Eglises d'Asie

Mindanao : des enfants-soldats parmi les combattants islamistes tués par l’armée

Publié le 03/02/2014




Les cadavres de trois enfants-soldats ont été retrouvés dans un camp des rebelles islamistes dont l’un des bastions, à Maguindanao, est tombé entre les mains de l’armée philippine samedi 1er février dernier.Etayant les soupçons qui pesaient depuis longtemps sur l’enrôlement d’enfants-soldats dans les rangs des guérilleros Bangsamoro Islamic Freedom Fighters (BIFF) … 

… un cliché non daté, également saisi dans le campement, montre de jeunes garçons brandissant des armes blanches et des mitraillettes aux côtés des rebelles.

Suite à la parution ce lundi 3 février de cette photo transmise à la presse par l’armée philippine, ainsi que de la nouvelle de la mort des trois enfants-soldats lors des affrontements de ce week-end, le bureau du président Benigno Aquino s’est déclaré « profondément bouleversé ».

Les corps des enfants ont été retrouvés parmi les cadavres d’au moins 53 combattants du BIFF, suite à la bataille qui a fait rage six jours durant dans la province de Maguindanao entre les combattants islamistes et les forces militaires du gouvernement philippin.

Le 25 janvier était signé un traité « historique » entre le principal groupe rebelle islamiste, le Front moro islamique de libération (MILF), et Manille, qui devait amorcer la phase finale de l’établissement d’une zone semi-autonome à Mindanao, le Bangsamoro (‘la terre des moros’), et mettre fin à la guerre civile qui déchire l’île depuis plus de quarante ans.

Le jour même, le conflit armé reprenait de plus belle dans les régions de l’île aux mains des combattants du BIFF, faction dissidente du MILF qui refuse les termes du traité et revendique la création d’un Etat islamique indépendant.

Après plusieurs démentis, l’armée philippine confirmait lundi 27 janvier avoir lancé « une action d’envergure » contre les principales poches de résistance du BIFF dans les provinces de Maguindanao et de Cotabato-Nord ainsi que dans celle de Zamboanga Sibugay. Cette opération militaire, appelée « Darkhorse », s’est achevée dimanche 2 février, après une attaque des rebelles la veille, lesquels avaient fait exploser deux bombes artisanales près du camp de l’armée, blessant six soldats et six civils, dont deux membres d’une équipe de télévision.

Les militaires philippins affirment avoir capturé quatre militants islamistes et pris ensuite le quartier-général du BIFF dans la région ainsi qu’un site de fabrication d’explosifs dans un ensemble de villages isolés de Manguindanao.

Les militaires, qui ont perdu l’un des leurs dans l’offensive finale contre l’un des principaux bastions du BIFF situé à Shariff Saydona Mustapha samedi dernier, ont déclaré que les trois jeunes adolescents se trouvaient parmi les morts du camp des rebelles décomptés après la bataille. Quant aux photos, elles auraient été trouvées lors de la fouille du campement par l’armée.

« Les guérilleros du BIFF utilisent des enfants armés et en tenue de camouflage : quand nous tombons sur eux, nous ne pouvons pas savoir que ce sont des enfants », a voulu expliquer l’un des porte-paroles de l’armée philippine à Mindanao, Dikcson Hermoso, à l’AFP. Il a assuré que les trois enfants-soldats avaient été enterrés peu après leur décès conformément à la tradition musulmane.

Un représentant du BIFF, Abu Misry, a déclaré à l’AFP que son groupe ne comptait aucun enfant-soldat dans ses rangs. « Ces enfants, qui sont morts, n’étaient pas des soldats. C’étaient des civils qui ont été tués par les bombardements de l’armées et leurs tirs de mortiers », a-t-il déclaré avec colère.

Une accusation que nie le principal responsable de l’armée philippine à Mindanao, le colonel Edgardo Gonzales, lequel affirme que les trois adolescents, âgés vraisemblablement d’une quinzaine d’années, portaient les uniformes des combattants du BIFF. Il a également assuré détenir des photos et vidéos d’entrainement militaire d’enfants par des rebelles. « Tous mes hommes m’ont rapporté qu’il y avait des enfants parmi les combattants du BIFF, a-t-il déclaré au Philippine Daily Inquirer. Certains n’ont aucune arme à feu ; ils accompagnent les rebelles et lorsque l’un d’eux tombe, ils ramassent l’arme et commencent à tirer à leur tour. »

L’existence d’enfants-soldats dans les rangs des divers groupes rebelles qui sévissent dans l’île de Mindanao est connue depuis longtemps, mais la macabre découverte a provoqué un regain d’indignation aux Philippines, amplifiée par la parution simultanée dans les médias de la photo montrant les quatre jeunes garçons armés d’armes automatiques et de coutelas.

« Nous condamnons avec fermeté l’enrôlement d’enfants-soldats (…). Cette pratique viole non seulement nos lois mais les lois internationales. Les mineurs n’ont pas à être sur les champs de bataille », a déclaré Abigail Valte, porte-parole du président Benigno Aquino. « Nous en appelons aux parents : qu’ils ne permettent pas à leurs enfants d’être exploités de la sorte », a-t-elle ajouté.

Mgr Martin Jumoad, évêque catholique de Basilan, rapporte l’agence Ucanews ce lundi 3 février, a mis en garde la population de Mindanao en rappelant que l’enrôlement d’enfants-soldats ne pouvait que prolonger un conflit qui durait déjà depuis plusieurs décennies, en conditionnant les enfants à se battre. « Cette situation est inconcevable : nos frères musulmans doivent arrêter cela immédiatement ! », a-t-il dit.
L’armée a déclaré avoir transmis les faits à la Commission nationale des droits de l’homme.

Quant aux Nations Unies, leurs rapports font mention depuis longtemps déjà du fait que des enfants sont entraînés au combat au sein des groupes rebelles de Mindanao. On peut d’ailleurs lire sur leur site en ligne que « [l’ONU] continue de recevoir des rapports de sources sûres affirmant que le BIFF entraîne activement des enfants et leur fournit des armes ».

En 2011, un plan de réintégration supervisé par les Nations Unies avait concerné entre 600 et 1 000 enfants-soldats âgés de 12 à 18 ans, enrôlés dans le MILF pendant la longue guérilla qui a opposé le groupe islamiste à Manille. Ils étaient utilisés par les rebelles comme porteurs, éclaireurs et souvent comme combattants, comme cela semble être toujours le cas aujourd’hui pour le BIFF.

Depuis les accords signés avec Manille, ces enfants – dont l’existence avait été niée dans un premier temps par le groupe rebelle – sont réhabilités progressivement, re-scolarisés et pour certains orientés vers des formations professionnelles.

 (eda/msb)