Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Le point sur l’actualité politique et sociale du 24 août au 1er octobre 2013

Publié le 02/10/2013




Feuilleton électoral *Vérification des résultats* Le 25 août, sur ordre du Conseil constitutionnel du Cambodge (CCC), le Comité national électoral (CNE) remet officiellement les documents électoraux de la province de Kratié : 8 des 13 boîtes de « sécurité A » (la plus haute) ne sont pas scellées. Dans les 13 boîtes, les chiffres sont différents de ceux communiqués aux différents partis. Le 30 août, 12 boîtes semblables de la province de Siemréap sont ouvertes : …

… 7 étaient déchirées ou mal scellées. Le CNE reconnaît les faits, qu’il attribue au peu de formation des présidents de bureaux de vote. Au minimum, cela démontre l’incompétence du CNE. Le CCC demande que les membres du CNE fautifs soient l’objet d’un blâme, mais non punis. Le CNE n’envisage pas pour autant de changer les résultats.

* Le 24 août, la LICADHO, constatant les multiples irrégularités constatées par des témoins oculaires, en plus de 100 bureaux, demande de nouvelles élections.

* Le 26 août, à l’appel de l’opposition, une manifestation non violente rassemble plus de 10 000 personnes, pour demander la création d’un comité neutre afin d’examiner les irrégularités de vote. La municipalité avait fixé le nombre des manifestants à 6 000.

* Le 28 août, le ministre de l’Intérieur fait remettre à 40 ambassades et aux ONG internationales un dossier visant à prouver que le Parti du salut national cambodgien (PSNC) était lié à un obscur groupe de Cambodgiens des Etats-Unis et viserait à renverser le gouvernement par la force. C’est une manœuvre de plus pour discréditer l’opposition, mais elle ne convainc personne.

* Le 30 août, le roi Sihamoni demande à ce que les irrégularités soient résolues par « les institutions compétentes, selon la Constitution et les lois du pays », et que les différends soient réglés pacifiquement. Même si le PSNC prend cette demande pour un soutien à sa position, le roi s’aligne, de fait, sur la position du PPC. Le même jour, plus de 200 étudiants, reliés par Facebook, manifestent avec des fleurs à la main pour demander la résolution du conflit sans violence.

* Devant l’impasse de l’examen des plaintes, le 1er septembre, Situation Room, qui regroupe 21 associations de défense des droits de l’homme et d’observation du processus électoral, propose que la présidence des sessions d’examen des plaintes soit alternativement tenue par l’un des deux partis. Le PPC refuse aussitôt.

* Le 3 septembre, le Conseil constitutionnel rejette officiellement toutes les plaintes émises par le PSNC pour manque de preuves, et endosse toutes les décisions du CNE. Le 5 septembre, cependant, il accuse le CNE de ne pas lui avoir transmis toutes les plaintes du PSNC, notamment celle du déplacement de militaires des provinces de Préah Vihéar et d’Oddar Méan Chhey, amenés par camions à Siemréap où ils ont assuré la victoire des candidats PPC. Le 6 septembre, Situation Room fait une déclaration affirmant que les élections n’ont été « ni libres ni équitables » et a relevé plus de 10 000 irrégularités.

* Le 5 septembre, le CNE diffuse un livre blanc de 80 pages dans lequel il justifie totalement son action.

* Le PSNC décide la tenue d’une grande manifestation non violente le samedi 7 septembre : ce sera une journée de méditation sans violence. Tant le gouvernement que le PSNC ont entraîné des milliers de personnes pour éviter que la manifestation ne tourne à la violence. Le gouvernement est visiblement aux abois et craint la colère populaire. En dépit de nombreux barrages de police interdisant l’accès à la capitale aux supporters de province, environ 25 000 personnes se réunissent à Phnom Penh. On note la présence de centaines de moines. La méditation initiale tourne rapidement au meeting politique, mais tout se passe sans violence.

