Eglises d'Asie – Cambodge
POUR APPROFONDIR – Le point sur l’actualité politique et sociale du 14 janvier au 19 février 2014
Publié le 25/02/2014
… émise le 4 janvier, et attendent calmement devant la Cour. Treize camions bourrés de militaires stationnent tout près. Une trentaine de jeunes en civil, avec des casques de moto sur la tête, armés de barres de fer et de bâtons (les mêmes milices de Hun Sen qui ont frappé les moines le 2 janvier) forment un cordon de sécurité devant la Cour. Tout se passe dans le calme (CD. du 15.01.14) (1). Rong Chhun, secrétaire général du FTU (Syndicat Libre, ex-SIORC), se rend à une seconde convocation, et n’est pas inquiété.
Réactions internationales
* Le 13 janvier, le Sénat américain approuve une motion, signée par le président Obama le 17, qui suspend un certain nombre d’aides au Cambodge tant qu’une enquête indépendante ne sera pas menée sur le résultat des élections du 28 juillet, et tant que des réformes ne seront apportées au système électoral et que durera le boycott des députés de l’opposition. Les Etats-Unis n’accordent annuellement que 89 millions de dollars d’aides au Cambodge (sur un total de 1 milliard) – et pour la plus grande partie via des ONG. Les aides à la promotion des droits de l’homme et à l’armée ne seront pas affectées par cette motion. Cette motion est donc plus symbolique qu’efficace. La motion demande également à la Banque mondiale de suivre les mêmes directives et d’informer régulièrement le Parlement américain sur l’aide apportée aux expulsés de Boeung Kâk (CD du 17.01.14).
* La LICADHO accuse les Etats-Unis de continuer à soutenir et à entraîner l’armée cambodgienne qui est responsable de nombreuses violations des droits de l’homme au Cambodge (CD du 16.01.14).
* Le 15 janvier, Surya Subédi, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, rencontre Hun Sen ainsi que dix ministres et haut-fonctionnaires pendant trois heures et demies. Il aborde les questions délicates : l’usage des armes de guerre contre le peuple non armé, usage responsable de la mort de sept personnes depuis septembre dernier ; la suspension du droit constitutionnel de réunion décrétée le 4 janvier ; l’incarcération de leaders syndicaux ou de défenseurs des droits de l’homme ; celle des 23 ouvriers arrêtés lors des dernières manifestations. Il juge acceptable la demande des ouvriers de voir leur salaire porté à 160 dollars par mois. D’après Subédi, Hun Sen se serait montré plus réceptif que par le passé, et envisagerait des réformes suivant ses recommandations. Le « Cambodge est à la croisée des chemins. Le changement vient plus vite que certains ne le pensaient », déclare Subédi (CD du 17.01.14).
* Le 16 janvier, le Parlement européen vote une résolution en dix-sept points, dans le même sens que celle des Etats-Unis, mais au ton plus ferme. La résolution ajoute qu’une enquête indépendante doit être menée sur les morts du 3 janvier et demande la libération immédiate des 23 ouvriers emprisonnés. L’UE est l’un des principaux donateurs d’aide au Cambodge. C’est donc un signal fort que le gouvernement se doit de prendre en compte (CD du 18.01.14). Le représentant de l’UE en poste à Phnom Penh se démarque cependant de la position du Parlement.
* Le 17 janvier, trente fédérations internationales de syndicats et les multinationales comme Walt Disney, Wal-Mart et Gap, écrivent une lettre au Premier ministre exprimant leur grave préoccupation concernant les cinq morts du 3 janvier. Ils demandent qu’une enquête immédiate soit menée. Parmi les signataires se trouvent les six syndicats qui représentent 90 % des importations de produits textiles au Canada et aux Etats-Unis (CD du 20.01.14). Le 19 février, les représentants de Puma, Gap, H&M, (2ème plus importan vendeur d’habits au monde, qui a fait 3,4 milliards de bénéfices en 2012) ainsi que le secrétaire de Industrial ALL Global Union rencontrent les ministres du Commerce et du Travail, ainsi que l’ex-ministre des Finances Kéat Chhon, président du comité chargé d’étudier les hausses de salaires. Les ministres cambodgiens mettent tous les torts sur le PSNC, qui « a semé l’anarchie ». GAP fait remarquer que la question des 23 travailleurs battus et incarcérés sans jugement pose des problèmes éthiques et des problèmes de relations publiques : « Les acheteurs partout de par le monde nous demandent où et comment ont été produits ces vêtements » (CD du 20.02.14).
