Eglises d'Asie

Chrétiens et musulmans unis pour dénoncer une fausse accusation de blasphème

Publié le 06/11/2013




L’incident s’est produit il y a quelques jours à Faisalabad, au Pendjab, province dans laquelle vit la majorité de la population chrétienne du pays.Les faits présentent de nombreuses similitudes avec le cas de Philip Masih, un jeune homme de 19 ans accusé à tort de blasphème par un voisin musulman, toujours à Faisalabad, en avril dernier.

L’intervention rapide de la police combinée à celle de hauts responsables musulmans avait empêché que l’affaire ne tourne au drame et ne se termine en violences à l’encontre des communautés chrétiennes comme cela est souvent le cas dans cette région.

Une fois encore, le pire a pu être évité grâce à la « collaboration active entre leaders religieux musulmans et militants chrétiens », laquelle a permis une exceptionnelle « résolution pacifique d’une fausse accusation de blasphème », a rapporté mardi 5 novembre l’agence AsiaNews.

Asia Masih (1), 50 ans, venait d’aménager la semaine précédente dans une maison louée de la Chamanzar Colony, à Faisalabad. Le deuxième jour de son arrivée, le 29 octobre, après avoir fait le ménage de l’appartement, elle avait brûlé quelques déchets dans le jardin. Deux étudiants musulmans, qui avaient observé la scène, avaient aperçu quelques pages écrites en arabe au milieu des ordures qui se consumaient et en avaient immédiatement conclu qu’il s’agissait d’extraits du Coran.

Quelques minutes plus tard, ils frappaient à la porte et accusaient la femme au titre des lois anti-blasphème qui ont cours au Pakistan (2), la menaçant de représailles immédiates. Terrifiée, Asia Masih avait fui auprès de membres de sa famille qui l’avaient cachée dans un endroit tenu secret – où elle se trouve toujours – , dans l’attente que la vérité se fasse jour.

Alertés, des militants chrétiens du Human Rights Defender Network avaient alors rapidement rassemblé les preuves de l’innocence d’Asia, puis étaient allés trouver un leader musulman membre du « Comité pour la paix » de Faisalabad. Ce dernier, acceptant d’apporter son aide et sa caution morale pour « que soient analysées objectivement les faits », avait fini par conclure à l’innocence de la chrétienne accusée.

Par une déclaration officielle, ce haut responsable musulman avait révélé que « les pages brûlées n’étaient pas celles du Coran mais d’un manuel scolaire en arabe ». Il avait ensuite tancé l’inconscience de ceux qui « lancent des accusations graves » sans en vérifier la véracité et qui, loin de servir leur foi, ne font que « propager la haine et la division ».

Iftikhar Ahmed, coordinateur de l’ONG South Asia Partnership-Pakistan, s’est félicité « de ce que cette affaire délicate ait pu être résolue dans la paix », un rôle que les « leaders religieux devraient toujours avoir au sein de la société ». Le même soulagement a été exprimé par le militant chrétien Naseem Anthony, qui a renouvelé son appel à amender les lois religieuses au Pakistan et à « restaurer une culture de tolérance envers toutes les confessions ».

« Cette loi anti-blasphème doit être abolie, du moins amendée afin qu’elle ne soit plus utilisée à mauvais escient comme c’est le cas aujourd’hui », a affirmé pour sa part, le 1er novembre dernier à Radio Vatican, Mgr Coutts qui fut évêque de Faisalabad jusqu’en 2012 (3), et a été témoin de nombreuses violences déclenchées dans cette région par de fausses accusations de blasphèmes portées contre les chrétiens. Aujourd’hui évêque de Karachi et à la tête de la Conférence épiscopale du Pakistan, Mgr Coutts veut cependant rester confiant et souligne que « malgré la pression des groupes extrémistes, beaucoup de musulmans commencent à reconnaître la vérité ».

Ces derniers temps en effet, dans le cadre de plusieurs affaires très médiatisées, des tribunaux du pays ont été amenés à reconnaître l’origine douteuse de nombreuses accusations de blasphème, comme étant autant de règlements de comptes entre communautés ou cachant la volonté d’un propriétaire de procéder à l’expulsion de familles pauvres.

Tout récemment, des religieux musulmans, considérés pourtant comme se situant parmi les plus conservateurs, ont même réclamé la peine de mort pour les auteurs de fausses accusations de blasphème. Un projet d’amendement devrait être prochainement soumis aux législateurs par le Council of Islamic Ideology (CII), qui a pour rôle de vérifier la compatibilité des lois présentées au Parlement avec la charia islamique.

(eda/msb)