* Sans surprise, le 8 septembre, le CCC rend publics les résultats du scrutin du 28 juillet, sans aucun changement par rapport à la publication initiale. Le PSNC décide donc de mener d’autres manifestations plusieurs jours de suite. Quatorze députés-ministres, soit plus de la moitié du cabinet de Hun Sen qui en comprend 24 (Chéa Sim, Say Chum, Cham Prasith, Mam Bun Heng, Khieu Kanharith, Chan Sarun, Chhay Than, Lao Min Khin, Ang Vong Vathana, Thong Khon, In Chhun Lim, Lim Kean Hor, Vong Savuth, Chéa Sophara, Tram Iv Tek), laissent leur place à l’Assemblée pour permettre la présence de plus jeunes membres du PPC (entre autres, Hun Manit, fils de Hun Sen, et Sâr Sokha, fils de Sâr Kheng). Ces ministres garderont tout de même accès au gâteau cambodgien en gardant des postes dans le cabinet du Premier ministre.

* Le 9 novembre, le roi Sihamoni annonce l’ouverture de l’ouverture de la première session de la première séance de la cinquième législature de l’Assemblée nationale pour le 23 septembre. Le PNPC annonce que sans création d’un comité neutre pour vérifier les élections, il boycottera cette ouverture. Le 12 septembre, de retour de Pékin, le roi invite Hun Sen et Sam Rainsy à le rencontrer au palais le 15 septembre pour tenter de trouver une solution au blocage actuel.

* Le 13 septembre, deux engins explosifs, de fabrication plus qu’artisanale, sont découverts et désamorcés. Tous les observateurs s’accordent à penser qu’ils étaient destinés à faire peur plus qu’à causer des dégâts, à la veille des trois jours de manifestations.

* Les 15, 16 et 17 septembre, en dépit des « contrôles » sur les principales routes d’accès à la capitale, en dépit du refus du syndicat des patrons de donner congé à leurs ouvriers, entre 20 000 et 40 000 personnes se réunissent pour une manifestation non violente au Parc de la liberté. Tout se passe, en gros, dans le calme, à part quelques heurts entre la police et des manifestants le long du Boulevard Sisowath, soit en dehors du périmètre du parc. La police fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes.
– Environ 1 600 volontaires de plus de 20 ONG assurent les services de premiers secours en cas de nécessité, en dépit de l’interdiction de Sâr Kheng, ministre de l’Intérieur, deux jours auparavant.
– De nombreux Cambodgiens cassent leur tirelire pour soutenir les manifestants : du 1er au 7 septembre le PSNC recueille plus de 27 000 dollars et 100 000 bouteilles d’eau. Un médecin nourrit chaque jour 210 manifestants… Cela dénote la volonté populaire qui anime le mouvement de contestation.
– D’autres manifestations sont prévues si les négociations n’aboutissent pas.

* Le soir du 15, un ouvrier qui rentrait du travail est tué d’une balle dans la tête sur le pont Monivong. D’après les témoins, il semblerait que des personnes étrangères à la manifestation de l’opposition, excédées par les embouteillages, aient voulu déplacer des chevaux de frise qui les empêchaient de traverser le pont. La police a alors chargé à coup de matraques, de fusils à balles en caoutchouc, et de gaz lacrymogènes. Les manifestants leur ont alors jeté des pierres et les ont traités de « Yuons », injure suprême. Des policiers auraient tiré. Plusieurs manifestants sont blessés et cet homme tué. Adhoc et les membres de dix autres ONG interviennent pour calmer la tension et permette que le corps de la victime soit enlevé. Le commandement décide une enquête, et affirme que les militaires et policiers n’étaient pas armés. Or, des ONG sont formelles et déclarent avoir vu certains militaires armés de fusil d’assaut. Il n’y a donc rien à attendre de l’enquête. Six hommes sont arrêtés. Tant l’Union européenne que les Etats-Unis dénoncent un usage disproportionné de la force, et demandent à ce que soit menée une enquête.

