemblés à l’appel de l’Eglise protestante Yan Fook, membre de l’Evangelical Free Church of China, une des principales Eglises chrétiennes de Hongkong, les manifestants ont écouté discours et concerts, alternant des moments de prière silencieuse et commune, scandant des slogans pour la défense de la liberté d’expression et de l’égalité devant la loi. En arrière-plan, tant les organisateurs de la manifestation que les manifestants eux-mêmes ne cachaient pas leur volonté d’empêcher le vote par le Parlement local d’une loi sanctionnant les discriminations anti-gay. L’Eglise Yan Fook a annoncé que 50 000 personnes avaient pris part à son rassemblement, la police avançant quant à elle le chiffre de 5 000 manifestants.

A ce jour, la législation à Hongkong ne connaît pas l’homosexualité, que ce soit pour la proscrire ou pour la légaliser. Ces dernières années, des mouvements pro-gay ont tenté de faire changer cela en promouvant la nécessité de voter au Legco (Legislative Council, le Parlement local) des textes favorables à leur cause. Tentatives à chaque fois repoussées, notamment à l’initiative des Eglises chrétiennes qui, comme le diocèse catholique de Hongkong l’indiquait en 2009, rappellent que si elles sont opposées à toute forme de discrimination visant les personnes, y compris du fait de leurs orientations sexuelles, elles défendent le mariage et la famille comme fondements de la société.

Ces dernières semaines, à l’approche de l’adresse politique que le chef de l’exécutif prononce une fois l’an devant le Legco, les rumeurs sont allées bon train. Mercredi prochain, le 16 janvier, Leung Chun-Ying s’adressera aux parlementaires et les analystes politiques s’attendent à ce qu’il propose de lancer une « consultation » sur un projet de loi relatif aux discriminations liées à l’orientation sexuelle. Si une telle consultation est lancée, elle devrait durer dix-huit mois et déboucher éventuellement sur le vote d’une « ordonnance » à ce sujet.

Ces derniers jours, le secrétaire aux Affaires constitutionnelles et continentales Tam Chi-yuen s’est toutefois montré ambigu quant à la volonté de son gouvernement de légiférer en la matière. « Ainsi que je l’ai déclaré devant la commission pour les affaires constitutionnelles du Parlement, le gouvernement est favorable à l’idée d’ouvrir une consultation publique sur le sujet d’une loi concernant les discriminations liées à l’orientation sexuelle », a-t-il affirmé tout en ajoutant estimer « être très difficile de légaliser le mariage homosexuel [à Hongkong] dans un avenir proche ». Tam Chi-yuen a relevé que, « étant donné la diversité des opinions sur le sujet, les citoyens pourraient gagner à mieux connaître les points de vue des uns et des autres ». « J’ai remarqué que même en France, des voix nombreuses s’étaient fortement exprimées pour repousser la perspective de légalisation du mariage homosexuel », a-t-il encore ajouté.

Dimanche 13 janvier, les organisateurs de la manifestation au parc Tamar ont mis en avant la menace qu’une législation sur l’homosexualité ferait peser sur la liberté d’expression. Le Rév. Jayson Tam Tze-shun a ainsi expliqué qu’il ne serait plus possible à Hongkong de défendre l’hétérosexualité sans se voir accusé de propos homophobes, créant ainsi « une discrimination à rebours » dont les chrétiens et leurs Eglises seraient les premières victimes. D’autres intervenants ont mis en avant le fait que l’homosexualité était « contraire à l’idée de famille dans la culture chinoise traditionnelle ».

Parmi les invités stars de la manifestation figurait Gigi Chao. Ouvertement lesbienne, mariée à sa compagne aux Etats-Unis, Gigi Chao est connue de tous à Hongkong depuis que son père, le tycoon et célèbre playboy Cecil Chao Sze-tsung, a publiquement promis 500 millions de dollars Hongkong (plus de 48 millions d’euros) à l’homme qui saura conquérir le cœur de sa fille. La mère de Gigi Chao était présente sur l’estrade aux côtés de sa fille. Ancienne actrice elle-même, elle a raconté comment la découverte de l’homosexualité de sa fille lui avait « brisé le cœur » et comment sa récente conversion au christianisme lui avait permis de dépasser son chagrin et de pardonner à sa fille.

Face à la mobilisation des chrétiens de Hongkong, les associations homosexuelles du territoire ne sont pas restées inactives et ont lancé à leur tour une campagne de sensibilisation du public à leur cause. Appuyée par des stars de la chanson ouvertement homosexuelles, telles Anthony Wong Yiu-ming et Denise Ho Wan-sze, la campagne est intitulée « Big Love » et vise à « éduquer l’opinion publique au sujet d’une loi interdisant les discriminations envers les minorités sexuelles ».

Pour le législateur Raymond Chan Chi-chuen, qui a rendu publique son homosexualité, les opposants à un éventuel projet de loi anti-discrimination sont « trompés par ceux qui les appellent à manifester car on leur dit qu’en cas de vote d’un tel texte, ils ne pourront plus parler d’homosexualité à l’église, voire dans les textes de la doctrine chrétienne ». Il ajoute toutefois craindre « la pusillanimité » du gouvernement sur le sujet, l’estimant « incapable de résister aux pressions » au cas où une consultation publique est effectivement lancée.