Eglises d'Asie – Pakistan
Un sanctuaire cachemiri relance les pourparlers indo-pakistanais
Publié le 13/02/2018
Un temple hindou vieux de 2 000 ans, situé dans la région cachemiri administrée par le Pakistan, apparaît comme le point de ralliement pour la relance des pourparlers de paix entre l’Inde et le Pakistan, et conduit les hindous et musulmans divisés à se rassembler pour revendiquer leur héritage.
Le temple, révéré par les hindous comme par les musulmans comme un sanctuaire sacré, se tient à 25 kilomètres de la ligne de contrôle, une démarcation militaire qui divise la région cachemiri disputée par l’Inde et par le Pakistan. Dans cette zone troublée, où les tensions religieuses sont bien souvent vives, des conflits armés éclatent régulièrement entre les armées des deux pays. Depuis que 23 familles hindoues sont parties en 1947 pour l’Inde, le sanctuaire a été délaissé. Malgré tout, des musulmans de la région continuent de révérer le temple.
Le sanctuaire, situé dans le village de Sharada, près de la ville de Muzaffarabad dans le Nord du Pakistan, est connu sous le nom de Sharada Peeth, « la demeure de Saraswati » (la déesse hindoue du savoir). Les ruines de ce temple abandonné sont tout ce qui reste d’une ancienne université indienne, selon des spécialistes indiquant que le site a été visité, en 632, par le moine bouddhiste chinois Xuanzang.
Aujourd’hui, un groupe de cachemiris, composé d’hindous et de musulmans, fait campagne en Inde et au Pakistan pour restaurer le sanctuaire et rouvrir la route franchissant la frontière pour les pèlerins indiens. Ravinder Pandita, qui dirige le Comité pour la sauvegarde de Sharada (Save Sharada Committee), confie que le gouvernement pakistanais de cette région cachemiri a reçu la pétition et ordonné la restauration du temple.
Une pétition hindo-musulmane
Le groupe fait également campagne auprès des gouvernements locaux et provinciaux à Delhi, Srinagar, Muzaffarabad et Islamabad. « Les gouvernement peuvent parler et se battre ; les armées peuvent combattre ou se surveiller mutuellement. Mais pour nous cachemiri, ce temple est situé sur des terres cachemiri et c’est notre devoir de le restaurer », défend Pandita. Ce dernier fait partie des quelques 300 000 hindous ayant fuit leur maison du nord du Cachemire il y a 27 ans, après que des rebelles musulmans, revendiquant le soutien du Pakistan, avaient attaqué et déchaîné sur eux une véritable campagne de terreur.
Le soutien que Pandita a reçu des villageois de Sharada « a été très encourageant », se réjouit-il. Il utilise internet pour dépasser les frontières physiques, comme la ligne de contrôle militaire. Ainsi, il peut assurer le contact avec les locaux, explique-t-il en montrant une vidéo affichant un drapeau pakistanais flottant sur un monticule de sable près du sanctuaire. « Cela a été filmé récemment, probablement suite à toute la tension liée à la ligne de contrôle », explique Pandita.
Bien que la zone dépende aujourd’hui du Pakistan, un pays islamique, « les gens n’ont pas oublié leur histoire, et la plupart des boutiques et hôtels locaux sont nommés d’après Sharada », ajoute Pandita. À Sharada, les musulmans locaux croient en la légende de deux sœurs : Mai Sharada (« mai » voulant dire « mère » en ourdou) et Mai Narada. Mai Sharada, la déesse du savoir, est montrée assise, sculptée dans le temple, tandis que Mai Narada est incarnée par la forme d’une butte faisant face au sanctuaire.
Un bus frontalier, symbole de paix
Le temple est toujours en ruines : beaucoup de pierres sont abimées et la structure n’a plus de toit depuis qu’un tremblement de terre a dévasté la région en 2008. La statue en bois de santal qui se trouvait dans le temple a disparu peu après la partition de l’Inde en 1947. Les Cachemiris sont devenus divisés entre trois états, l’Inde contrôlant 40% du Cachemire et 70% de sa population. En signe de réconciliation, l’Inde et le Pakistan ont désormais autorisé un bus traversant la frontière entre les capitales des régions du Cachemire administrées par les deux pays – Srinagar pour la zone indienne et Muzaffarabad pour la zone pakistanaise. Une initiative qui facilite les réunions familiales.
Pandita, lui, ne peut pas utiliser ce bus car il n’a pas de parents de l’autre côté. « Pour l’instant, ce souci de garder le contact avec ses proches ne concerne que les musulmans, car ils sont les seuls à avoir des proches de l’autre côté de la frontière », explique-t-il. Mais la plupart des Cachemiris « accordent beaucoup d’importance à leur religion, en dépit des tensions frontalières », ajoute Pandita, qui assure que la promotion d’un « tourisme religieux » entre les deux zones pakistanaise et indienne apaisera les tensions dans la région.
D’autres pensent autrement, étant donné l’importance stratégique de la région pour les deux armées. Sayed Ata Hasnain, un ancien commandant Cachemiri, aujourd’hui membre du groupe de Pandita, confie que l’armée pakistanaise considère le village de Sharada comme un lieu stratégique. Sayed pense que celle-ci serait contre l’arrivée de flots de touristes ou de pèlerins indiens. De son côté, Pandita continue de considérer le bus traversant la frontière comme un symbole de ce qui peut être entrepris quand les gens mettent leurs différences de côté pour réfléchir ensemble : « Aurions-nous pu imaginer qu’un bus roulerait un jour entre Srinagar et Muzaffarabad ? »
(Source : Ucanews)