* Le 12 septembre, le Conseil constitutionnel menace de prison ceux qui affirmeront que la CCC n’est pas indépendant du pouvoir et donc pas impartial. Le lendemain, la Cour municipale de Phnom Penh rejette une plainte du PNSC contre le CNE pour avoir fabriqué de faux résultats.

* Le 15 septembre, l’opposition fait des propositions précises pour avancer dans la négociation : réforme du CNE, création de nouvelles listes électorales, création d’une chaîne de télévision contrôlée par l’opposition. Mais le PPC refuse.

* Le 16 septembre, après cinq heures de négociations à huis clos à l’Assemblée nationale, les chefs des deux partis se séparent avec un résultat très maigre : accord pour éviter la violence, pour former un comité de réforme du système électoral, continuation des négociations, non seulement au plus haut niveau, mais « au niveau technique ». La négociation reprend le lendemain, mais sans succès.

* Hun Sen promet de rembourser les salaires des 27 députés du PSR (Parti de Sam Rainsy) et du PDH (Parti des Droits de l’Homme) qui avaient été privés de leurs droits de députés en formant le PSNC. Cela représente environ 2 300 dollars par mois et par personne, soit un total de 200 000 dollars. Cette offre est une ruse qui risque de faire passer le PSNC come attiré par l’argent du pouvoir.

* Le 17 septembre, après la Chine, le Vietnam, la Hongrie, le Bengladesh et la Thaïlande, puis Timor-Oriental, la Birmanie et la Corée du Sud présentent leurs félicitations à Hun Sen pour sa victoire.

* Le 19 septembre le PSNC notifie officiellement au roi Sihamoni son refus de participer à la session inaugurale de la cinquième législature, à moins d’un arrangement favorable de la part du PPC. Les deux partis s’accusent mutuellement de bloquer les négociations. Sam Rainsy demande au roi de surseoir à cette ouverture jusqu’à la fin novembre. Selon la Constitution, l’Assemblée doit se réunir dans les 60 jours qui suivent les élections. Or les résultats, qui ont clos le processus électoral, ont été proclamés le 8 septembre… Un groupe d’une centaine de moines qui voulaient porter une lettre au roi pour lui demander de reconsidérer sa décision d’inaugurer la cinquième législature le 23 septembre, sont bloqués par la police. Les moines s’assoient et récitent leurs prières pendant une vingtaine de minutes. Le 21 septembre, les représentants de dix organisations de la société civile portent au roi une pétition signée par plus de 260 000 personnes pour lui demander de surseoir à l’ouverture de la cinquième législature.

* La chaîne populaire ABC, aux mains du PPC, projette de faire un grand rassemblement, le 24 septembre, dans le stade de Phnom Penh et d’y organiser une kermesse au profit de l’hôpital Kantha Bopha. Le Dr Richer, fondateur-directeur des hôpitaux Kantha Bopha, refuse cette offre. Finalement, ce rassemblement est annulé.

* Le prince Thomico se lance dans une grève de la faim devant le Phnom, avec huit moines et 12 laïcs. Cette grève est violemment interrompue le 20 septembre par plusieurs centaines de militaires.

* Dans la nuit du 22 septembre, un groupe de jeunes gens masqués et armés de bâtons, attaque avec violence un groupe de grévistes de la faim, devant le Phnom, qui réclamaient leurs droits après leur éviction de Boeung Kâk. Plusieurs personnes sont blessées, sous les yeux de la police qui laisse faire. Des témoins affirment avoir vu ces jeunes gens débarquer de camions de l’armée. On peut y voir une opération d’intimidation à la veille de la séance inaugurale de l’Assemblée nationale.

