Eglises d'Asie

Henan : pressions des autorités sur des chrétiens protestants, membres ou non d’Eglises enregistrées

Publié le 25/11/2013




Au moins deux cas de pressions policières sur des chrétiens protestants ces derniers jours indiquent que celles-ci peuvent tout aussi bien viser des membres d’« Eglises domestiques », c’est-à-dire non enregistrées auprès du Mouvement des trois autonomies, que des membres appartenant …

… à des Eglises dûment enregistrées auprès de cette organisation chargée par les autorités de superviser l’application de leur politique religieuse auprès des communautés protestantes.

La première affaire concerne le pasteur Zhang Shaojie. Agé de 48 ans, le Rév. Zhang est responsable de l’Eglise chrétienne du comté de Nanle (dans la province du Henan), un temple protestant dûment affilié au Mouvement des trois autonomies. Le 16 novembre dernier, la police locale l’a convoqué pour un entretien qui s’est avéré être un piège. Le pasteur a en effet été arrêté, sans que pour autant aucune charge soit retenue contre lui ou signifiée à ses proches. Le 18 novembre, des fidèles de son temple et deux de ses sœurs sont venus réclamer devant le poste de police sa remise en liberté. Le groupe a été dispersé par la force, plusieurs d’entre eux étant battus par la police et d’autres convoqués un peu plus tard pour être mis en garde et intimidés au cas où ils poursuivraient leur action. Finalement, rapporte l’association ChinaAid, qui défend depuis les Etats-Unis la liberté religieuse en Chine, un groupe d’une vingtaine d’avocats de Pékin, spécialisés dans la défense des droits de l’homme, s’est saisi de l’affaire au cours du week-end dernier et demande des comptes aux autorités locales.

Sur le fond de l’affaire, il semble que le Rév. Zhang ait aidé et assisté un groupe d’habitants de Nanle en conflit avec les autorités locales pour des questions foncières. Ne pouvant obtenir droit à leurs demandes, ces habitants étaient montés jusqu’à Pékin pour exercer leur « droit de pétition », ce droit multiséculaire et repris par le régime communiste qui permet aux habitants de se plaindre en haut lieu de l’arbitraire des autorités locales. En réalité, et comme cela se passe souvent, les pétitionnaires de Nanle ont été interceptés le 15 novembre à Pékin par des fonctionnaires de la province du Henan et remis de force dans un train pour Nanle, où ils ont été arrêtés par la police locale. Selon les informations disponibles, les responsables locaux du Mouvement des trois autonomies chercheraient à faire nommer un nouveau pasteur, à leurs yeux plus complaisant, pour remplacer le Rév. Zhang.

La deuxième affaire a aussi pour cadre la province du Henan. Le 28 octobre dernier, à Anyang, ville située un peu à l’est du comté de Nanle, des chrétiens se sont réunis en une foule de plusieurs milliers de personnes pour manifester devant la mairie. Ils ont manifesté pacifiquement en chantant des chants religieux et en lisant des psaumes de la Bible. L’objet de leurs revendications concerne le statut juridique du terrain qui porte leur église. « Prêté » en 1951 à la ville, ce terrain aurait dû être rendu à la communauté protestante en 1980, mais aucun accord formel n’a jamais entériné ce fait. Face à des projets immobiliers en cours, les chrétiens s’inquiètent des dispositions que pourrait prendre le Bureau des ressources foncières et qui viendraient à les léser. Le 28 octobre, des officiels de la mairie ont promis une réponse sous trois jours mais, rapporte encore ChinaAid, le délai est depuis longtemps passé et aucune réponse n’a été fournie à la communauté chrétienne.

Selon les informations disponibles, dans l’affaire d’Anyang, la foule des manifestants du 28 octobre était composée de chrétiens protestants, fidèles du temple qui fait l’objet du litige mais aussi membres de communautés indépendantes, les très nombreuses « Eglises domestiques » qui se développent beaucoup ces dernières années en Chine.

Selon l’organisation britannique de défense de la liberté religieuse Christian Solidarity Worlwide, (CSW) « ces manifestations pourraient être le signe que les chrétiens de Chine osent désormais s’affirmer face aux manœuvres déployées par les autorités. Si c’était effectivement le cas, ce serait le signe que les réformes proposées [à l’issue du 3ème plénum du Comité central du XVIIIème Congrès du Parti communiste, qui s’est tenu à huis clos du 9 au 13 novembre à Pékin] ne peuvent rester au simple stade de déclarations. Les chrétiens, qu’ils pratiquent leur religion dans le cadre du Mouvement des trois autonomies ou dans des Eglises non enregistrées, n’hésitent plus à revendiquer le droit à la liberté de religion et de croyance ». Mervyn Thomas, responsable exécutive de CSW, ajoute dans un communiqué en date du 22 novembre dernier : « CSW appelle le gouvernement chinois à défendre la liberté religieuse non seulement pour les citoyens chinois appartenant aux organisations religieuses reconnues par l’Etat mais aussi pour ceux qui appartiennent à des groupes religieux indépendants. »

(eda/ra)