Eglises d'Asie

Hongkong : « Même dans la mort, il n’y a pas d’égalité des droits pour les minorités »

Publié le 21/10/2013




Un Indien de confession chrétienne se bat pour faire enterrer sa femme à Hongkong, rapporte ce lundi 21 octobre le South China Morning Post.L’affaire de Mariasusai Andrews est en passe de devenir le symbole des discriminations auxquelles doivent faire face les minorités dans la cité-Etat, y compris dans la mort.

Nirmala, épouse de Mariasusai Andrews, dont toute la famille d’origine indienne vit à Hongkong depuis de nombreuses années, est décédée d’un cancer en avril dernier à l’âge de 51 ans.

Après six mois de bataille administrative, Andrews a révélé à la presse qu’il se trouvait dans l’impossibilité de trouver une place dans un columbarium pour y déposer l’urne contenant les cendres de sa femme. Comme l’explique le quotidien en langue anglaise, le fait que la famille Andrews soit indienne et chrétienne ne laisse à cette dernière que des « options limitées » pour l’inhumation à Hongkong.

Dans la cité-Etat, trouver une dernière demeure pour ses défunts relève aujourd’hui du parcours du combattant. Sur un très petit territoire, où le prix des terrains est devenu inabordable, et les cimetières de plus en plus saturés (1), la population opte de plus en plus souvent pour la crémation et le dépôt des cendres dans un columbarium. Auparavant très rare car s’opposant à la plupart des traditions religieuses présentes dans la cité-Etat – du taoïsme au christianisme –, cette pratique concerne aujourd’hui 90 % des cérémonies funéraires (2).

Il existe actuellement à Hongkong une quarantaine de columbariums privés ainsi qu’une dizaine d’autres, administrés par le Food and Environmental Hygiene Department (FEHD), ministère de l’Alimentation et de l’Hygiène. Mais les emplacements sont si surchargés que l’attribution des niches pour entreposer les cendres se fait par tirage au sort à des périodes définies par le gouvernement.

Mariasusa Andrews n’avait pas compris le document qui lui avait été envoyé par l’administration en juin dernier. Rédigé uniquement en chinois – alors que le formulaire est originellement écrit en anglais –, ce courrier l’informait des conditions du tirage au sort. « C’est une attitude inacceptable de la part du gouvernement », s’insurge le veuf, qui se retrouve aujourd’hui sans aucune possibilité de faire inhumer ou de déposer les cendres de son épouse.

Etant chrétien, il ne peut faire accepter les restes de sa femme dans le cimetière hindou utilisé par la majeure partie de la communauté indienne de Hongkong. Mais il ne peut non plus obtenir de place dans les rares cimetières chrétiens, son Eglise ne faisant pas partie de celles reconnues par l’Etat. Quant aux cimetières gérés par le FEHD, ils sont réservés aux défunts d’origine chinoise.

Il n’a même pas, dit-il, la possibilité de faire rapatrier les cendres de Nirmala en Inde, sa famille ayant quitté sa terre d’origine depuis de trop nombreuses années : « Hongkong, c’est chez nous maintenant (…). Quant aux enfants, c’est totalement inenvisageable pour eux de leur faire quitter le pays où ils vivent désormais. »

Les cimetières et les columbariums sont régis par des lois particulières, comme celles concernant la location des concessions, mais sont en dehors du champ d’application des lois sur la non-discrimination qui ont été votées ces dernières années à Hongkong (3), ce qui signifie que certaines demandes peuvent être refusées selon des critères de race ou de religion.

Mariasusa Andrews a fait part aujourd’hui dans les colonnes du South China Morning Post de sa déception envers le gouvernement et le Conseil législatif qui, dit-il, « sont supposés parler au nom de la population de Hongkong dans son ensemble » et non permettre de telles discriminations à la fois religieuses et ethniques.

« Même dans la mort, il n’y a pas d’égalité des droits pour les minorités », constate auprès du South China Morning Post Annie Li, du groupe Unison, qui défend les droits des minorités à Hongkong. « J’espère que le gouvernement tiendra compte de leur souffrance de ne pas être considérés comme égaux devant la loi, poursuit-elle. Pour tous ces membres des minorités ethniques, Hongkong est devenue leur patrie et ils souhaiteraient pouvoir y être inhumés après leur mort. »

Depuis que l’affaire a été médiatisée, plusieurs membres du gouvernement ont dû faire des déclarations à la presse. Le ministère de l’Alimentation et de l’Hygiène a présenté ses excuses pour avoir envoyé le courrier concernant les conditions du tirage au sort dans sa seule version chinoise à la famille Andrews. En outre, son secrétaire d’Etat ,York Chow Yat-ngok, qui est également le président de l’Equal Opportunities Commission, chargée de veiller à l’application des lois anti-discrimination à Hongkong, a demandé officiellement que Mariasusa Andrews puisse bénéficier d’un second tirage au sort.

(eda/msb)