* Des camions transportent des militaires et policiers sillonnent les rues de Phnom Penh, de nombreuses rues proches du Palais et de l’Assemblée nationale sont fermées par plusieurs rangées de chevaux de frise. C’est dans cette ambiance tendue que, le 23 septembre, le roi préside l’ouverture de la cinquième législature avec 68 députés. Les 55 députés de l’opposition sont réunis à Siemréap et jurent de « ne pas trahir la conscience du peuple ». A l’Assemblée nationale, on lit toutefois leurs noms dans la liste des députés. Les ambassadeurs en place à Phnom Penh assistent à l’ouverture de la cinquième législature, ce qui, précise l’ambassadeur des Etats-Unis, « ne signifie pas une approbation du gouvernement, ni une reconnaissance des résultats électoraux ». Lao Mong Hay, analyste politique cambodgien renommé, estime ce jour « le plus triste de notre histoire ».

* Le roi Sihamoni semble avoir perdu chez les jeunes le peu de crédit qu’il conservait encore. Il n’est plus considéré comme symbole de l’unité du pays puisqu’il a pris parti pour un clan.

* Le 24 novembre, un nouveau gouvernement est créé : Sok An voit ses importantes fonctions réduites (on le dit malade) : il reste responsable des secteurs juteux : Autorité du Pétrole, Autorité Apsara (Angkor), Chambres spéciales, caoutchouc, Académie royale. Dans un discours-fleuve de six heures, le Premier ministre promet des réformes : mettre fin à la corruption, aux concessions, à la déforestation, etc. Hun Sen révèle que, lors des négociations, l’opposition demandait la présidence de l’Assemblée, ce que refusait le PPC, qui par contre lui proposait la présidence de quatre commissions parlementaires et la vice-présidence de cinq autres. Il menace de diffuser les discussions.

* La décision de l’opposition doit se lire à travers l’histoire : en 2004, Kem Sokha, un ancien membre du Funcinpec, a fait la triste expérience de la disparition de son parti par sa collaboration avec le PPC ; en 2008, Sam Rainsy a négocié jusqu’à la dernière minute la participation de son parti à l’Assemblée, en échange de promesses que Hun Sen n’a jamais tenues. L’opposition s’engage donc dans une action de déligitimation du gouvernement cambodgien sur le plan national et international : c’est désormais un gouvernement de Parti unique. Elle prévoit de continuer à maintenir sa pression en poussant à la désobéissance publique et en envisageant des grèves générales, qui risquent cependant de nuire sérieusement à l’économie nationale. Elle envisage de lancer un « Congrès du Peuple », le 6 octobre au Parc de la Liberté, et une manifestation de masse, le 23 octobre, anniversaire de la signature des accords de Paris de 1991.

* Le 24 novembre, Surya Subédi, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, présente son rapport sur les droits de l’homme au Cambodge devant le Conseil des droits de l’homme à Genève. Il ne fait aucune concession au gouvernement cambodgien. Cependant, la Commission émet un avis nuancé. Il est reconduit dans sa mission.

Chambres extraordinaires

* Le 23 août, la Chambre suprême refuse la demande en appel de remise en liberté provisoire de Khieu Samphân.

* Le 25 août, Philip Taylor, anthropologue australien, révèle le drame des Khmer Kraom : environ 20 000 d’entre eux, originaires de la province de An Giang (Vietnam), ont été razziés par les Khmers rouges en 1977-1978 pour aller travailler au Cambodge. De retour dans leur province natale en 1979, ils sont considérés par les autorités vietnamiennes comme des ennemis.

* Pour la deuxième fois depuis le début de l’année, le 1er septembre, 140 des 250 employés khmers des Chambres extraordinaires (CE) se mettent en grève jusqu’au versement de leurs salaires impayés depuis trois mois. Les pays donateurs semblent fatigués de donner de l’argent sans que les rumeurs de corruption ou d’ingérences gouvernementales ne donnent lieu à enquête. Selon les accords signés avec l’ONU, c’est au gouvernement de verser ces salaires, bien que jusqu’à présent l’ONU s’en soit chargée. Le gouvernement refuse, prétextant son manque de fonds. Le 18 septembre, un mystérieux donateur paie les arriérés de 1,15 million de dollars à partie cambodgienne sous forme de prêt. La cour a encore besoin de 1,8 million pour terminer l’année.

