Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Catholique au féminin dans la Chine moderne : un point de vue personnel

Publié le 26/02/2014




Je suis entrée en contact pour la première fois avec l’Eglise catholique en Chine continentale au début des années 1990. Dans cet article, j’aimerais partager ce que je connais de l’Eglise catholique en Chine, bien que mon expérience de la vie de l’Eglise soit très limitée. …

1.) Contribution des femmes catholiques à l’Eglise en Chine

En raison des restrictions imposées par le gouvernement concernant la religion et pour diverses raisons historiques, l’Eglise en Chine était plus présente au nord qu’au sud. Aujourd’hui encore, l’Eglise est particulièrement active dans les régions agricoles du nord de la Chine, où vivent de nombreux laïcs catholiques. La majorité des laïcs étaient des femmes issues des villages ruraux. Elles avaient un faible niveau d’instruction et il n’était pas rare que certaines soient même illettrées. Cependant, que ce soit hier ou aujourd’hui, ces femmes simples ont apporté de grandes contributions à l’Eglise en Chine.

1.1) L’Eglise sous les persécutions : protection et transmission de la foi chrétienne

Comme nous le savons tous, l’Eglise en Chine a été l’objet de graves persécutions qui ont débuté dans les années 1950 et ont duré plus de quarante ans. Toutes les activités religieuses ont été interdites. Des prêtres et des évêques ont été emprisonnés. Au cours de cette période difficile, la foi des catholiques chinois a été très rudement mise à l’épreuve. Néanmoins, ces femmes sont restées constantes dans leur foi et dans leur espérance. Elles récitaient des prières en privé et enseignaient la foi catholique à leurs enfants avec beaucoup de courage.

Un jeune prêtre du Shanxi témoigne en ces termes : « Etant enfant, j’ai vu ma mère réciter des prières au pied de son lit chaque fois que je me réveillais au milieu de la nuit. Quand j’ai grandi, ma mère m’a dit que mes parents et mes proches étaient tous catholiques. Elle m’a appris à prier. Lorsque le prêtre de la paroisse a été libéré de prison, ma mère me réveillait chaque matin avant l’aube et insistait pour que je vienne à la messe du matin avec elle. Elle m’a même incité à devenir servant de messe. »

1.2) Reconstruire l’Eglise

Vocations – offrir ses enfants à Dieu : Vers la fin des années 1980, des évêques et des prêtres ont été libérés de prison. Ils ont été autorisés à rentrer dans leurs diocèses et leurs paroisses respectifs. Ce fut une période de renaissance et l’appui de la jeune génération était nécessaire pour reconstruire l’Eglise. Les parents catholiques offraient leurs enfants à Dieu avec une grande générosité. Ils encourageaient leurs fils à apprendre des prêtres expérimentés si bien qu’ils pourraient eux-mêmes devenir prêtre à l’avenir. Par la suite, quelques séminaires fermés par le gouvernement dans les années 1950 ont été rouverts. Les jeunes hommes catholiques ont finalement eu la chance de suivre une formation officielle pour devenir prêtre. Ils ont ainsi apporté une nouvelle génération de pasteurs à l’Eglise. Les parents ont également encouragé leurs filles à devenir religieuses, qui elles aussi ont participé à la reconstruction des diocèses et à l’institution de nouvelles congrégations religieuses.

Aujourd’hui, dans le diocèse de Xianxian (province du Hebei), on compte plus de 100 prêtres et 300 religieuses. Il n’est pas rare que plusieurs prêtres et sœurs soient issus de la même famille. Cela est également très courant dans les provinces du Shanxi et du Shaanxi. Le soutien généreux des laïcs catholiques a aidé à la renaissance de l’Eglise, qui avait été paralysée par les grandes persécutions. Les enfants sont devenus les pasteurs des églises, les professeurs des écoles de théologie, les recteurs et directeurs pour la formation des prêtres dans les séminaires.

