Eglises d'Asie

Affrontements meurtriers après l’exécution de l’islamiste Abdur Kader Mollah

Publié le 13/12/2013




Au moins six personnes ont été tuées aujourd’hui lors des attaques lancées un peu partout dans le pays par le Jamaat-e-Islami, en représailles à la pendaison de leur leader Abdul Kader Mollah, exécuté hier soir pour « crimes contre l’humanité ».

Surnommé « le boucher de Mirpur », Abdul Kader (Quader) Mollah, 65 ans, a été exécuté par pendaison jeudi 12 décembre au soir. La nouvelle de la mort de l’islamiste a été suivie de scènes de liesse populaire dans la capitale et les grandes villes du Bangladesh auxquelles ont succédé rapidement des violences exercées par les membres du Jamaat-e-Islami – allié du principal parti d’opposition au pouvoir, le Bangladesh Nationalist Party (BNP) – et de sa branche étudiante, l’Islami Chhatra Shibir.

Abdul Kader Mollah est la première personne exécutée depuis que le Premier ministre Sheikh Hasina a instauré en 2010 les Tribunaux spéciaux (ICT) pour juger les criminels de la guerre d’indépendance de 1971 (1), des cours de justice dont le fonctionnement est fortement critiqué par la communauté internationale. Jusqu’à hier soir, le sort du leader islamiste était suspendu à une décision de la Cour suprême, dernier recours en appel avant l’exécution. Celle-ci a confirmé la condamnation à mort du secrétaire général du Jamaat-e-Islami, qui a été pendu à 22 heures, heure locale, dans la prison centrale de Dacca.

Abdul Kader Mollah a été reconnu coupable en février dernier de plusieurs exécutions de masse, dont le tristement célèbre « massacre de Mirpur », du nom d’une banlieue de la capitale. A la tête d’une milice pro-pakistanaise, Abdul Quader Mollah a, selon le tribunal, tué un grand nombre de professeurs, médecins, écrivains et journalistes. Il a également été reconnu coupable de centaines de viols et du meurtres de plus de 350 civils, dont un très grand nombre appartenaient à la communauté hindoue ou s’étaient déclarés en faveur de l’indépendance du Bangladesh. Après un premier verdict le condamnant à l’emprisonnement à vie, il a vu sa sentence commuée en peine capitale par la Cour d’appel en septembre dernier.

Le Jamaat-e-Islami, qui reste une force puissante dans le pays malgré sa récente éviction de la scène politique, avait menacé le gouvernement de « funestes conséquences » si le leader était exécuté. « Le gouvernement a haineusement assassiné Abdul Kader Mollah, malgré les appels de la nation et de la communauté internationale (…) ; le peuple du Bangladesh répondra [à ce crime] en instaurant l’islam [à la tête] du pays », a déclaré dès l’annonce de l’exécution Mokbul Ahmad, chef du Jamaat. Dénonçant une nouvelle fois une conspiration de la Ligue Awami, parti au pouvoir, pour « faire disparaître tous ses opposants », le responsable du parti islamique a lancé un appel à la grève générale (‘hartal’) pour dimanche 15 décembre.

A l’approche des élections législatives prévues le 5 janvier, la communauté internationale, et en particulier le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, avait demandé avec insistance au gouvernement du Bangladesh de ne pas « envenimer par une exécution capitale une situation déjà très instable ».

Mercredi 12 décembre, le ministre adjoint de la Justice, Quamrul Islam, a salué le verdict de la Cour suprême : « C’est un moment historique ; après quatre décennies, les victimes du génocide de la guerre de libération de 1971 ont obtenu une forme de justice. » Tandis que des milliers de personnes, familles des victimes de mollah et militants de la Ligue Awami, célébraient hier soir par des veillées aux flambeaux l’annonce de l’exécution du « boucher de Mirpur », les premières scènes de violence ont éclaté dans plusieurs quartiers de Dacca et villes du pays.

Appelant à « la vengeance de la mort en martyr d’Abdul Kader Mollah », les leaders des différents mouvements islamistes ont rassemblé des militants et commencé à bloquer les routes aux petites heures du matin. Les importants renforts de police déployés dans la capitale au moment de l’exécution n’ont pas suffi à empêcher des centaines de membres du Jamaat, armés de bombes artisanales, de pierres et de bâtons, d’attaquer les forces de l’ordre, les membres de la Ligue Awami et les représentants des minorités, vandalisant les maisons et les magasins, incendiant les bâtiments et les véhicules dans différentes localités de 14 districts.

Le bilan des attaques, non définitif, s’élève ce soir pour l’ensemble du pays à au moins six morts, dont un enfant, des centaines de blessés, plus de 145 maisons et bâtiments administratifs vandalisés et brûlés, ainsi que plus de 200 véhicules incendiés. Parmi ces derniers, on compte de nombreux bus et camions qui ont été attaqués avec des bombes incendiaires sur les principaux axes routiers menant à la capitale, faisant de nombreux blessés.

Le district de Satkhira, situé dans le sud du pays, a été particulièrement touché avec plus d’une cinquantaine de maisons incendiées par l’Islami Chhatra Shibir et deux membres de la Ligue Awami assassinés. Selon les premières déclarations de la police citées par le Dhaka Tribune, les assaillants auraient pénétré de force dans les habitations des victimes dans la nuit de mercredi à jeudi, avant de les entraîner à l’extérieur pour les poignarder à mort.

Selon The Daily Star, de nombreux incidents graves se sont également produits dans les villes de Chittagong, Sylhet et Rajshahi : des coups de feu ont été échangés et la police a procédé à des centaines d’arrestations. Un membre du BNP a été abattu à Pirozpur ce matin lors d’affrontements entre les islamistes et les militants de la Ligue Awami.

A Noakhali’s Begumganj, un vendeur de rue a été mortellement touché par une balle perdue pendant les combats de rue, tandis qu’un partisan du Jamaat était écrasé par un camion alors qu’il tentait de mettre le feu au véhicule à Jessore’s Bagharparha, a rapporté la chaine de télévision bdnews24.

La dernière victime est un enfant de 10 ans, dont le corps criblé de balles a été retrouvé par la police ce matin. Le jeune Riad, neveu d’un leader de la Ligue Awami, avait été enlevé la nuit dernière près de la maison familiale à Kuchpukur ; selon les enquêteurs, il aurait été exécuté en représailles à la pendaison d’Abdur Kader Mollah par des militants de l’Islami Chhatra Shibir.

Toutes les minorités religieuses du pays avaient fait part de « leur grande inquiétude » dès l’annonce de l’exécution d’Abdul Kader Mollah. Hier, les responsables de la Bangladesh Christian Association ont rencontré le ministre de l’Intérieur afin de lui demander d’assurer la protection des minorités du pays.

(eda/msb)