* Le 11 février, le Sénat australien vote une motion demandant une enquête sur les fraudes électorales du 28 juillet dernier et condamne l’usage excessif de la force contre les ouvriers, ainsi que la suppression du droit constitutionnel de réunion (CD du 15.02.14).
* Pendant les mois de janvier et février, on note le silence du PSNC, alors que les syndicats et opposants manifestent. Le PSNC se justifie en affirmant qu’il veut éviter ainsi l’accusation de manipulation des ouvriers. Certains membres du PSNC commencent à comprendre qu’en boycottant le Parlement, le parti n’a aucun moyen d’action. Sam Rainsy quitte le Cambodge le 23 janvier pour une semaine. Il se rend en Belgique ainsi qu’à Genève, où il assiste à la réunion du Conseil de l’ONU pour les droits de l’homme et rencontre l’Union des Parlementaires européens. Une photo est diffusée sur Facebook : il fait du ski en Suisse alors que ses partisans sont matraqués au Cambodge… (CD du 14.02.14).
* Le 28 janvier, le Comité gouvernemental pour les droits de l’homme au Cambodge présente son rapport à Genève devant le Conseil des droits de l’homme composé de quarante-sept pays. Le Conseil est particulièrement attentif aux quatre-vingt onze recommandations faites en 2009. La plupart des pays participants posent diplomatiquement des questions ou expriment leurs « préoccupations » sur les événements du début janvier. Le Vietnam félicite le Cambodge pour les dernières élections (CD du 29.01.14).
* La 19 janvier, le Premier ministre demande à ses supporters de manifester contre l’opposition qui a pour but de le renverser. Le 21 janvier, Sam Rainsy et Kem Sokha doivent ainsi annuler un meeting à Saang, car ils font face à plusieurs centaines de supporters du Premier ministre et à un grand nombre de membres des forces de l’ordre. D’autres rassemblements du PSNC sont interrompus par les partisans du PPC appuyés par des militaires et la police à Prey Veng (25 janvier) et à Kompomg Cham (26 janvier). Des chefs de syndicats pro-gouvernementaux, qui sont également des fonctionnaires payés par l’Etat, demandent que soient prises des sanctions contre les responsables de six syndicaux non gouvernementaux (CD du 23.01.14).
* Le 19 février les représentants du PPC et ceux de PSNC se réunissent pour discuter de la mise en place d’un mécanisme de réforme électorale. Le PSNC avait annulé la rencontre prévue pour le 4 janvier en raison de la répression sanglante de la veille. Les deux partis décident de créer une commission comprenant les partis qui ont des sièges au Parlement (est-ce le cas du PSNC ?) pour établir un plan de réforme. Cette commission sera également ouverte aux groupes de la société civile. Elle acceptera des fonds d’ONG nationales et internationales. Le PPC fait savoir que des élections anticipées seraient possibles après un amendement de la Constitution, accepté par les deux tiers de l’Assemblée, donc avec la présence du PSNC.
Une lueur d’espoir ? Préparation des élections municipales du 18 mai
* Le PPC va verser un bonus de 125 dollars à chacun de ses 89 292 conseillers municipaux et maires. Est-ce le signe que le parti veut regagner la confiance de ses élus ? (CD du 20.02.14). Suite à la répression du 3 janvier, on constate en province que même les partisans du PPC ont des doutes…
Politique extérieure
* Le 12 janvier, le Premier ministre vietnamien se rend en visite officielle de trois jours au Cambodge. Il pose la première pierre d’un nouveau pont de 428 mètres qui enjambera le Bassac à Chrey Thom-Long Binh, pour un coût de 38,4 millions de dollars, pour la moitié don du Vietnam, et prêt pour l’autre moitié. Il inaugure le nouvel hôpital Cho Ray de Phnom Penh, dont la construction, d’un coût de 15 millions de dollars, a été financée par moitié par l’hôpital Cho Ray d’Hô Chi Minh-Ville et par la société khmère Sokimex. Le Vietnam accorde également deux millions de dollars pour reconstruire l’école primaire de Phnom Penh (CD du 13.01.14).
