Eglises d'Asie

Le président Ma Ying-jeou assistera à la messe d’installation du pape François

Publié le 18/03/2013




Dimanche 17 mars au soir, le président taiwanais Ma Ying-jeou et son épouse Christine Chow Mei-ching se sont envolés vers Rome où ils assisteront, le 19 mars, à la messe d’installation du pape François. Lors de l’annonce de ce déplacement, le 15 mars en fin de journée à Taipei, la vice-ministre des Affaires étrangères, Vanessa Shih, a déclaré à la presse que les deux pays (le Saint-Siège et la République de Chine) « avaient en commun la défense de valeurs universelles, telles que la liberté, la démocratie, la liberté de religion et la justice ».

« Parce que nous partageons ces valeurs, notre amitié est étroite (…). Le Saint-Siège est notre allié diplomatique et le président (…) sera à la tête d’une délégation pour l’investiture du nouveau pape », a précisé la diplomate. Sur sa page Facebook, le président taiwanais a souligné que « le Vatican [était] l’unique allié diplomatique de Taiwan en Europe » et que sa visite place Saint-Pierre s’inscrivait dans le cadre de relations diplomatiques « vieilles de 71 ans ».

Le président, qui a été baptisé dans la foi catholique mais n’est pas pratiquant, rappelle qu’il est né dans une famille catholique et qu’enfant, sa grand-mère avait coutume de l’emmener à la messe. Il précise encore qu’étudiant, il a appris le français et l’anglais auprès d’un prêtre et d’une religieuse catholique. Il rappelle enfin que, s’il se rend pour la première fois au Vatican en sa qualité de chef d’Etat, il a déjà eu l’occasion d’y passer, une fois « en coup de vent » en 1997 et une autre fois en 1999 en tant que maire de Taipei.

Pour la République de Chine (Taiwan), qui est maintenue dans un relatif isolement diplomatique en raison de la théorie de la représentation unique de la Chine, le Saint-Siège est de facto un partenaire diplomatique d’importance. Outre le fait que les relations entre la République de Chine et le Saint-Siège sont anciennes (1942) et préexistent à la division de la Chine en 1949 entre une République populaire de Chine (Pékin) et une République de Chine (Taipei), Taiwan n’entretient aujourd’hui de relations diplomatiques qu’avec 23 nations, principalement en Amérique latine, en Afrique et dans le Pacifique sud. Le Saint-Siège est le seul Etat en Europe avec laquelle Taiwan échange des ambassadeurs.

Pékin de son côté veille à maintenir ce relatif isolement de Taiwan et avait d’ailleurs très vivement réagi lorsqu’en 2005, le président taiwanais de l’époque, l’indépendantiste Chen Shui-bian, s’était rendu place Saint-Pierre pour assister à la messe de funérailles du pape Jean Paul II. La Chine populaire avait alors fustigé « une action visant à créer deux Chine ou une Chine et un Taiwan, ce à quoi le gouvernement chinois s’est toujours refusé » et avait vertement reproché à l’Italie la délivrance d’un visa pour le président Chen.

Cette fois-ci, la réaction de la Chine populaire à l’annonce du voyage à Rome du président Ma semble nettement plus modérée. Le 16 mars, au point presse quotidien du ministère des Affaires étrangères à Pékin, la porte-parole Hua Chunying s’est contentée de déclarer : « Nous espérons que Taiwan gardera à l’esprit les intérêts globaux des relations entre les deux rives du détroit et travaillera avec la Chine pour en maintenir les bonnes conditions. » Elle ajoutait encore : « Les opinions de la Chine concernant les relations avec le Vatican demeurent inchangées : nous espérons que le Vatican prendra des mesures concrètes pour améliorer ces relations et supprimer les obstacles qui leur nuit. »

Selon le politologue Alexander Huang, professeur à l’université Tamkang de Taipei, il est probable que le président Ma a averti Pékin de son voyage au Vatican même si l’exécutif taiwanais le dément, et que les deux parties se sont entendues sur des réactions modérées. En effet, membre du parti nationaliste (Kouomintang), au pouvoir depuis 2008, le président Ma a engagé Taiwan dans une politique de rapprochement avec Pékin sur la base d’échanges économiques, culturels et humains croissants entre les deux rives du détroit de Formose. A ce stade, ni Taipei ni Pékin n’ont intérêt à remettre en question le resserrement de leurs liens et le président Ma se sent donc assez fort pour se rendre en personne à ce moment de communion internationale que constitue la messe d’installation d’un nouveau pape.

Du côté du Saint-Siège, l’usage veut que la secrétairerie d’Etat n’envoie pas d’invitation aux différents Etats avec lesquels des relations diplomatiques ont été nouées. Vient qui veut à la messe d’installation du nouveau pape, les délégations officielles étant seulement priées de s’annoncer afin d’être reçues comme l’exigent les règles du protocole (1). A ce jour, Pékin n’a pas fait part de son intention de déléguer l’un ou l’autre de ses dirigeants place Saint-Pierre.

Enfin, pour ce qui concerne la conduite du « dossier chinois » par Rome, la renonciation du pape Benoît XVI a eu une conséquence. La réunion annuelle de la Commission vaticane sur l’Eglise en Chine devait se réunir dans le courant du mois d’avril prochain. L’annonce de la renonciation de Benoît XVI a entraîné son report à une date qui reste à fixer. Nul doute que cette réunion sera l’occasion pour le nouveau pape à la fois de s’informer et sans doute d’imprimer sa marque à un dossier souvent qualifié de prioritaire.

Les chroniqueurs n’ont pas manqué de noter que le nom du pape jésuite, s’il faisait référence à saint François d’Assise, pouvait aussi renvoyer à saint François Xavier, co-fondateur, avec Ignace de Loyola, de la Compagnie de Jésus. Grand évangélisateur en Asie, François Xavier est mort le 3 décembre 1552 sur l’île de Shangchuan (Sancian), dans l’attente de la permission d’entrer en Chine.