* Le 9 septembre, le vice-procureur international Andrew Cayley annonce sa démission « pour des raisons familiales, personnelles et professionnelles ». L’américain Nicholas Kumjian est nommé pour lui succéder. Le nouveau vice-procureur a participé à plusieurs tribunaux internationaux (Libéria, Yougoslavie, Soudan, Darfour, La Haye).

Economie

* Une épidémie de fièvre aphteuse frape durement le cheptel de la province de Svay Rieng.

* Le 26 septembre, la Cambodia Post Bank commence à offrir ses services bancaires : elle détient 5 % du portefeuille d’une société, qui comprend la Temasek, banque de Singapour, qui en détient 45 %, et la Canadia Bank, qui en détient 50 %.

* Le Cambodge a exporté 221 027 tonnes de riz décortiqué durant les sept premiers mois de l’année, soit une augmentation de 103 % par rapport à l’année dernière.

Aides et investissements

* Le 9 septembre, l’ambassade de Chine fait don de 50 ordinateurs portables et de 150 téléphones mobiles pour une valeur de 70 000 dollars au ministère des Affaires étrangères.

* Le gouvernement japonais investit 100 millions de dollars dans un projet concernant le développement du tourisme sur 174 hectares situés à Siemréap.

* La société française Proparco, branche du secteur privé de l’Agence française de développement (AFD), accorde un prêt de 10 millions de dollars, remboursable en cinq ans pour développer les exportations de riz du Cambodge. C’est le second prêt depuis 2009.

Société

* Un rapport de l’ONU rendu public le 10 septembre affirme qu’un Cambodgien sur cinq, âgé de 18 à 49 ans, admet avoir commis un viol. La moitié d’entre eux avoue avoir commis ce crime avant l’âge de 20 ans. 49 % des hommes avouent avoir eu des rapports sexuels avec des prostituées.

* Le 31 août, on apprend qu’un décret signé le 11 juillet double les rémunérations des chefs de villages (portées à 20 dollars), des maires (75 dollars) et leurs adjoints (60 dollars), les conseillers (30 dollars), à partir du 1er janvier 2014.

* Le 13 septembre, le ministre des Affaires sociales crée quatre sous-comités pour envisager une hausse du salaire minimum demandé par les ouvriers. Tous les partenaires sociaux se réjouissent de cette création. La hausse des salaires, déclarée impossible avant les élections, devient possible pour récupérer les voix perdues.

* Les examens de fin d’études primaires (brevet) de 130 000 jeunes, prévus pour le 16 septembre, sont reportés au 26 pour cause de disputes électorales.

Mouvements sociaux

* Le 26 août, plus de 50 travailleuses de Svay Rieng sont blessées dans un accident de transport : le camion qui les transportait s’est renversé. En l’absence de moyens de transports normaux, ce type d’accident est très fréquent chez les ouvriers et ouvrières du textile.

* Le 27 août, environ 4 000 travailleuses de deux usines textiles qui fabriquent des vêtements pour Levis et Gap forcent un barrage de police pour se rendre devant le ministère des Affaires sociales. Elles demandent depuis plus d’un mois, la mise à pied d’un « Oknya » qui a introduit au moins dix officiers de l’armée en civils comme gardes dans l’usine, ainsi qu’une amélioration de leurs salaires. La Cour de Phnom Penh donne 48 heures aux grévistes pour cesser leur mouvement. Cependant, une nouvelle manifestation rassemble 6 000 ouvriers devant la mairie de Phnom Penh. Après des heures d’âpres négociations, le 5 septembre, les 720 employés licenciés sont ré-embauchés, et 5 000 autres qui étaient menacés de licenciement pour cause de grève peuvent reprendre le travail. Contrairement à ce qui se passait avant les élections, les forces de l’ordre sont peu visibles et n’interviennent pas. Le 19 septembre, neuf ouvriers et deux Chinois de l’encadrement sont blessés dans des échauffourées entre ouvriers, 30 voitures et du matériel électronique est détruit. Levi-Strauss retire ses commandes à la société. L’« Oknya » Méas Sotha ne peut pas être renvoyé, car il est actionnaire de l’entreprise. Plus de 100 militaires investissent l’usine.