Institution de nouveaux ordres religieux dans des situations difficiles : Il existe ce qu’on pourrait appeler une « culture du célibat » dans l’Eglise de Chine. Cela signifie que les femmes catholiques ont été encouragées à se dévouer elles-mêmes au service de Dieu par une vie de célibat. Bien que la vie de l’Eglise se soit avérée très difficile, de nombreuses jeunes filles ont fait preuve d’une grande patience et de persévérance, traits caractéristiques des femmes chinoises. Elles ont mis en place des ordres religieux dans différents diocèses, ont servi Dieu, les prêtres, les laïcs catholiques et les malades sans relâche.

Au début des années 1990, Sœur She Shengua, fondatrice de la Maison Saint-Joseph pour les enfants handicapés à Xianxian, et un groupe de vierges consacrées qui étaient avec elle, se sont vouées au service d’enfants handicapés, abandonnés par leurs parents. Dans les années 2000, lorsque ces enfants ont grandi, elle a envisagé des plans pour le jour où ils voudraient se marier et fonder leur propre famille. Elle a créé la Maison Saint-Joseph pour les personnes âgées. Elle a envoyé de jeunes hommes, à sa charge, dans ce nouvel établissement, afin qu’ils apprennent à servir les personnes âgées. Je crois que quiconque est amené à voir le travail effectué par les sœurs dans les différentes régions de la Chine ne peut qu’être grandement impressionné par leur esprit de sacrifice. Leur exemple mérite toute notre admiration.

1.3) Développement de l’Eglise : évangélisation, activités paroissiales et œuvres caritatives

L’évangélisation

L’œuvre d’évangélisation des femmes laïques dans le diocèse de Weinan : Au milieu des années 1990, j’ai participé à un pèlerinage dans le diocèse de Taiyuan (province du Shanxi). J’ai découvert qu’il y avait là-bas de nombreux catéchistes laïcs à la cathédrale, très actifs dans le catéchuménat. Les prêtres de la paroisse disaient que dans les paroisses isolées, il y avait des femmes catéchistes qui formaient elles-mêmes des groupes de trois ou quatre personnes pour aller prêcher l’Evangile dans les régions environnantes.

En 2007, j’ai organisé un séminaire pour la catéchèse des adultes à l’intention des prêtres et des religieuses dans ce même diocèse. J’ai invité deux intervenants de Taiyuan afin de partager sur leur propre expérience : le P. Zhang Jinquing et Melle Duan, une catéchiste. A cette époque, le P. Guo, curé du village de Nanbai, a saisi l’opportunité pour leur demander de parler à ses paroissiens de leur expérience en matière de prédication de la Bonne Nouvelle. Après cela, le P. Guo a encouragé ses paroissiens à mettre en œuvre un fonds pour évangéliser. Il a également regroupé les femmes de sa paroisse par groupe de trois et les a envoyées prêcher la Bonne Nouvelle dans les villages voisins. Ainsi, chaque fin de semaine, ces femmes se rendaient dans les villages à bicyclette pour s’acquitter de leur mission évangélique. D’autres paroissiens les ont soutenues par leurs ferventes prières. Ensuite, des laïcs catholiques d’autres paroisses de Weinan ont suivi leur exemple. Ils allaient en groupes chaque fin de semaine prêcher la Bonne Nouvelle. Certains catholiques fermaient même leurs boutiques le week-end… ils préféraient passer le week-end à prêcher l’Evangile plutôt que de gagner de l’argent avec leur commerce.

Le P. Bai Hanquiang, prêtre à la cathédrale du diocèse de Weinan, préparait les catéchistes chaque semaine avant de les envoyer enseigner aux catéchumènes. Il parait qu’au cours des dernières années, des catéchumènes ont été baptisés chaque année à Pâques dans toutes les paroisses. La participation active des catholiques de Weinan à l’évangélisation est un excellent exemple pour toutes les églises de la province de Shanxi.

