Eglises d'Asie

Une nouvelle génération de moines bouddhistes fait son entrée sur la scène politique

Publié le 18/03/2010




En rupture avec les traditions établies qui exigent des religieux cambodgiens qu’ils demeurent en marge des affaires de l’Etat, une nouvelle génération de moines bouddhistes n’hésite plus à se joindre aux protestations dans la rue et à s’immiscer dans le champ politique. Moyennant quoi, ils sont devenus la cible d’un gouvernement qui les a avertis à plusieurs reprises et menacés de sanctions s’ils continuaient à se mêler de politique et à parader dans les rues aux côtés de l’opposition politique.

En dépit des menaces d’arrestation et des ordres de leurs anciens qui leur demandaient de rester neutres comme le veut la religion, beaucoup de novices ont continué à protester dans la rue contre ce qu’ils appellent l’élection frauduleuse du 26 juillet, qui a confirmé au pouvoir le parti de Hun Sen. Pendant plusieurs semaines, les robes safran étaient nombreuses, à Phnom Penh, aux côtés des partisans de Sam Rainsy et du prince Norodom Ranariddh dans les protestations de rue comme sur “la place de la démocratie”, tout près du parlement. Au moins un moine a été blessé au cours des manifestations qui ont fait par ailleurs trois morts.

Les jeunes moines participent aux manifestations parce qu’ils croient à la démocratie et ils n’aiment pas la victoire de Hun Sena déclaré l’un d’entre eux à l’AFP, le 18 septembre. Agé de 20 ans, et novice à la pagode d’Ounalum, il a demandé à garder l’anonymat de peur d’être identifié et arrêté par la police. Il a admis aussi que beaucoup d’anciens de la pagode étaient opposés à l’action militante des novices et leur avaient rappelé les préceptes de la religion bouddhiste. Nous savons, a-t-il ajouté, que c’est contraire au bouddhisme de se joindre aux manifestations, parce que nous n’avons pas le droit de sortir de la pagode, mais nous voulons seulement prier pour les gens qui demandent la paix

Le jeune moine a précisé par ailleurs que la plupart des 400 moines de sa pagode étaient partis se réfugier à la campagne, parce qu’ils avaient peur d’être arrêtés. Lui-même était resté à Phnom Penh avec quelques autres parce qu’il se sentait protégé par le roi Sihanouk. Quelques jours auparavant, celui-ci avait demandé à Hun Sen de ne plus restreindre les mouvements des moines bouddhistes, après que des observateurs de l’ONU eurent signalé la disparition d’un certain nombre de militants de l’opposition, parmi lesquels des moines bouddhistes. Le roi veut nous protéger, poursuit le novice : cela signifie que lui aussi croit à la démocratie, et il sait que nous ne faisons qu’aider le peuple du Cambodge qui sympathise avec nous

De son côté, le responsable du monastère de Botum, à Phnom Penh, a déclaré : Les moines n’ont rien à faire avec les affaires de l’Etat et devraient se concentrer sur les enseignements du Bouddha, parce que religion et politique ne doivent pas se confondre. Nous devons être neutres, et un homme en recherche de sainteté ne devrait pas sortir de la pagode pour soutenir Rainsy, Ranariddh ou Hun SenIl a ajouté que les anciens du monastère éprouvaient beaucoup de difficultés à instaurer la discipline parmi les moines plus jeunes, surtout parmi ceux qui avaient le coeur moins purIl estime aussi que, la plupart des novices provenant de familles pauvres de la campagne, beaucoup d’entre eux utilisent leurs études et leur séjour à la pagode comme un passeport vers une vie meilleure dans la capitale. Au cours des derniers mois, le ministère des cultes a rapporté des cas de trafic de drogue et des détournements de fonds parmi certains moines novices.