* Lors de la réunion biannuelle du Forum des acheteurs, tenu à Phnom Penh en même temps que ces grèves, les syndicats dénoncent les contrats à court terme comme la cause principale des grèves, ce que nie le syndicat patronal. Depuis le début de l’année, on note 83 mouvements de grève.

* Le Bureau international du travail décide de rendre publics ses rapports sur les usines qui ne respectent pas les conditions de travail exigées par les lois internationales. Le GMAC, syndicat patronal, s’insurge contre cette décision.

Déforestation

* D’après une centaine de membres de l’ethnie Preuv, leur territoire continue d’être déforesté, le bois emporté au Vietnam. Une patrouille de villageois découvre plus de 2 000 grumes de 5 à 7 m de longueur, et de 30 à 50 cm de diamètres. On signale plusieurs saisies de bois précieux dans les habitations de militaires de haut rang.

* Le 13 septembre, à Ratanakiri, un homme de 35 ans est tué d’une balle dans chaque œil. La police décide que cet homme s’est suicidé… et le corps est rapidement enterré pour éviter toute analyse. Adhoc accuse les autorités d’en être les auteurs.

Liberté de la presse

* Un rapport de 12 pages sur la liberté d’expression au Cambodge, établi par sept ONG en date du 24 juin, remis à l’Examen périodique de l’ONU (UPR) à Genève, et rendu public le 22 août, stigmatise les violations trop connues aux libertés : les journalistes et membres des associations de défense des droits de l’homme sont souvent la cible du gouvernement qui fait régner un climat de peur et d’autocensure. Le Centre gouvernemental pour les droits de l’homme (CHRC) nie en bloc ces accusations.

Justice

* En dépit des preuves apportées, le couple auteur présumé de l’assassinat du journaliste Hang Serey Oddom, tué le 11 septembre 2012 à Ratanakiri, est relaxé. Pour Adhoc et les autres associations de défense des droits de l’homme, c’est un déni de justice. Selon Adhoc, de nombreuses personnalités sont responsables de cet assassinat. La veuve du journaliste fait appel.

* Le 4 septembre, environ 150 manifestantes défilent à Phnom Penh pour réclamer la libération de Yorn Bopha, emprisonnée sans raison l’an dernier. Elles lancent 365 ballons blancs pour chacun des jours que Bopha a passé en prison sans être coupable… à la différence de Chhouk Bundith, gouverneur de Bavet, qui a tiré sur la foule et blessé trop ouvrières. Une cinquantaine d’entre elles manifestent à nouveau le 10 septembre.

* L’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) avait donné plusieurs tonnes d’engrais au directeur de l’Agriculture de Battambang pour qu’il les vende à bas prix aux paysans et en verse le produit au ministère de l’Agriculture. Le fonctionnaire les a vendues au prix fort et a empoché 200 000 dollars en ne versant que 40 000 dollars au ministère. Plusieurs autres personnalités proches du pouvoir seraient compromises dans ce trafic.

* Le 25 septembre, les deux hommes accusés faussement du meurtre de Chéa Vichéa, le 24 janvier 2004, sont libérés. Ils ont injustement passé 2 073 jours derrière les barreaux. Il faut lire l’événement dans le sillage des élections : le gouvernement tient à donner de lui une image présentable. La question reste intacte : Qui a tué Chéa Vichéa ?

Mines

* Le gouvernement continue à refuser son adhésion à la convention qui interdit l’usage des mines à fragmentation, sans présenter de raisons. Les Etats-Unis ont déversé 26 millions de ces bombes sur le Cambodge, dont 7,8 millions n’ont pas éclaté.

