Eglises d'Asie

La mosquée attaquée ce week-end par les bouddhistes sera délocalisée

Publié le 12/08/2013




Les forces de l’ordre sont toujours en alerte ce lundi 12 août après les violences qui ont été perpétrées ce week-end contre une mosquée et ses fidèles à Colombo. Comme l’avaient demandé les assaillants, le lieu de culte sera fermé et délocalisé. 

Les attaques antimusulmanes menées par les bouddhistes extrémistes se poursuivent au Sri Lanka. Samedi 10 août, pendant la prière du soir, une mosquée nouvellement érigée dans le quartier de Grandpass à Colombo, a été saccagée à coups de pierre par une foule de plusieurs centaines de bouddhistes en colère. L’attaque aurait fait, selon les sources, entre 5 et 14 blessés graves, parmi lesquels deux policiers et l’imam de la communauté.

Les témoins rapportent que le temple bouddhiste voisin– qui s’opposait à l’inauguration définitive d’une mosquée à proximité – a fait sonner ses cloches le 10 août dans la soirée afin d’appeler les émeutiers qui se sont alors rués sur le lieu de culte musulman, munis de pierres, de bâtons et d’armes blanches. Les bâtiments adjacents à la mosquée ont été également touchés par l’attaque.

Le lieu de culte a été fermé ce matin et le gouvernement a annoncé qu’il serait délocalisé, afin d’éviter d’autres agressions. La mosquée, qui venait juste de recevoir l’accord du gouvernement pour ouvrir officiellement ses portes, sera reconstruite sur son ancien site, que les autorités sri-lankaises avaient réquisitionné afin de le démolir dans le cadre de travaux de réaménagement du quartier.

« Nous sommes arrivés à une solution équitable pour les deux parties ; la mosquée sera donc rebâtie sur son site originel », a déclaré ce matin aux journalistes, le ministre des Technologies, Champika Ranawaka, envoyé la veille par le gouvernement de Mahinda Rajapaksa pour régler l’affaire. Cette déclaration officielle est intervenue après de longs pourparlers entre les différents responsables bouddhistes et musulmans, débats qui se sont prolongés tard dans la nuit de dimanche. Champika Ranawaka, qui est également l’actuel dirigeant du Jathika Hela Urumaya (JHU), le parti nationaliste bouddhiste au pouvoir, s’est félicité d’avoir pu aboutir à « une résolution pacifique du conflit » ainsi qu’ à une décision « commune », prise « en accord avec le ministère du culte bouddhique et des affaires religieuses ».

Un constat de satisfaction qui est loin d’être partagé par les leaders musulmans, lesquels dénoncent aujourd’hui une décision unilatérale en faveur du « parti des bonzes »  (JHU), directement impliqué dans la vague de violence antimusulmane qui sévit au Sri Lanka, en particulier par l’action de ses deux mouvements extrémistes le Bodu Bala Sena et le Ravana Balaya.

Malgré la déclaration modérée de son président, qui s’est contenté de relater le « compromis » accepté dimanche 11 août au soir, le Sri Lanka Muslim Council, organisation regroupant des représentants de la société civile, a vigoureusement condamné l’attaque contre la mosquée et dénoncé l’inaction de la police qui a « assisté aux faits sans bouger » et « n’a arrêté aucun des assaillants ».

Dès les premiers heures de l’attaque samedi, des centaines de policiers anti-émeutes, encadrés par l’armée ont été déployés devant la mosquée et dans le quartier. Un couvre-feu a été mis en place, qui n’a été levé que ce matin à 7 heures. Mais, dénonce le Sri Lanka Muslim Council, rien n’a été fait pour empêcher la poursuite des violences. Dès le lendemain, dimanche, des heurts se sont produits de nouveau, malgré la présence renforcée de la police. Des vidéos provenant de caméras de surveillance ou de téléphones portables, postées sur Youtube, montrent une foule déchaînée saccageant la mosquée et les habitations musulmanes alentours, et jetant des pierres devant des forces de l’ordre impassibles. « L’attaque de la mosquée, déclare encore le Sri Lanka Muslim Council, s’est produite en présence de nombreux agents de sécurité et de police : Cette non-intervention de la police est une violation des droits des musulmans de ce pays et prépare le terrain à de nouvelles agressions ».

Les quelques responsables musulmans au pouvoir ( appartenant au parti du Sri Lanka Muslim Congress), ont à leur tour stigmatisé l’immobilisme des autorités face à la dégradation de la sécurité de la communauté musulmane, ainsi que l’absence de protection de leurs lieux de culte et ce, malgré les violences de ces derniers mois. « La population ne doit plus croire que des éléments de notre société peuvent commettre des crimes en toute impunité » a notamment déclaré le ministre de la Justice Rauf Hakeem, dans des propos rapportés par la chaîne de télévision indienne NDTV.

Cette dernière attaque s’inscrit dans le cadre d’une vague de violence à l’encontre des minorités religieuses (chrétiennes, hindoues, musulmanes), qui va croissant au Sri Lanka dont la population est très majoritairement bouddhiste.

La communauté musulmane, la plus ciblée aujourd’hui par le « parti des bonzes », a subi successivement ces derniers mois, de violentes manifestations contre la certification halal des produits alimentaires, suivies d’attaques comme celles de mars à Colombo où des magasins tenus par des musulmans ont été pillés et incendiés, puis d’ émeutes en mai contre l’abattage du bétail selon le rite islamique et enfin de l’attaque en juin dernier d’un centre musulman dont les bouddhistes exigeaient la fermeture.

Dimanche 11 août, les responsables de l’Alliance interreligieuse pour l’Unité nationale (Iranu), qui rassemble des leaders bouddhistes, chrétiens et musulmans, ont accusé des « politiciens frustrés et ennemis de la paix » d’attiser la haine, et ont appelé les « hommes de bonne volonté » à ne pas participer à la destruction de leur société, rapporte le Lanka Times d’aujourd’hui.

L’ambassade américaine au Sri Lanka a publié quant à elle ce matin une déclaration dans laquelle elle a fait part de « sa grande préoccupation » concernant les dernières violences « commises à l’encontre de la communauté musulmane », et demandé au gouvernement de veiller au maintien de la liberté religieuse garantie par la constitution du pays. 
 

(eda/msb)