* Sam Rainsy estime que le Premier ministre vietnamien est venu féliciter Hun Sen pour sa répression des ouvriers, comme il l’avait conseillé les jours qui l’ont précédée. (NDLR : analyse fréquente des Khmers, même si on ne la partage pas, on doit en tenir compte). Mais il demande à Hun Sen de prendre exemple sur le Vietnam qui change ses dirigeants tous les cinq ou dix ans (CD du 14.01.14).
* Le 17 février, un Vietnamien est lynché après avoir aidé un de ses compatriotes victime d’un accident, dans un quartier périphérique de la capitale. PSNC et PPC s’accusent mutuellement d’excitation à la haine raciale. L’ambassade du Vietnam demande que soient châtiés les coupables et annonce mener sa propre enquête (CD du 19.02.14). C’est un fait que sur les radios étrangères en langue khmère, les partisans du PSNC, et Sam Rainsy lui-même, tiennent souvent un langage outrancier concernant les citoyens vietnamiens, proche de l’appel au meurtre (le mot « Youn » n’est qu’un tout petit exemple). Mais, par ses faveurs à l’égard des Vietnamiens (nombreuses concessions, jugement souvent en leur faveur, non-respect des lois cambodgiennes en vigueur, etc.), le gouvernement alimente cette animosité séculaire.
* Le 11 février, le Vice-Premier ministre vietnamien rencontre le ministre cambodgien des Affaires étrangères à Phnom Penh. Les deux ministres veulent porter les échanges commerciaux entre les deux à pays à cinq milliards de dollars d’ici 2015 (trois milliards en 2013). Le Vietnam accepte de vendre 200 MGW d’électricité au Cambodge. Le ministre cambodgien remercie le Vietnam pour les centaines de bourses d’études accordées aux étudiants khmers (CD du 12.02.14).
Chambres exceptionnelles pour juger les ex-responsables Khmers rouges
* Un avocat bosniaque est affecté à la défense de Ta Tith, secrétaire de la zone Nord-ouest sous le régime du Kampuchéa démocratique (CD du 19.02.14).
Economie
* Le gouvernement a récolté 881,4 millions de taxes en 2013, soit une augmentation de 16 % par rapport à 2012. Le système de recouvrement des taxes comprend cependant des lacunes : les proches du pouvoir peuvent y échapper (CD du 13.01.14).
* La pêche du petit poisson pour faire le prahoc est abondante (CD du 20.01.14).
* Le tourisme ne semble pas affecté par la situation politique interne cambodgienne. 4,2 millions de visiteurs sont entrés au Cambodge en 2013. Le plus grand nombre sont des Vietnamiens, suivis des Japonais et des Coréens (CD du 30.01.14).
Commerce
* Selon le Premier ministre, de 2011 à 2013, les exportations ont crû de 28 % pour atteindre 9,4 milliards. Il compte, en plus, environ 600 millions d’exportations « non officielles » (contrebande). En dehors des produits textiles et du tourisme (23 % en 2011), les exportations ont crû de 29 % depuis 2007 : bicyclettes (300 millions en 2013), composants électroniques, riz décortiqué (pour une valeur de 250 millions) (CD du 19.02.14).
* Le Cambodge a exporté 378 856 tonnes de riz décortiqué en 2013, soit une augmentation de 83 % par rapport à 2012. Plus de 70 sociétés nationales et internationales exportent ce riz et investissent dans de nouvelles technologies de décorticage. Le 21 janvier, le ministre du Commerce signe un accord avec une société sud-coréenne qui vise à doubler ses importations en riz vers la Corée (78 000 tonnes en 2014) et à construire une usine de décorticage de haute technologie (CD du 22.01.14).