L’évangélisation par la danse : La plupart des femmes dans les villages en Chine aiment chanter et danser selon les danses traditionnelles Yangge (秧歌, ‘Danse des planteurs de riz’, danse populaire demeurée très populaire dans le pays – NdT (1)). Les femmes catholiques de la paroisse de Geda à Fanjia (Xianxian) sont connues pour prêcher la Bonne Nouvelle à travers la danse et les chansons. Bien que la présidente de cette paroisse soit illettrée, elle a fondé un groupe d’évangélisatrices, étant elle-même la responsable. Elle se lève à 4 heures chaque matin pour travailler dans les champs avec son mari. Puis à 10 h, elle rentre chez elle pour préparer le déjeuner. L’après-midi, elle sort à bicyclette avec les membres de son équipe évangélique, répartie en groupe de trois, pour aller vers les villages voisins. Elles y donnent une représentation dansée, selon les canons du Yangge, avec les femmes du lieu et elles partagent avec elles la foi catholique. Leur mission de prédication de la Bonne Nouvelle grâce à la danse est très appréciée.

La croissance de la paroisse

La paroisse de Hejian, dans le diocèse de Xianxian, est une paroisse située en zone rurale. La vielle église a été confisquée par le gouvernement durant la Révolution culturelle. Après de nombreuses années de négociations, l’église a finalement été rendue mais il n’a pas été facile d’obtenir l’argent nécessaire pour sa reconstruction, notamment parce que les autorités locales y ont mis beaucoup d’obstacles.

Mme Gao, la responsable du conseil paroissial, est illettrée. Néanmoins, elle a fait preuve d’une grande sagesse. Elle ne voulait pas que les prêtres de la paroisse ainsi que les hommes catholiques entrent en conflit ouvert avec le gouvernement. C’est pourquoi, elle a mobilisé les femmes catholiques de la paroisse pour défiler chaque dimanche autour de l’église, en récitant des prières pour la paroisse. Le gouvernement n’a pas voulu envenimer la situation et est finalement consenti à un compromis avec la paroisse.

Mme Gao est également une femme clairvoyante. Elle a compris que, parallèlement à la reconstruction du bâtiment de l’église, il était nécessaire d’assurer une formation aux laïcs catholiques. Ainsi, elle a demandé au prêtre de la paroisse d’organiser différents cours pour les laïcs, particulièrement pour les jeunes mères qui avaient la responsabilité de transmettre la foi catholique dans leur famille.

Les œuvres de charité

Bien que les sources de revenus des catholiques dans les villages ruraux se soient beaucoup améliorées, il y a toujours beaucoup de mendiants et de vagabonds dans la région. Suivant l’exemple de Mère Térésa, les femmes catholiques de la paroisse de Hejian leur fournissent des vêtements et de la nourriture. Si un des sans-abri le désire, les femmes l’emmèneront à la Maison Saint-Joseph pour les personnes âgées et assureront les frais occasionnés.

Un jour, un vagabond, malade mental, a fait une chute dans la rue. Le gouvernement a refusé de l’aider, mais les femmes catholiques ont fait preuve de compassion à l’égard de l’étranger. Elles l’ont accompagné à la Maison Saint-Joseph pour les personnes âgées, et grâce à l’aide des sœurs, ce jeune homme a recouvré la santé et s’est remis à marcher sans difficulté.

2.) Les défis des femmes chinoises face à la modernité

La vie dans les villages ruraux de Chine a changé de façon spectaculaire. De nombreux catholiques jeunes, ou d’un certain âge, sont partis travailler dans les villes, laissant leurs enfants aux soins de leurs grands-parents. Ils ne peuvent voir leur famille qu’une fois par an, lors des congés du Nouvel An lunaire. Etant donné que de nombreuses femmes des villages catholiques sont illettrées, elles ne savent pas comment éduquer leurs petits-enfants qui, le plus souvent, ne sont pas intéressés par les formes anciennes de prière. De plus, l’initiation à la foi des enfants fait défaut parce que les paroisses n’ont pas d’écoles du dimanche. Après la fin de l’école primaire, ces enfants partent souvent immédiatement à l’extérieur pour travailler. Ils quittent l’école et ne vont pas à l’école secondaire. Ils oublient souvent leur appartenance à l’Eglise et leur foi s’affaiblit peu à peu.