* Le 15 septembre, des paysans de la province d’Oddar Méan Chhay à la recherche de patates sauvages découvrent un véritable arsenal de 500 armes et munitions. Ces armes et munitions auraient été enfouies après les « événements » de 1997.

Crue du Mékong

* Cette année est caractérisée par des eaux abondantes. A Kompong Cham, la cote d’alerte est atteinte. On compte 43 victimes, dont au moins la moitié d’enfants, 9 509 familles ont dû être évacuées, 67 551 maisons inondées.

Divers

Siemréap

* En 2010 la quasi-totalité des bâtiments officiels de la province avaient été déplacés à 16 km de la ville, sur un terrain de 42 hectares où une société inconnue, bénéficiaire du marché, a construit quelque 60 bâtiments. Le 9 août, le Premier ministre autorise le retour de l’administration à Siemréap, et échange cet emplacement avec celui de l’Autorité Apsara chargée de la gestion des temples. Le terrain acheté hors de la capitale provinciale coûtait 5 dollars le m², alors que la vente des terrains situés à l’intérieur de la ville s’élevait à plusieurs milliers de dollars le m². Les ordres de transfert de 2010 seraient venus du gouvernement, et non des autorités provinciales. Le surcoût que l’Autorité Apsara devra verser à ses 544 employés en indemnités de déplacement, est estimé à 720 000 dollars par an.

* Depuis les quelques mois qui ont précédé les élections, des constructions anarchiques se sont élevées dans le parc d’Angkor, sans que l’Autorité Apsara n’intervienne. La représentante de l’UNESCO menace de déclassifier le site classé patrimoine culturel mondial.

Prix du jury Spécial

* Le 8 septembre, deux acteurs non professionnels reçoivent le prix spécial du festival de Venise pour leur prestation dans le film « Ruines ».

Deuil

* Bernard Hamel, ancien correspondant de Reuters durant le régime de Sihanouk et de Lon Nol, auteur de plusieurs livres sur le Cambodge, dont « De sang et de larmes », est décédé à Paris le 30 septembre dernier.

Lecture pour les longues soirées d’hiver

Quand se tait le Silence, une vie de femme cambodgienne, par Kunthéa Laut, préface de Pierre Gazin, édit. Grandvaux, 2013,192 pp., 15 euros.

Un grand livre d’une humanité profonde, cri d’une femme cambodgienne blessée dans sa chair et dans son cœur, mais qui trouve en elle la volonté de faire surface. Elle se bat pour sa propre dignité et celle de ses compatriotes. Ce livre révèle des aspects hélas trop réels, mais peu connus, de la société cambodgienne au sourire légendaire… A lire absolument !

Un médecin chez les Khmers rouges, par Oum Nal, L’Harmattan, Paris 2012, 266 pp., 20 euros.

Témoignage intéressant, précis, d’un médecin, sur la prise de Phnom Penh et la mise en place du régime khmer rouge durant sa première année, puis sur la longue marche de l’auteur, semée d’embûches, vers la liberté. On y trouve une confirmation par un témoin direct de l’exécution des haut-fonctionnaires de l’ancien régime et des centres de rééducation. Le dernier chapitre propose une analyse politique des événements passés et de la situation présente du Cambodge. Même si l’on peut ne pas partager les opinions de l’auteur, on y a retracé la vision typique d’un intellectuel khmer dont l’observateur politique étranger doit tenir compte.

La condition tropicale, une histoire naturelle, économique et sociale des basses latitudes, par Francis Hallé, Actes Sud, questions de société, Paris 2010, 574 pp., 29 euros.

L’auteur est un scientifique, spécialiste en botanique. A partir de la variété biologique extraordinaire de la vie sous toutes ses formes des régions situées entre les tropiques Nord et Sud, l’auteur tente d’expliquer les attitudes humaines. Ouvrage de lecture facile et très intéressant qui donne de nombreuses clefs pour comprendre les comportements sociaux et politiques que l’on croit, peut-être naïvement, propres aux Khmers.

(eda)