* En 2013, en dépit des 131 grèves des onze premiers mois, et des troubles de fin décembre, les exportations de produits textiles ont augmenté de 20 % en valeur. Ces exportations entrent pour 80 % du total des exportations (5,53 milliards). Le nombre des usines a augmenté de 30 % (CD du 05.02.14).
* Le barrage hydro-électrique de Russey Chrum, dans la province de Koh Kong, d’une capacité de production de 338 MGW, commence ses tests de fonctionnement. Il aura coûté 500 millions de dollars, et produit déjà 190 millions de KWH à Electricité du Cambodge. La société chinoise concessionnaire a un contrat d’exclusivité de la vente pendant 35 ans (CD 11.02.14).
* La société NagaCorp (société propriétaire du casino de Phnom Penh) annonce avoir augmenté son chiffre d’affaires de 25 % en 2013, et enregistré un profit net de 104,3 millions de dollars. Elle envisage d’acheter deux Airbus 320, en remplacement de son jet privé, pour amener des joueurs par charters de Macao, ainsi que de construire un terminal privé à l’intérieur de l’aéroport de Pochetong, avec son propre service d’immigration (CD du 19.02.14).
* Selon le Premier ministre, le PIB individuel était de 973 en 2012, et s’élèverait à 1 036 en 2013.
Dons et investissements
* Selon l’agence chinoise Xinhua, en 2013, les investissements chinois ont crû de 62 % par rapport à l’année dernière, pour atteindre 427 millions de dollars, soit un total de 9,6 milliards depuis 1994 (CD du 20.01.14).
* Les investissements vietnamiens sont passés de 85,75 millions en 2012 à 306,66 millions en 2013. Selon Hun Sen, les investisseurs vietnamiens se placent au troisième rang après la Chine et la Corée du Sud. Le Vietnam réalise 128 projets au Cambodge, pour une valeur totale de trois milliards de dollars.
Société
Mouvements sociaux
* Selon le FTU (syndicat libre, ex-SIORC), il y aurait eu 136 grèves durant les onze premiers mois de 2013 (101 en 2012), chiffre auquel il faut ajouter les 241 grèves de décembre. Ces grèves proviennent, selon des syndicats, de l’augmentation du coût de la vie. Un des moyens d’éviter les grèves serait d’augmenter les salaires et d’obliger les entreprises à respecter le Code du travail, notamment en ce qui concerne les heures supplémentaires (de fait obligatoires). Le syndicat du patronat recense, quant à lui, 131 grèves qui ont fait perdre 826 000 jours de travail et 200 millions de dollars. Il rejette la faute sur les ouvriers. Le 13 janvier, six syndicats demandent officiellement au ministère du Travail de reprendre les négociations en vue d’une augmentation des salaires. La veille, le ministère avait répondu qu’il en était hors de question. Hun Sen, en présence du Premier ministre vietnamien, exprime le même refus méprisant. Le 10 janvier, le Premier ministre a désigné Kéat Chhon, ancien ministre des Finances, pour étudier la possibilité d’augmentations des salaires, et Sar Kheng, ministre de l’Intérieur, pour « étudier » l’affrontement violent du 3 janvier (CD du 15.01.14).
* Les membres de la Confédération Internationale des Syndicats en visite à Phnom Penh demandent au ministre du Travail de retirer sa menace de retrait d’autorisation des six syndicats opposés au gouvernement (CD du 14.01.14).
* Le 13 janvier, entre 8 500 et 12 500 ouvriers de quatre usines de Phnom Penh, de Kandal et de Kompong Cham se mettent en grève, car leurs employeurs leur ont défalqué 100 % de la paie des jours de grève. Le syndicat patronal a conseillé de ne pas payer ces jours de grève, mais quelques usines ont accepté d’en payer la moitié, d’autres que 30 % ce mois-ci et 30 % le mois suivant, d’autres rien (CD du 15.01.14).
