Eglises d'Asie

Sur la blogosphère, des internautes chinois se demandent si la religion n’est pas à la base de la force de la démocratie américaine

Publié le 22/01/2013




Si les cérémonies de l’« inauguration » (investiture) du président Obama, ce lundi 21 janvier 2013 à Washington DC, ont été moins intensément suivies que celles qui avaient eu lieu, il y a quatre ans, pour l’entrée du premier président noir à la Maison Blanche, elles ont toutefois été largement couvertes par la plupart des médias, y compris en Chine. Et le serment que le président américain a prêté sur la Bible…

… a suscité dans la blogosphère chinoise une avalanche de commentaires, certains d’entre eux estimant que la démocratie américaine puisait sa force dans la religion chrétienne (1).

C’est le site d’information en ligne Quartz qui le relève : les cérémonies d’inauguration du président Obama ont suscité une intense activité, le 21 janvier, sur Weibo, l’équivalent chinois de Twitter. Plus de 25 millions de messages ont été postés à ce sujet. L’un d’eux, retransmis plus de 2 000 fois et commentés par plus de 500 personnes, est signé du pseudo « Wugou1975 ». Il s’attache plus particulièrement à la photo du président américain prêtant serment devant John Roberts, président de la Cour suprême des Etats-Unis.

« Des Chinois trouvent incroyable que le président démocratiquement élu d’un pays laïc prête serment la main sur la Bible, et non sur la Constitution, devant un juge suprême, et non devant le Congrès. Mais, en réalité, c’est bien là que se trouve le secret de la démocratie constitutionnelle américaine. Ce secret ne se trouve pas être la Constitution ou la doctrine de ‘la séparation des pouvoirs’ ; il réside dans le fait qu’au-dessus de tous se trouve la loi naturelle, dont le gardien est un juge suprême. En-dessous, on trouve une communauté de chrétiens, unis par leur croyance. »

Quelques semaines après que l’équipe dirigeante du Parti communiste chinois a été renouvelée, les internautes chinois s’interrogent sur une éventuelle transposition de la cérémonie américaine à Pékin. Parmi les réponses au message de Wugou1975 figure celle-ci : « Si les dirigeants chinois avaient à prêter serment, sur quoi le feraient-ils ? » Un autre revient à la notion de droits naturels de la personne humaine et s’interroge : « Cette loi naturelle évoquée par [John] Locke, est-ce donc la loi de Dieu ? » Un troisième établit un lien entre Etat de droit, respect des droits de l’homme et christianisme : « La photo [de l’inauguration présidentielle américaine] résume les traits les plus importants de la chrétienté protestante : la puissance du divin, le droit, l’homme et le citoyen ».

Tous les internautes ne sont pas prêts à faire crédit à la démocratie américaine et à son enracinement dans une culture politique chrétienne. Ils s’interrogent même sur la nécessité pour un pays d’être fondé sur la religion. L’un d’eux écrit : « Les Américains affirment ne pas pouvoir vivre sans religion ou croyance, mais cela n’empêche pas les atteintes aux préceptes moraux… Il est plus sûr de s’appuyer sur un système politique. » D’autres se moquent de ce qu’ils perçoivent comme la religiosité affichée des Américains : « Comme nos bien-aimés billets en dollars l’affichent : ‘In God, we trust’. »

Quant à savoir s’il serait possible qu’un jour le président chinois prête serment sur la Bible, peu d’internautes se risquent jusque là, dans un pays où pourtant le christianisme, notamment sous sa forme protestante, est la religion qui connaît la plus forte croissance en termes de nouveaux fidèles. Un internaute, dont le profil indique qu’il est avocat et chrétien, écrit : « Je crois qu’un jour, la Chine connaîtra une journée comme celle-ci. Le chef de l’Etat chinois se présentera debout devant un juge suprême, une cour constitutionnelle, la main sur la Bible. » Ce à quoi un autre internaute répond : « Je l’espère. Amen. »

Au-delà de la brièveté imposée par l’exercice du tweet sur un média comme Weibo, le débat sur les racines de la force supposée de la démocratie américaine et, en miroir, sur ce qui manquerait à une Chine devenue en quelques décennies la deuxième économie de la planète renvoie à une réflexion menée au sein des cercles intellectuels chinois. Il y a quelques mois, un chercheur de l’Académie chinoise des sciences sociales faisait paraître un article intitulé : « Mais que manque-t-il donc à la Chine ? », il identifiait comme réponse le domaine spirituel et la religion. « Si nous regardons en arrière pour voir comment la Chine s’est efforcée de conserver sa place dans le monde à travers son histoire plurimillénaire, et comment d’autres puissances se sont élevées dans l’histoire, nous pouvons constater que le facteur clé dont dépend le futur développement de la Chine ne se trouve pas dans le domaine matériel, mais bien dans le domaine spirituel. De quoi manque surtout la Chine du XXIe siècle ? De savoir en quoi croire ! La Chine souffre de sérieux manques concernant la vie spirituelle et la vie morale qui sont par essence du domaine de la foi », analysait-il sans pour autant appeler les Chinois à embrasser la religion chrétienne.

Ailleurs que sur Weibo, dans la presse chinoise, notamment ses organes les plus officiels tels que l’agence Chine Nouvelle (Xinhua News) ou le Quotidien du peuple, on pouvait lire des articles mettant en avant le fait que des questions anciennes, telle la crise budgétaire, ou nouvelles, telle le contrôle des armes à feu dans le pays, s’accumulaient sur le bureau du président Obama.