Eglises d'Asie

L’annonce du rapatriement des réfugiés birmans par le gouvernement thailandais suscite l’inquiétude des ONG et de la communauté internationale

Publié le 22/04/2011




La Thailande a annoncé qu’elle allait « prochainement » rapatrier en Birmanie les quelque 150 000 réfugiés vivant dans ses camps installés à la frontière, en majorité membres de l’ethnie karen, prétextant le changement de régime récent de son voisin, aujourd’hui « sur la voie de la démocratie ». C’est lors d’une réunion des pays membres de l’ASEAN que le 11 avril dernier, Thawil Pliensri, chef du conseil de la sécurité thailandaise, …

… a fait une déclaration officielle, précisant que « qu’il ne pouvait encore dire avec exactitude quand [le gouvernement] fermerait les camps, mais que sa décision était prise ».

 

Les ONG étrangères qui aujourd’hui permettent aux camps de fonctionner, ainsi que le UNHCR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés) ont immédiatement fait part de « leur grande préoccupation », en raison des risques que les refugiés encourent en revenant en Birmanie. Malgré les conditions de vie qui se sont considérablement aggravées dans les camps et dont les associations de défense des droits de l’homme se sont alarmées ces derniers mois, le sort qui attend les réfugiés de retour dans un pays dont ils ont fui la dictature militaire est encore moins enviable. « Nous voulons tous que les camps ferment et que les réfugiés puissent rentrer chez eux », explique Jack Dunford du Thailand Burma Border Consortium (TBBC), un réseau d’ONG qui travaille dans les camps de la frontière birmano-thai, « mais cela ne pourra se faire que lorsque la situation aura changé en Birmanie et qu’elle ne sera plus dangereuse pour eux ».

 

Dans les neuf camps disséminés le long de la frontière entre les deux pays, où certains réfugiés sont installés depuis plus de 20 ans, la tension et l’angoisse sont perceptibles. Les ressortissants birmans affirment craindre pour leur vie et dénoncent un « processus démocratique » qui n’est qu’une façade mise en place par la junte afin d’échapper aux sanctions internationales tout en maintenant sa dictature (1).

 

Contredisant les affirmations du gouvernement thailandais concernant le changement de régime en Birmanie, le flot des réfugiés est loin de se tarir. Il s’est même accentué peu après les élections de novembre dernier, qui avaient été qualifiées de « mascarade » par la communauté internationale. De violents combats à l’arme lourde entre le gouvernement et les armées rebelles des Etats Shan, Kachin, Karen et Karennis ont fait fuir les civils par milliers en Thailande (2). L’inquiétude des ONG s’étend également au sort des Rohingyas, minorité ethnique musulmane à laquelle le gouvernement de Birmanie n’accorde pas le statut de citoyen, et dont des centaines de membres ont tenté de trouver refuge sur le territoire thailandais où ils ont été violemment persécutés, malgré les admonestations récurrentes des Nations Unies et des ONG (3).

 

Les représentants de la Communauté européenne, lors d’une session qui s’est tenue le 12 avril dernier, ont quant à eux décidé de renouveler pour un an les sanctions à l’encontre du gouvernement birman, et appelé à la fin de l’impunité pour les crimes de guerre et les violations des droits de l’homme dans le pays. « Nous saluons la décision de l’Union Européenne de maintenir les sanctions contre la Birmanie, envoyant ainsi un message fort stigmatisant le comportement du régime », s’est félicité Benedict Rogers, responsable de l’ONG Christian Solidarity Worlwide (CSW) pour l’Asie du Sud-Est. Les Nations Unies, avec l’appui de plusieurs pays de l’Union Européenne, ont également demandé à s’assurer du processus de « retour volontaire » des réfugiés dans leur pays d’origine.

 

En 2010, la Thailande avait déjà bravé la condamnation unanime de la communauté internationale, en expulsant des milliers de réfugiés hmongs vers le Laos (voir EDA 521), en rapatriant de force 3 000 Karens puis quelques mois plus tard de nombreux migrants de l’ethnie kachin en Birmanie qu’ils avaient fui en raisons des persécutions et des violences qu’ils y subissaient (4). Selon l’organisation dissidente Democratic Voice of Burma, le gouvernement tenterait actuellement de reprendre la gestion des camps, qui est aujourd’hui presque entièrement entre les mains des ONG étrangères, afin de pouvoir expulser les réfugiés sans le contrôle de la communauté internationale.

 

Pour les Nations Unies, la principale solution au problème des réfugiés birman reste aujourd’hui la réinstallation dans un pays tiers. Depuis 2005, un programme mis en place par le HCR a permis à 58 000 réfugiés, essentiellement de l’ethnie karen, d’être accueillis aux Etats-Unis, au Canada et en Australie.