* Le 2 février, environ 600 ouvriers de l’usine Golden Plus Textile, ouverte en août dernier, se mettent en grève pour demander le paiement de leurs heures supplémentaires et la fin des contrats à durée limitée (CD du 07.02.14).
* Le 11 février, près de 1 000 ouvriers de l’usine Galey Global de Sihanoukville protestent contre un administrateur qui a amputé leurs salaires des heures supplémentaires. Ils obtiennent leur dû, mais pas le licenciement de l’administrateur, qu’ils réclamaient (CD du 12.02.14).
* Les syndicats ont l’intention de lancer une seconde série de grève à l’échelon national pour réclamer une augmentation des salaires à 160 dollars par mois. Les prix au quotidien ont effectivement augmenté de 30 %, suite contrôle plus strict aux frontières commencé en novembre dernier. L’inflation s’est élevée à au moins à 4,7 % en 2013 (2,5 % en 2012). Un groupe de travail créé par le ministère du Travail en août dernier avait conclu qu’il fallait entre 157 et 177 dollars pour vivre décemment. En décembre, l’OIT (Organisation Internationale du Travail) avait placé le Cambodge au huitième rang des pays exportateurs de textiles dont les salaires étaient les plus bas, devant le Bangladesh (72 dollars), la Birmanie (58 dollars), le Vietnam (78 dollars). Les syndicats désirent la collaboration de l’OIT aux futures négociations, ce que refuse le patronat (CD du 16.01.14).
* Plusieurs imprimeries refusent d’éditer les tracts appelant à la grève (CD du 20.02.14).
* Le 17 février, un mois après un appel à la grève des fonctionnaires, le Premier ministre ordonne aux différents ministères de verser les salaires dans la quatrième semaine de chaque mois. Les salaires seront payés par chèques dans différentes banques, ce qui devrait éviter la corruption et le versement de salaires à des fonctionnaires « fantômes » (CD du 18.02.14). Manifestations en faveur de la libération des 23 ouvriers détenus qui depuis les 2 ou 3 janvier ont été envoyés dans le Centre CC3, centre de haute sécurité, situé dans la province de Kompong Cham, près de la frontière vietnamienne. Les détenus y sont battus quotidiennement.
* Le 12 janvier, les familles et plusieurs ONG de défense des droits de l’homme demandent la libération des 23 détenus. La LICADHO envoie une équipe médicale pour soigner les détenus qui ont été battus avant et après leur transfert.
* Egalement le 12 janvier, environ 2 000 manifestants, pour la plupart cambodgiens, se réunissent devant la mairie de Séoul pour protester contre l’assassinat des cinq ouvriers cambodgiens, le 3 janvier dernier, et l’interdiction de rassemblement. La communauté cambodgienne en Corée du Sud serait forte de 20 000 personnes (CD du 13.01.14).
* Le 13 janvier, en dépit de l’interdiction de rassemblement, une cinquantaine de personnes, dont des moines, manifestent devant le siège de l’ONU à Phnom Penh où loge Surya Subédi, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, arrivé la veille. La police n’ose pas intervenir (CD du 14.01.14).
* Le même 13 janvier, 65 syndicats et des ONG, dont OXFAM et Transparency International, émettent un communiqué qui condamne la violence excessive de la police contre les ouvriers, et qui demande la libération des 23. Une vidéo montre très clairement des militaires frappant des civils sans défense.
* Le 17 janvier et durant les jours suivants, en dépit de l’interdiction de réunion, des marches sont organisées sans incident dans la capitale pour porter des pétitions aux différentes ambassades, demandant la libération des 23 ouvriers emprisonnés. Ces pétitions sont signées par 181 ONG nationales et internationales. Les syndicats projettent des manifestations non-stop, au parc de la Liberté pour le dimanche 26 janvier, même sans accord de la municipalité. Quelques dizaines de personnes participent au meeting, mais l’entrée du parc leur est interdite par une cinquantaine de gardes armés. Plus d’une centaine de policiers anti-émeute sont prêts à intervenir. Après un face-à-face non violent d’une heure, des provocateurs, apparemment venus de la police, ont fait dégénérer le rassemblement non violent en un affrontement qui s’est soldé par 10 blessés (CD du 23.01.14).