Par ailleurs, les curés attachent plus d’importance à la quantité plutôt qu’à la qualité de leur mission d’évangélisation. Bien que les femmes laïques catholiques soient très enthousiastes au sujet de l’évangélisation, la qualité de la catéchèse est souvent négligée, comme l’est la formation pour le suivi des nouveaux baptisés. Rapidement, l’élan des néophytes faiblit, et leur attachement à l’Eglise se relâche progressivement.

3.) Révélations aux femmes laïques de Hongkong

3.1) Formation chrétienne au sein de la famille

Les laïques catholiques continuent de s’efforcer de transmettre la foi chrétienne aux plus jeunes générations en dépit des nombreuses difficultés et des dangers qui les menacent. Quand on compare la situation avec la Chine, la vie de l’Eglise à Hongkong est beaucoup plus facile. Il y a plus de 600 catéchistes et 1 000 enseignants pour l’école du dimanche dans le diocèse de Hongkong. Ces dernières années, plus de 3 000 catéchumènes ont été baptisés chaque année. La plupart des parents catholiques ont un haut niveau d’éducation. Cependant, la qualité de la formation chrétienne au sein de la famille demeure un problème. La vie est souvent trépidante à Hongkong et, dans la plupart des familles, le père et la mère travaillent tous les deux. Les parents font plus attention à la réussite scolaire de leurs enfants qu’à leur éducation chrétienne. Ils pensent peut-être que leurs besoins matériels sont plus importants que leur développement spirituel. Ils peuvent même penser qu’il n’est pas de leur responsabilité de transmettre la foi chrétienne puisque les enseignants de l’école du dimanche s’en chargent. Le résultat est que leurs enfants ne reviennent pas à l’église une fois que l’école du dimanche est terminée.

3.2) Promotion des vocations

Le sacrifice généreux des laïcs en Chine a aidé énormément à reconstruire l’Eglise. Cependant, à Hongkong, il y a peu de vocations, en dépit du fait que de nombreux laïcs fréquentent différentes paroisses ou organisations diocésaines. En considération du grave manque de prêtres à travers le monde, les catholiques de Hongkong sont-ils suffisamment généreux pour répondre à l’appel de Dieu, comme le font les femmes catholiques en Chine ? De nos jours, de nombreuses personnes se satisfont de rester célibataire et de vivre comme un laïc plutôt que de rejoindre un séminaire. Ils n’ont pas assez de courage pour répondre à l’appel du Christ. Chacun de nous devrait sérieusement y réfléchir et se poser la question suivante : Dieu m’appelle-t-il également à œuvrer pour Lui ?

3.3) Vivre le témoignage de la foi chrétienne

Aujourd’hui, les femmes catholiques en Chine travaillent encore sans relâche pour la croissance de leur paroisse et elles servent les nécessiteux dans leur vie quotidienne. En même temps, l’espérance de vie des habitants de Hongkong est très longue. De nombreuses personnes retraitées sont toujours en bonne santé et très dynamiques. Elles sont instruites et, étant en retraite, prennent part à différentes activités. Tout en jouissant de leurs « années dorées » à travers le monde, et en se faisant plaisir, elles pourraient prendre part à plus d’activités dans les paroisses. Cela pourrait contribuer à renforcer leur foi et leur élan missionnaire, leur permettant ainsi de vivre dans l’esprit de l’Evangile au quotidien. Elles peuvent briser les barrières de la communication et montrer leur amour pour ceux qui les entourent, particulièrement les pauvres. De cette manière, elles peuvent apporter le salut de Dieu au monde.