Eglises d'Asie

Les arrestations en masse de membres du Jamaat se poursuivent sur fond d’émeutes

Publié le 19/08/2013




Le Jamaat-e-Islami, furieux de son éviction de la scène politique, multiplie dans tout le pays manifestations, émeutes et ‘hartals’ (grèves générales) depuis la décision de la Haute Cour de Dacca, le 1er août dernier, qui lui a interdit de se présenter aux élections prochaines en raison de son « caractère anticonstitutionnel ». 

La colère des manifestants s’est renforcée le 12 août dernier avec la déclaration du gouvernement annonçant qu’il faisait appel de la décision condamnant à 90 ans de prison Ghulam Azam (1), leader historique du Jamaat, afin qu’elle soit commuée en sentence de mort pour « crimes de guerre et génocide ».

A l’issue d’une semaine d’émeutes, qui a fait au moins cinq morts et des centaines de blessés, de nouvelles violences ont eu lieu dimanche 18 août, suivies de l’arrestation spectaculaire de 58 étudiants du Chittagong College, soupçonnés d’avoir participé aux affrontements en tant que membres du Jamaat -Shibir, branche étudiante du parti aujourd’hui interdit.

Selon la police de la ville de Chittagong, où s’est produit l’incident, l’émeute a commencé vers 10 h du matin le dimanche 18 août, lorsque des militants du Jamaat et de son mouvement étudiant qui manifestaient à Badurtala (un des quartiers de la ville portuaire) ont fondu soudainement sur une patrouille de police avec des matraques et des bâtons.

Les forces de l’ordre ont alors riposté en tirant sur les émeutiers, rapporte H. Rashid Hazari, responsable du secteur nord de la police de Chittagong. Le bilan serait d’au moins quatre blessés graves (trois policiers et un cameraman d’une chaîne de télévision). Les militants du Jamaat ont également  incendié une dizaine de bus et des véhicules, dont un fourgon de police, et lancé plusieurs bombes artisanales. Selon certaines sources, les manifestants avaient déjà commencé à vandaliser le quartier avant l’intervention de la police venue restaurer le calme ; selon d’autres témoignages, ce seraient les tirs de la police qui auraient provoqué les violences. Trois personnes ont été arrêtées sur les lieux de l’incident.

L’après-midi même, la police a annoncé avoir arrêté 58 étudiants lors d’une rafle au Chittagong Government College, pour leur implication dans les violences de la matinée. Ces arrestations ont été immédiatement qualifiées par le Jamaat de « manoeuvres illégales » visant à « éradiquer l’opposition ». Son secrétaire général, Rafiqul Islam Khan, venait justement de publier peu auparavant un communiqué de presse dans lequel il « condamnait fermement les arrestations de masse contre les militants du Jamaat-Shibir ». Réclamant la libération des leaders locaux du mouvement, il a accusé le gouvernement de « monter une conspiration pour faire disparaître toute opposition par des arrestations illégales et par la torture », afin de « se maintenir au pouvoir par une parodie d’élections ».

Le secrétaire général a également demandé la dissolution du Tribunal International des Crimes (ICT) qu’il estime être à l’origine des troubles dans le pays. Instauré par le gouvernement de Sheikh Hasina, le très controversé ICT a été chargé de juger « les crimes contre l’humanité » commis durant la guerre d’indépendance du Bangladesh en 1971. Depuis qu’il a été mis en fonctionnement, l’ICT a jugé plus de dix leaders du Jamaat-e-Islami pour leur implication dans les atrocités exercées à l’encontre des populations civiles en 1971. Si les sentences prononcées (trois peines capitales, deux emprisonnements à vie) semblent avoir été bien accueillies par une grande partie des Bangladais qui n’ont pas oublié les exactions d’il y a quarante ans, les partis d’opposition alliés (BNP et Jamaat) entraînent depuis le pays dans une spirale de violence ininterrompue (près de 200 morts depuis janvier dernier).

Le 12 août dernier, Mohammad Abdul Rahman, procureur général et responsable de l’enquête sur les crimes de guerre, a déclaré que la sentence du 15 juillet dernier à l’encontre de Ghulam Azam (2) était appararue comme « une décision inadéquate et un châtiment insuffisant » et que l’Etat faisait appel de la sentence pour la faire commuer en peine capitale. Expliquant que le gouvernement voulait que soit reconnue la responsabilité du Jamaat dans cet épisode sombre de l’histoire du Bangladesh, le chef de l’accusation a déclaré que le « cerveau de ces crimes perpétrés contre l’humanité » ne pouvait pas, par conséquent, être jugé différemment et bénéficier de circonstances atténuantes. Hier, 18 août, M. A. Rahman est revenu une nouvelle fois sur l’enjeu réel de cet appel de la décision de l’ITC : « Il sera bientôt révélé que le Jamaat-e-Islami, sous la direction de Ghulam Azam, a fonctionné comme une ‘organisation criminelle’, spécialement durant la Guerre de 1971. »

L’annonce de la décision du gouvernement d’obtenir la condamnation à mort de Ghulam Azam a mis le feu aux poudres ; le 12 août au soir, le Jamaat a annoncé le renforcement du hartal (grève générale accompagnée d’une « opération ville morte ») prévu pour les 14 et 15 août.  Commencé plus tôt, le 13 août, dès 6 heures du matin, il s’est soldé par des émeutes dévastatrices et meurtrières. Le bilan, non définitif, s’élève pour le moment à au moins cinq morts, une centaine de blessés et plus de 50 arrestations

Le hartal a commencé par le blocage des routes dans la nuit de mardi à mercredi. L’un des occupants d’une jeep qui a été prise en chasse par les islamistes pour non-respect de la grève est mort après que son véhicule a été renversé. Les dix autres passagers, dont un bébé, ont été grièvement blessés dans l’accident. Le 13 août toujours, la police a abattu deux manifestant à Kaliganj, dans le district de Satkhira, alors qu’armée de machettes et de bâtons, la foule attaquaient les forces de l’ordre qui tentaient de libérer les voies bloquées par des troncs d’arbres

Le 14 août, Khalilur Rahman, 22 ans, l’un des leaders du Shibir, a été tué lors d’affrontements avec la police dans le quartier de Jatrabari, à Dacca. Un cameraman d’une chaine de télévision présent sur les lieux a également été blessé.

Les violences semblent avoir été plus nombreuses dans la capitale où des manifestations ont eu lieu simultanément dans plusieurs quartiers et où l’on recense le nombre le plus important de bombes qui ont explosé, de véhicules qui ont été incendiés ou de commerces vandalisés.

Les militants du Jamaat et du Sabhir avaient été mobilisés dans chaque district afin de veiller au respect du hartal (fermeture des magasins, écoles et institutions, interruption de la circulation routière et défense faite aux habitants de sortir de chez eux). A Moghbazar, les piquets de grève ont mêm essayé d’immoler des personnes qui dormaient sur les voies ferrées, avant que la police, arrivée en renfort, ne les en empêche.

Partout, ont été relevés des affrontements avec les forces de l’ordre, accompagnés des mêmes actes de vandalisme, incendie de véhicules et explosion de bombes artisanales. Plusieurs arrestations ont eu lieu, dont le chiffre évolue entre 50 personnes selon la police et plus de 200 selon le Jamaat. A Faridganj, au moins 55 personnes ont été blessées dans des affrontements, dont 10 blessés par balles, qui sont toujours aujourd’hui dans un état critique.