* Le 21 janvier, plus de 500 Cambodgiens et Cambodgiens-Américains manifestent devant la Maison blanche à Washington.
* Le 21 janvier, onze défenseurs des droits de l’homme, dont Mme Tep Vanny et Rong Chhun, secrétaire du Syndicat libre, sont arrêtés par des gardes, alors qu’ils faisaient une marche pacifique pour porter des pétitions à diverses ambassades. Ils sont libérés le soir même (CD du 20.01.14).
* Le 7 février, un jeune de 17 ans, incarcéré pendant 18 jours à CC3, puis transféré à Kompomg Cham, car mineur, est libéré. Suite aux coups reçus, il demeure sourd de son oreille gauche et ne peut plus bouger le bras droit. Il a été arrêté parce qu’il prenait des photos. Il peut décrire par le menu les tortures auxquelles il a été soumis. Le même jour, un ouvrier de 27 ans est également libéré.
* Trois cents personnes, avec six syndicats, marchent sur le quai Sisowath pour porter des lettres aux ambassades et demander la libération des ouvriers incarcérés. Des syndicats de 22 pays écrivent également des lettres à l’ambassade cambodgienne de leur pays. Le lendemain, 16 prisonniers, sur les 21 autres, entament une grève de la faim.
* Le 11 février, la Cour d’appel refuse la remise en liberté provisoire des 21 ouvriers. Plus de 100 moines bouddhistes et des membres des familles protestent devant la Cour. Le moine But Buntenh menace de s’immoler par le feu. Leurs avocats veulent faire appel à la Cour Suprême, car aucun des accusés n’était présent lors de leur condamnation. ADHOC les considère comme des prisonniers politiques. En rétorsion, six syndicats demandent aux ouvriers de refuser de faire des heures supplémentaires entre le 24 et 28 février, et appellent à une grève générale à travers tout le pays pour la mi-mars pour demander également une augmentation de salaire. Ils donnent ainsi le temps au gouvernement de chercher des solutions. Ils invitent les membres du comité gouvernemental créé à cet effet, de participer à un forum public le 8 mars prochain afin d’éviter la grève comme dernier recours. Le ministère du Travail répond que la question a déjà été réglée en décembre avec l’augmentation des salaires à 100 dollars mensuels (CD du 13.02.14).
Spoliations et expulsions
On note la longue litanie de spoliations de terrains, parfois les mêmes cas, parfois de nouveaux :
* Le 13 janvier, une centaine de villageois de Thmâr Pouk (prov. de Battambang) arrêtent temporairement six ouvriers agricoles d’une société agro-industrielle qui commençaient des travaux sur 1 700 hectares où vivent 500 familles depuis 2000. Le mois dernier, la société a rasé ce terrain au bulldozer. Adhoc affirme que la société n’a pas indemnisé les villageois (CD du 15.01.14).
* Le 13 février, la police incendie 56 maisons construites, selon les autorités, en zone protégée, dans la province de Kratié, par des paysans venus récemment d’autres provinces. Environ 300 villageois, qui bloquent deux routes nationales, font face à 100 policiers armés. Les manifestants se retirent après une promesse de règlement (CD du 14.02.14).
* Les 15 et 16 février, 300 familles de Melou Prey, de Sangkèr, manifestent à Cheb (prov. de Préah Vihéar) contre la société chinoise Rui Feng qui a rasé leurs 500 hectares il y a trois ans pour y planter de la canne à sucre (CD du 17.01.14).
* Le 18 février, 40 villageois de Véal Veng, qui campaient depuis cinq jours dans la mairie de Pursat, sont expulsés par une soixantaine de policiers. Ils promettent de revenir. Leurs 60 maisons ont été brûlées la semaine précédente (CD du 19.02.14).
* Le 18 février, les autorités de O Chrou (Bantéay Méan Chhey) attribuent 100 hectares de terrains sur lesquels vivent 237 familles depuis 1999, à 71 familles expulsées d’un autre village (O Beichoan), dont les terres ont été attribuées en concession à la société Sou Chanthou (CD du 19.02.14).
