Eglises d'Asie – Chine
Pékin réaffirme sa politique de fermeté vis-à-vis du dalai lama et des Tibétains
Publié le 10/07/2013
Ce 9 juillet, Yu Zhengsheng, numéro 4 dans la hiérarchie du Comité permanent du Bureau politique du Parti communiste chinois (PCC) – le cœur du pouvoir de la Chine populaire, qui compte sept membres –, était en déplacement au Gansu, l’une des provinces de l’Ouest chinois qui abritent d’importantes zones de peuplement tibétain. Président du Comité national de la Conférence consultative du peuple chinois, il est notamment responsable des relations avec les minorités ethniques et religieuses. Dans un discours à la tonalité très officielle, rapporté par l’agence Chine Nouvelle ainsi que par le site Internet du gouvernement central, Yu Zhengsheng a déclaré qu’« au nom de l’unité nationale et de la stabilité des régions tibétaines, [le gouvernement chinois devait] adopter une position claire et renforcer la lutte contre la clique du dalai lama ».
Centrant son discours sur l’aide économique et au développement apportée par Pékin au Tibet et aux Tibétains, Yu Zhengsheng a précisé que les dignitaires bouddhistes devaient s’opposer à toute remise en cause de la suprématie du PCC sur le Tibet. Les relations avec le dalai lama ne pourront s’améliorer que si ce dernier reconnaît l’appartenance du Tibet à la Chine et renonce à ses activités indépendantistes, a-t-il encore affirmé, précisant : « La ‘voie médiane’ préconisée par le dalai lama et destinée à doter le ‘Grand Tibet’ d’un soi-disant haut degré d’autonomie est complètement contraire à la Constitution chinoise et au dispositif d’autonomie régionale ethnique. »
Selon les analystes, par un discours d’une telle fermeté, la nouvelle équipe au pouvoir à Pékin depuis le mois de novembre dernier vient affirmer sa volonté de ne rien changer à sa politique de contrôle total sur le Tibet et au refus de toute ouverture envers le dalai lama, âgé de 78 ans et dont la question de la succession à venir est dans tous les esprits.
Ces derniers temps, des informations avaient circulé indiquant que dans certaines régions du Tibet historique, les images du dalai lama, habituellement interdites, étaient désormais tolérées par les autorités locales. Les observateurs avaient aussi noté que, le 9 juin dernier, une revue de Hongkong, Yazhou Zhoukan (Asia Weekly), avait publié une interview de Jin Wei, directrice des Affaires religieuses et ethniques à l’Ecole centrale du PCC, l’institution qui forme les hauts cadres du Parti à Pékin. Sans se départir de la ligne politique officielle, celle-ci appelait à la réouverture de « discussions sérieuses, sincères et constructives » avec le chef spirituel des bouddhistes tibétains, qualifié par elle de « dieu vivant pour six millions de Tibétains ». On pouvait penser que certains à Pékin lançait là un ballon d’essai à l’attention de la communauté internationale et du dalai lama, augurant d’une inflexion de la politique tibétaine menée par le pouvoir chinois. Toujours dans le même ordre d’idée d’une possible ouverture, l’ambassadeur américain en poste dans la capitale chinoise obtenait l’autorisation de se rendre en famille pour une visite de trois jours au Tibet fin juin.
Le discours de Yu Zhengsheng est donc venu refroidir ces signaux annonciateurs d’une possible ouverture de Pékin sur la question tibétaine. Trois jours avant ce discours, une actualité sanglante démentait elle aussi toute inflexion sur ce dossier. Le 6 juillet, à Daofu, dans la province du Sichuan, la police armée chinoise ouvrait en effet le feu sur un rassemblement d’un millier de moines, nonnes et fidèles bouddhistes tibétains, blessant sept d’entre eux. Selon le site d’information tibétain Phayul, deux moines, Tashi Sonam et Ugyen Tashi, sont dans un état critique, l’un d’eux ayant reçu une balle dans la tête.
Depuis les manifestations du printemps 2008 à Lhassa, réprimées dans le sang (1), c’est la première fois que les forces de l’ordre chinoises tirent sur une foule de Tibétains. Selon les informations diffusées par les médias de la diaspora tibétaine en exil (les régions de peuplement tibétain sont fermées aux journalistes étrangers), le rassemblement de bouddhistes tibétains à Daofu était organisé à l’occasion du 78ème anniversaire du dalai lama (2). Etant donné la très stricte surveillance à laquelle sont soumis les monastères, la réunion avait lieu à l’écart dans la montagne, là où les religieux peuvent pratiquer leurs rituels sans entrave. Malgré ces précautions, rapportent des témoins cités par Radio Free Asia, des camions militaires ont fait irruption et la police armée a encerclé le campement. « Des gaz lacrymogènes et des coups de feu ont été tirés sans sommation » et, selon un témoin, un moine qui tentait de « contourner » le cordon de sécurité mis en place par la police a été atteint d’une balle à la tête. Des dizaines d’arrestations auraient suivi.
La région du Grand Tibet (constituée de la Province autonome du Tibet ainsi que de larges portions du Sichuan, Yunnan, du Gansu et du Qinghai) n’est pas la seule partie du territoire de la République populaire de Chine à refuser l’extrême centralisation imposée par Pékin. Au Xinjiang, dans ce vaste quart nord-ouest du pays, le 26 juin dernier, des heurts violents entre la police et « un groupe de personnes munies d’armes blanches » ont fait au moins 35 morts à Lukqiu, à 250 km au sud-est de la capitale régionale Urumqi. Selon les autorités, les émeutiers étaient des Ouïgours (ethnie musulmane et turcophone, 40 % de la population du Xinjiang) qui s’en sont pris aux postes de police. Ces émeutes pourraient être liées à la mort de deux Ouïgours le 25 juin dans une usine de fabrication de jouets. En 2009, des troubles entre Chinois et Ouïgours avaient fait 200 morts d’Urumqi. L’anniversaire, le 5 juillet, de ces émeutes à caractère ethnique avait été précédé à Urumqi d’un très important déploiement de forces militaires, avec chars et véhicules blindés, les autorités souhaitant sans doute adresser un message préventif à la population ouïgoure.