Eglises d'Asie

Vive tension entre les autorités et le diocèse de Tangshan à propos de l’enterrement de son évêque

Publié le 18/12/2013




Mgr Liu Jinghe, évêque émérite du diocèse de Tangshan, dans la province du Hebei, est décédé le 11 décembre dernier à l’âge de 92 ans. Il devait être enterré aujourd’hui mais, du fait d’une vive opposition entre les catholiques locaux et les autorités sur le lieu de sépulture du prélat, …

… sa mise en terre n’a pu avoir lieu et son cercueil repose toujours dans la cathédrale, où les fidèles veillent sa dépouille tout en montant la garde contre une éventuelle action de force de la police.

La tension était montée progressivement ces jours derniers entre le diocèse et les autorités et elle est devenue évidente lorsque, le 17 décembre, lors de la messe de funérailles célébrée en la cathédrale de Tangshan, les quelque 3 000 fidèles qui y avaient pris place ont appris de la bouche du principal célébrant que la mise en terre était « retardée ». A ces mots, l’assistance a longuement applaudi, durant deux minutes, rapporte l’agence Ucanews.

La cause de cette tension est un différend sur le lieu où sera enterré l’évêque. Affaibli par l’âge, alité depuis un an à la suite d’une attaque cardiaque, Mgr Liu avait de longue date fait part de sa volonté d’être inhumé au cimetière Lulong, un cimetière où celui qui fut le premier évêque de Tangshan, Mgr Ernst Geurst, lazariste hollandais, avait lui-même été inhumé en 1940. Pour Mgr Liu, reposer auprès de Mgr Geurst dans un cimetière où de nombreux prêtres et religieuses ont été par la suite inhumés avait un sens, celui de souligner son appartenance à la communauté catholique locale et à l’Eglise universelle.

Mais le cimetière Lulong porte les stigmates de l’histoire contemporaine de la Chine. En effet, au début des années 1950, peu après la mise en place du nouveau pouvoir, ce lieu fit les frais des luttes politiques imposées alors par les dirigeants communistes. Détruit, laissé un temps à l’abandon, le terrain du cimetière, d’une superficie de 2,7 hectares, fut utilisé à des fins agricoles. Ce n’est qu’en 1993 que Mgr Liu obtint des autorités l’autorisation de ré-inhumer là Mgr Geurts et d’autres membres du clergé – ce qui fut fait dans un coin du terrain.

Lorsque Mgr Liu a demandé aux autorités qu’à sa mort, son corps puisse être inhumé auprès de Mgr Geurts, celles-ci lui ont opposé un refus définitif. Des négociations furent entamées et les autorités ont proposé au diocèse une subvention de 200 000 yuans (24 000 euros) pour l’achat d’un autre terrain, où Mgr Liu aurait pu être enterré – proposition déclinée par le diocèse. Selon des sources locales interrogées par Ucanews, il reste difficile de saisir les motivations des autorités locales. Dans les années 1980 et 1990, de nombreuses églises ont été rendues au culte mais cela n’a quasiment jamais été le cas pour les cimetières. Volonté des autorités d’imposer la crémation plutôt que l’inhumation ou difficulté des autorités à dédommager les paysans qui ont reçu le droit de cultiver les terrains qui étaient autrefois des cimetières ? Difficile à dire.

En attendant, la tension est vive à Tangshan. Les catholiques montent la garde dans la cathédrale pour veiller la dépouille de leur évêque. Après la messe du 17 décembre, des fonctionnaires ont investi l’évêché. Les prêtres ont été emmenés dans les locaux du Bureau des Affaires religieuses. Selon une source locale, les téléphones portables des prêtres et des religieuses sont tous sur écoute.

Mgr Liu Jinghe appartenait au diocèse de Tangshan, situé dans une région totalement ravagée par un tremblement de terre le 28 juillet 1976, qui fit 240 000 morts (voire beaucoup plus selon des bilans non officiels). Le P. Liu figurait alors au nombre des trois prêtres survivants du séisme.

Ordonné évêque en 1981 sans le consentement de Rome, Mgr Liu a eu la réputation d’être proche de l’Association patriotique des catholiques chinois. Il avait figuré au nombre des évêques qui avaient accepté, à l’Epiphanie 2000, de consacrer à l’épiscopat cinq évêques illicites – car non approuvés par le pape. Il fut toutefois légitimé comme évêque par le Saint-Père en 2008, avant de se retirer du gouvernement de son diocèse en 2010. Il reste aussi dans les mémoires comme un évêque qui a refusé de céder aux pressions des autorités, qui voulaient le voir prendre part en novembre 2010 à l’ordination illicite de l’évêque « officiel » de Chengde, un diocèse voisin de celui de Tanghsan. Il aurait alors déclaré peu après : « Les temps ont changé. A mon âge, il ne m’est plus possible de faire de nouveau quelque chose qui va contre ma foi. »

(eda/ra)