* Les 5 et 6 février, plus de 140 villageois bloquent les voies d’accès de la société chinoise UDG à qui ont été attribués 45 000 hectares, pour 3,8 milliards de dollars, dans la province de Koh Kong, pour y construire des centres de loisirs. Ils demandent une juste compensation pour leurs 45 maisons qui ont été incendiées par la société. Les forces de l’ordre interviennent pour les déloger (CD du 07.02.14).
* Le 11 février, près de 100 villageois de la province de Kratié, représentant 1 500 familles, bloquent la nationale 7 pendant trois heures, pour protester contre une société coréenne qui a reçu 10 000 hectares en concession, en 2008. Or, ces familles cultivaient ces terres depuis 2000.
* Le 10 février, suite à une rencontre entre les ministres cambodgiens concernés, le représentant de l’Union européenne et les représentants de sociétés sucrières, le gouvernement accepte de rechercher une solution pour les centaines de familles de Koh Kong et de Kompong Speu expulsées de leurs terres données en concession. Le comité créé pour chercher une solution se réunira à nouveau de 5 mars. Même si une petite partie du sucre est exportée sans droits de douanes vers l’UE dans le cadre des accords « Tout sauf les armes », le Parlement européen a demandé une enquête. Cet accord est important pour le Cambodge (CD du 12.02.14).
Déforestation
* L’Administration des Forêts (AF) a opéré de nombreuses saisies de bois luxueux durant les deux derniers mois, mais aucune arrestation n’a suivi : le 15 février, 10 000 pièces de bois, d’un volume d’environ 1 000 m3 sont découvertes enterrées, dans une concession de la province de Stoeung Treng ; le 16 février, 200 pièces de bois sont saisies dans les provinces de Préah Vihéar ; le 16, à Mondolkiri, du bois est saisi chez un brigadier général, le général menace de porter plainte contre l’AF qui présente ses excuses… Le 19 février, 2 m3 sont saisis à Kampot, ils appartiennent au commandant local des FARC (Forces Armées Royales Cambodgiennes) qui envoie ses hommes délivrer le chauffeur de camion intercepté… (CD du 19.02.14).
Expulsions
* Les expulsés de Borey Keila du 3 janvier 2012 continuent de réclamer justice. 150 familles qui refusent de partir se sont installées sur des monceaux de détritus. Le 17 janvier, la municipalité de Phnom Penh se rend sur place et promet d’accorder une parcelle de 4×6 m. à chacune de ces familles. Mais les dimensions ont été réduites à 3×4 m. Ils refusent la proposition. Le 12 février, une trentaine d’entre eux occupent le bâtiment Nº9, inachevé, qui devait leur revenir, et qui a été vendu à on ne sait qui. Le 14 février, les forces de l’ordre les évacuent avec violence : 19 personnes sont blessées, deux doivent être hospitalisées, dont une femme enceinte de sept mois. « C’est le cadeau de la mairie pour la Saint-Valentin » (CD du 17.02.14).
* Le 23 janvier, le vice-gouverneur de Phnom Penh fait mesurer cinq lots pour les expulsés de Boeung Kâk. Quarante-huit familles continuent à réclamer leurs droits (CD du 24.01.14).
Armée
* Le 30 janvier 29 généraux sont promus généraux 4 étoiles. L’armée cambodgienne comprend 2 500 généraux. L’armée américaine en compte 1 500, dont seulement 36 à 4 étoiles (CD du 5.02.14).
* Le 7 février, Chine fait un don de 30 000 uniformes et 20 véhicules militaires aux FARC (CD du 08.02.14).
