Eglises d'Asie

L’Eglise de Hongkong interpelle le gouvernement sur sa politique sociale par des pages de publicité dans la presse

Publié le 25/09/2012




C’est par une double page publiée le 21 septembre dans la presse du territoire que le diocèse catholique de Hongkong a choisi d’interpeller les pouvoirs en place afin d’orienter leur politique dans un sens plus favorable aux familles et aux laissés-pour-compte de la croissance économique.

Sous le titre « Des propositions de l’Eglise catholique à Hongkong pour le nouveau gouvernement de la HKSAR » (1), le texte a été publié en anglais dans le South China Morning Post et en chinois dans le Ming Pao Daily sous la forme de pages de publicité. Après le changement à la tête de l’exécutif local, qui a vu Leung Chun-ying succéder le 1er juillet dernier à Donald Tsang Yam-kuen, et les élections du 9 septembre dernier qui ont renouvelé le Legco, le Parlement de Hongkong, les responsables du diocèse de Hongkong ont estimé qu’il était temps pour eux d’exprimer leurs vues sur la politique sociale à mener dans les prochaines années à Hongkong. Selon le P. Dominic Chan, vicaire général du diocèse, le message que l’Eglise veut faire entendre s’adresse « aussi bien au gouvernement qu’à l’ensemble des résidents de Hongkong ».

Le 19 février dernier, le diocèse avait recouru au même procédé pour faire entendre sa voix sur la question de l’élection au suffrage universel des dirigeants de Hongkong, une revendication ancienne du camp démocrate soutenue par l’Eglise locale. A cette date, le processus de désignation du nouveau chef de l’exécutif Leung Chun-ying était en cours et la démarche du diocèse n’était pas passée inaperçue ; c’était en effet la première fois qu’une instance religieuse s’invitait aussi ouvertement dans le débat sur l’introduction du suffrage universel à Hongkong.

Cette fois-ci, le diocèse a choisi de s’exprimer par les mêmes canaux – des pages de publicité achetées dans la presse profane – mais une fois passées les principales échéances électorales. Le P. Dominic Chan explique que « les affaires sociales sont aussi les affaires de l’Eglise et c’est pourquoi [le diocèse] a choisi d’exprimer ses vues de cette manière concrète ». Il ajoute que l’Eglise locale « espère que le gouvernement [leur] donnera une réponse positive afin que tous les Hongkongais, y compris ceux qui sont au bas de l’échelle sociale, puissent connaître une vie meilleure et plus sûre ».

Selon Dominic Yung Yuk-yu, directeur du Bureau catholique des communications sociales de Hongkong, la lettre du diocèse « ne s’intéresse pas à savoir ‘qui’ » mettra ces réformes en œuvre (elle n’est donc pas dirigée contre Leung Chun-ying), mais ne cherche que le « bien commun », tendant « une main amicale » au gouvernement. Le responsable catholique annonce qu’une troisième lettre pourrait d’ailleurs être publiée sous peu.

Organisée en deux chapitres principaux, consacré l’un à « la promotion de la famille » et l’autre à « l’élimination du fossé entre les riches et les pauvres ainsi qu’à l’amélioration de l’économie et du niveau de vie », le document vise à contrebalancer les effets pervers de la politique économique ultralibérale menée par les autorités hongkongaises.

Concernant la famille, il est noté que si Hongkong a constamment progressé dans les domaines éducatif, technologique, médical, culturel et économique, y compris en termes de « développement de la société civil et de l’engagement politique », en revanche, « l’unité familiale » a « constamment décliné ». Divorce, famille monoparentale, violence domestique : Hongkong connaît tous les symptômes de l’affaiblissement de la cellule familiale et en mesure « l’impact » sur la société de l’addiction des jeunes aux stupéfiants aux attitudes permissives en matière sexuelle. Pour les adultes, l’absence de définition d’une durée maximale de la journée de travail et de dispositif en faveur du temps partiel ont pour conséquence une importance excessive accordée à l’activité professionnelle, qui réduit d’autant « les opportunités de communication entre les époux ou entre les parents et les enfants ». Au final, le déclin de la natalité et de la nuptialité sont patents. Le diocèse invite donc le gouvernement à réagir en mettant en place des mesures favorables aux familles, dont notamment une aide aux jeunes ménages pour acquérir un logement.

La question du logement est longuement abordée dans le deuxième chapitre du document, dans la mesure où l’envolée des prix de l’immobilier sont un des facteurs qui aggravent le plus le fossé séparant les riches des pauvres à Hongkong. Il est noté que pour sept millions d’habitants à Hongkong, on dénombre un million de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Une fraction significative de ce million de pauvres est constituée de personnes âgées. Parmi les personnes qui ont un travail, une part grandissante appartient désormais aux « working poors », dont le salaire ne suffit pas à maintenir un niveau de vie décent. Le constat est posé : « Il existe désormais à Hongkong un manque de mobilité sociale, dans la mesure où les classes les plus défavorisées ainsi que les classes moyennes ne peuvent plus aisément améliorer leur condition, tandis que les couches supérieures continue à accumuler [du patrimoine]. »

Un des nœuds du problème, souligne le document, consiste en la cherté du foncier à Hongkong. Là où une famille ordinaire vivant dans le contexte d’une économie similaire à celle de Hongkong consacre cinq années de ses revenus à acquérir un logement, une famille hongkongaise doit y sacrifier plus de onze années de revenus, et encore pour une surface minimale (37 m² en moyenne). « Une société qui néglige de s’attaquer à la disparité entre les riches et les pauvres n’est pas digne d’être appelée une société civilisée ou avancée », conclut le rapport, en formulant des propositions de réformes qui doivent aller au-delà des quelques « faveurs » ou « cadeaux » que le gouvernement se contente d’accorder « sans avoir l’intention de régler les problèmes ».