Eglises d'Asie – Indonésie
« Les réfugiés de Papouasie occidentale sont oubliés du monde »
Publié le 04/11/2013
« Il n’y a absolument plus que l’Eglise catholique qui pourvoit actuellement à la santé et à l’éducation des réfugiés », a déclaré le prêtre PIME, venu visiter les camps d’East–Awin, à la demande de Mgr Gilles Côté, évêque du diocèse catholique de Daru-Kiunga, situé dans la partie la plus à l’ouest de la Papouasie-Nouvelle Guinée (PNG), à la frontière avec l’Indonésie (1).
Missionnaire montfortain d’origine canadienne, Mgr Côté n’en est pas à sa première tentative pour attirer l’attention de la communauté internationale sur le sort de ces populations oubliées qui survivent à la frontière indonésienne. Ses services diocésains suivent les populations des camp d’East-Awin depuis leur arrivée, il y a plus de 25 ans, mais aussi, celle, plus démunie, des camps « non officiels » disséminés de façon anarchique le long de la frontière entre les deux pays.
Le grand camp d’East- Awin a été ouvert par l’UNHCR (Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies) en 1987. Il a été établi à une centaine de kilomètres de la frontière afin d’éviter les conflits avec le voisin indonésien, se donnant pour but de régulariser la situation des quelque 12 000 réfugiés de Papouasie occidentale qui avaient traversé la frontière pour fuir les combats.
Dans les douze camps-villages d’East-Awin vivent aujourd’hui environ 2 500 réfugiés, dont 1 200 enfants nés en PNG. Ils ne représentent qu’un tiers des Papous qui ont fui l’Indonésie ; les autres ont refusé d’intégrer les camps et vivent à la frontière, dans des baraquements de fortune, sans aucune aide du gouvernement. Leur nombre est régulièrement revu à la hausse, certaines ONG estimant aujourd’hui à plus de 10 000 les réfugiés « non officiels » sur le territoire de la Papouasie-Nouvelle Guinée.
Lors de sa récente visite à East-Awin, le P. Giorgio Licini, responsable des Communications sociales de la Conférence épiscopale de Papouasie-Nouvelle Guinée, rapporte avoir été surpris par les changements de ces dernières années. « En 1994, il y avait 3 636 personnes vivant dans ce camp, mais lorsque je suis venu en octobre 2013, il n’y en avait plus que 2 190 », s’étonne-t-il auprès de l’agence AsiaNews, jeudi dernier. Sur les seize villages formant le camp qu’il avait connu, quatre ont été totalement abandonnés et le nombre des enfants allant à l’école a considérablement chuté, passant de 1 023 écoliers en 1994 à 694 seulement aujourd’hui .
Le P. Licini y voit un effet du retrait progressif des Nations Unies de la gestion du camp. Après une première fermeture de son bureau de Port Moresby en 1997, l’UNHCR a remis définitivement en 2003 l’administration du camp des réfugiés d’East-Awin entre les mains du gouvernement de la Papouasie- Nouvelle Guinée. En janvier 2003, un accord a été signé entre les Nations Unies et la PNG afin d’achever le processus de « soutien et de prise en charge des réfugiés dans l’Iowara-East Awin dans sa phase post-onusienne ». Parmi les signataires se trouvait l’évêque de Daru-Kiunga, dont le diocèse a été pratiquement le seul organisme à apporter aux Papous des camps une aide aussi bien matérielle que médicale, scolaire ou religieuse.
« Les réfugiés que j’ai interrogés étaient plutôt sceptiques à propos de cet accord », rapporte le P. Giorgio Licini. Le missionnaire évoque les doutes de la population papoue concernant les subsides qui seront alloués au camp. « Ils ont vu les camions et autres moyens de transports qui avaient été payés par différentes organisations (3) rouiller dans la jungle à cause du manque de carburant et de personnel, et aujourd’hui ils craignent que l’argent qui leur est destiné ne soit détourné encore une fois. »
Mais le principal problème des réfugiés papous, rappelle le P. Licini, est que le gouvernement de la PNG, s’il a accordé aux Papous de la « première vague » (2) le statut de réfugié, refuse de le délivrer désormais, participant même à des campagnes de « rapatriement volontaire » des exilés depuis le début des années 2000.
Non seulement les populations papoues qui ont fui l’Indonésie sont privées du statut de réfugié mais, ajoute-t-il, elles ne peuvent pas non plus accéder à la citoyenneté, ce qui comprend également les personnes présentes sur le territoire depuis près de trente ans.
Pris dans une situation inextricable, les membres de ces communautés exilées ne peuvent pas non plus recevoir les aides du gouvernement ou les compensations financières versées à tous ceux qui vivent sur les berges des rivières polluées par les mines d’Ok Tedi, où ils sont nombreux à venir s’entasser dans des logements insalubres et inondés plusieurs fois par an.
« Aujourd’hui, ces personnes devraient pouvoir acquérir le statut de citoyen !, s’indigne le missionnaire PIME. Ils ne peuvent vivre décemment, et sont de plus privés de leur liberté de mouvement, ce qui est une atteinte grave aux droits de l’homme ». Et le P. Licini de citer le cas récent de « trois postulantes (papoues) de la congrégation des Daughters of Wisdom, qui n’ont pas pu partir effectuer leur noviciat aux Philippines [étant résidentes non citoyennes de la PNG] et ont donc dû renoncer à entrer dans la congrégation ».
En attendant que la communauté internationale réagisse à la situation des « oubliés de la frontière de Papouasie », le diocèse catholique de Daru-Kiunga continue de prendre en charge l’éducation et la santé des résidents du camp, avec l’aide de la branche australienne des Sisters of Mercy et du Jesuit Refugee Service (JRS). Au centre de soins déjà actif, ont été adjoints récemment une maternité, un centre d’accueil et de conseil sur le sida, ainsi que différents services d’aide pour la jeunesse et un service d’enseignement secondaire.
(eda/msb)