Liberté de la presse
* Le 2 janvier, Mâm Sonando, propriétaire de « La Ruche », la seule radio libre du Cambodge avait demandé au ministère de l’Information de disposer d’un canal pour une chaîne de télévision, et de disposer d’un matériel pouvant permettre à sa radio d’émettre dans les provinces. La réponse du 14 janvier est claire : il n’y a plus d’espace. Sonando annonce alors qu’il mènera une manifestation le 27 janvier au parc de la liberté contre cette interdiction. Les onze télévisions, les 34 radios de Phnom Penh et les 38 radios provinciales sont toutes considérées au service de la propagande l’Etat. Le 27 janvier, plusieurs centaines de policiers armés dispersent avec brutalité quelques centaines de manifestants : on déplore au moins dix blessés (CD du 28.01.14).
Justice
* Le 13 janvier, la Cour d’appel libère l’homme d’affaires russe Sergeï Polonsky, accusé d’avoir brutalisé des pêcheurs cambodgiens le 30 décembre dernier. Il est poursuivi dans son pays pour avoir détourné 176 millions dans des projets immobiliers frauduleux. Selon sa page Facebook, en novembre, un officier de police lui demandait un million de dollars pour l’autoriser à rester au Cambodge sans subir d’extradition demandée par son pays (CD du 14.01.14).
* Le 12 janvier, après enquête de l’Unité anti-corruption, le Tribunal provincial de Takéo met en examen une fonctionnaire local du ministère du Travail qui aurait détourné 313 750 dollars de 2006 à 2013 en ponctionnant le salaire de 18 enseignants et en accaparant des fonds destinés à la formation professionnelle (CD du 15.01.14).
Phnom Penh
* Suite à une plainte des petits vendeurs des marchés, le 17 février, le Premier ministre fustige les sociétés privées et fonctionnaires chargés de collecter les taxes journalières. Dès le 18, la municipalité de Phnom Penh y met de l’ordre (CD du 19.02.14).
* Le 2 février, la JICA (Agence Japonaise de Coopération Internationale) lance une ligne expérimentale de minibus climatisés sur le boulevard Monivong. En deux semaines, elle comptait 20 000 passagers, ce qui peut être considéré comme un succès. D’autres lignes sont prévues dans l’avenir. Une semblable tentative avait été menée en 2011 et abandonnée pour manque d’intérêt des Phnom Penhois (CD du 19.02.14).
* Le 14 février, pour la Saint-Valentin, 400 étudiants font don de leur sang en signe d’amour pour autrui (CD du 15.02.14).
* Le 2 février, 200 des 1 225 éboueurs de Phnom Penh se mettent en grève pour demander une augmentation de salaire et de meilleures conditions de travail. Leurs salaires sont compris 65 et 120 dollars par mois. Après négociations, la direction de la société Cintri accepte une augmentation entre 20 dollars et 25 %. Alors que les négociations se terminaient avec succès et sans violence, interviennent des policiers et militaires en armes pour débloquer les entrées du dépôt de véhicules… (CD du 06.02.14).
Religion
* Les reliques du Bouddha volées à Oudong et trois autres statues volées l’année dernière sont retrouvées chez leur voleur de Takéo. Il a eu le tort de commencer à mener grande vie, ce qui a alerté la police. Les reliques du Bouddha ont été temporairement déposées au Palais avant d’être replacées dans le stupa construit par le roi Sihanouk à Oudong, le 13 mai, lors de la grande fête bouddhique du Vissakh Bochéa (CD du 15.02.14).
Distinctions
* Le 17 janvier, Rithy Panh est choisi parmi les cinq finalistes pour le prix de l’Académie de Los Angeles pour son film « L’image manquante » (CD du 18.01.14). Le 26 janvier, deux cinéastes cambodgiens reçoivent les deux plus hauts prix du Trophée du Sud-Est asiatique de Penang (Malaisie) (CD du 27.01.14).
* Le 22 janvier, les athlètes cambodgiens reviennent des septièmes jeux paralympiques de Naypyidaw (Birmanie) avec neuf médailles, soit deux de plus qu’aux précédents jeux en Indonésie en 2011. Le coureur en chaise roulante a gagné, à lui seul, cinq médailles, dont trois en or (CD du 23.01.14).
Décès
* Le 5 février, Pascal Royère décède en France. Archéologue, il a recomposé patiemment avec succès le puzzle du Baphuon, dont la reconstruction a été achevée en 2011.