Eglises d'Asie

A Mae Sot, l’afflux de réfugiés birmans sature les capacités d’accueil des écoles locales

Publié le 27/05/2011




A Mae Sot, ville du nord-ouest de la Thaïlande située sur la frontière avec la Birmanie, la New Blood School est un établissement scolaire privé accueillant quasi exclusivement des enfants de Birmans venus chercher refuge en Thaïlande. Après les grandes vacances d’avril, l’école a rouvert ses portes pour la rentrée scolaire à la mi-mai avec des classes plus que pleines. Faute de place, le directeur de l’établissement doit quotidiennement refuser deux ou trois nouveaux élèves.

Depuis des décennies, la région de Mae Sot accueille sur son sol les réfugiés qui fuient la Birmanie pour des raisons politiques ou économiques. Ces derniers temps, avec les élections législatives de novembre dernier en Birmanie (1) et la transformation de la junte militaire en un gouvernement « civil » (2), les accrochages entre l’armée birmane et les milices des minorités ethniques ont entraîné un afflux de réfugiés à Mae Sot et ses alentours. Pour les autorités thaïlandaises comme pour les responsables des écoles privées, qui sont nombreuses dans la région, la question de l’accueil de tous ces nouveaux enfants se pose.

Pour cette rentrée scolaire, la New Blood School accueille 450 enfants, scolarisés du primaire jusqu’à la fin du secondaire. Son directeur précise que ce chiffre est bien supérieur à la capacité d’accueil de l’école et il pose la question du financement de son fonctionnement.

A l’image de la soixantaine d’écoles de Mae Sot et de ses environs qui accueillent les enfants des migrants et des réfugiés birmans, la New Blood School est une école privée. Fondées par des personnes de bonne volonté ou des ONG, ces écoles sont souvent d’inspiration chrétienne, mais la grande majorité n’affiche pas d’appartenance confessionnelle. Dans le cas de la New Blood School, une partie du financement provient de COERR (Catholic Office for Emergency Relief and Refugees), la Caritas thaïlandaise. Chaque mois, COERR verse 50 000 baths (1 160 euros) à l’établissement pour l’ensemble de ses frais de fonctionnement (salaires des enseignants, fournitures scolaires, nourriture des enfants, etc.).

Le P. Doroteo Reyes, directeur de la Commission nationale pour les migrants de l’épiscopat catholique thaïlandais, explique que cette allocation mensuelle de 50 000 baths avait été calibrée, lors de l’année académique précédente, pour 230 enfants. Cette année, l’afflux de nouveaux élèves le prend de court. Le prêtre précise qu’outre le subside de COERR, l’école reçoit des aides d’autres sources, des donateurs individuels et des ONG situées à l’étranger par exemple, mais ces contributions ne suffisent plus à boucler le budget de l’école. Il faudrait ainsi des fonds supplémentaires pour achever la construction d’un nouveau dortoir, pour réparer l’un des deux ordinateurs présents dans l’école ou tout simplement améliorer l’ordinaire de la cantine.

Sur place, les soutiens financiers sont rares. Le P. Reyes explique que les Thaïlandais de Mae Sot offrent à l’occasion des dons en nourriture mais qu’ils ne souhaitent pas s’engager plus pour soutenir les écoles accueillant les enfants des migrants. Selon Zaw Wyein Lott, l’un des enseignants de l’établissement, les propriétaires des nombreux ateliers et usines de Mae Sot qui embauchent les parents des enfants birmans, s’ils acceptent les bras de cette main-d’œuvre immigrée, ne se préoccupent pas de la manière dont leurs enfants sont scolarisés.

Du côté des autorités thaïlandaises, la politique n’est pas hostile aux écoles accueillant les enfants des réfugiés et des migrants. La scolarisation de ces enfants est même encouragée, les autorités préférant savoir les enfants dans des écoles plutôt que dans la rue. Un établissement comme la New Blood School reçoit ainsi une subvention du gouvernement. Les responsables des écoles privées indiquent toutefois que la difficulté, outre de trouver des fonds pour faire fonctionner les établissements, vient de l’absence de débouché pour les enfants, une fois passé le seuil des 15 ans.

En Thaïlande, en effet, les cartes d’identité ne sont délivrées qu’à partir de l’âge de 15 ans. Avant cet âge, les enfants n’ont pas de papiers d’identité et, en cas de contrôle par la police, il n’est pas possible aux autorités de déterminer avec facilité si tel enfant est de nationalité thaïlandaise ou birmane. Dès qu’ils sont scolarisés, les enfants sont porteurs d’un certificat de scolarité, délivré par l’établissement où ils étudient, et ce document suffit à justifier leur présence sur le sol thaïlandais. Les difficultés surviennent après l’âge de 15 ans et on constate, pour la plupart des enfants birmans, une recherche éperdue de papiers d’identité thaïlandais.

Pour ce faire, les enfants ou leurs parents se mettent en quête d’une famille de citoyenneté thaïlandaise dont un des enfants est décédé. Dans les villages de la montagne, la mortalité infantile demeure assez élevée et les décès d’enfants en bas âge ne sont pas rares. Lorsqu’un enfant meurt, les parents « omettent » de déclarer le décès et « cèdent » contre rémunération l’identité de leur enfant, inscrit sur leur livret de famille, à un jeune réfugié de Birmanie. Celui-ci devient alors un membre de la famille en question et peut prétendre à des papiers d’identité thaïlandais en bonne et due forme. Le tarif moyen pour ce type de transaction se monte à 70 000 baths (1 600 euros).

Pour nombre d’enfants de réfugiés, une telle somme représente un montant hors d’atteinte. Parmi ceux qui ne peuvent pas payer, les plus doués scolairement peuvent prétendre à intégrer une école publique thaïlandaise. Ensuite, à l’aide de bourses gouvernementales, ils pourront aller jusqu’à l’université et étudier éventuellement à Chulalongkorn, l’université la plus prestigieuse du pays, explique Zaw Wyein Lott, mais les élus sont très peu nombreux. Pour les autres, passés l’âge de 15 ans, ils deviennent des immigrés clandestins, avec toute la précarité que cela suppose.