Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Tensions à Hongkong face à un afflux de visiteurs venus du continent chinois

Publié le 07/03/2014




Zhang Dejiang est l’un des sept membres du Comité permanent du Bureau politique du Parti communiste chinois. Au cœur de ce qui est l’instance suprême du pouvoir chinois, il suit plus particulièrement les affaires de Hongkong. Egalement président du Comité permanent …

de l’Assemblée nationale populaire, laquelle vient d’entrer en session, il a déclaré devant les députés, le 6 mars dernier, qu’il « comprenait » les frustrations des Hongkongais qui se sentent envahis par les touristes du continent et qu’il était « nécessaire » d’envisager des mesures pour en limiter l’afflux. Cette déclaration porte l’attention sur les tensions qui se sont fait jour à Hongkong depuis quelque temps, à l’heure où 49 villes du continent autorisent désormais à leurs citoyens de se rendre en visite à Hongkong sans permis préalable ni autorisation.

L’article ci-dessous a été écrit par un observateur attentif et bien informé des réalités sociales de Hongkong.

Le dimanche 16 février 2014, des bagarres ont eu lieu dans un quartier de la presqu’île de Kowloon, rue de Canton, entre des touristes venus du continent chinois et une centaine de manifestants hongkongais. La police est intervenue et a séparé les deux groupes. Il n’y a pas eu de victimes mais quatre ministres du gouvernement de la RAS (Région administrative spéciale de Hongkong) ont dénoncé l’attitude les manifestants, affirmant qu’ils humiliaient les touristes et ternissaient la réputation de Hongkong. Ces incidents n’étaient pas les premiers de ce genre. Par le passé, il y en a eu d’autres sans conséquences dramatiques mais qui témoignent d’un malaise persistant dans la société de Hongkong, à l’égard de la Chine continentale.

Les touristes du continent

Depuis 1997, les touristes du continent étrennent leurs nouveaux droits dans l’ancienne colonie britannique de Hongkong, devenue une région administrative de la République populaire de Chine. Avant cette date, il leur était très difficile de s’y rendre. Mais désormais, ils peuvent y passer une semaine entière et aller et venir librement dans les différentes parties de l’enclave. Souvent, avant leur voyage, ils ne savent pas quoi penser de Hongkong. Par la propagande, ils ont appris que les Chinois du lieu ont été exploités par les Anglais mais, par les témoignages des différents parents et amis, ils s’imaginent que c’est un pays de cocagne, celui de la surabondance. Certains envisagent, sans le dire, de s’y établir.

Ils se considèrent chez eux à Hongkong et s’y comportent avec insouciance, comme ils le feraient sur le continent, alors que les lois y sont beaucoup plus contraignantes : sécurité, hygiène, code de la route, discipline dans les transports en commun, etc. Ils se font mal voir des Hongkongais qui les considèrent comme des malappris.

Ils s’expriment en mandarin et trouvent étrange de trouver si peu de gens qui acceptent d’engager avec eux la conversation dans leur langue. De plus, peu de gens sont capables de leur répondre en mandarin. Sur le continent, on bavarde facilement avec des inconnus dans la vie courante et s’exprimer en un dialecte, tel le cantonnais, y est mal vu.

Comme le temps de leur séjour est limité, ils dépensent en peu de jours beaucoup d’argent, surtout dans les domaines du luxe, de la fantaisie et des loisirs. Les Hongkongais les accusent de faire monter le coût de la vie.

Les habitants de Hongkong

Leurs griefs contre les « continentaux » ne sont pas nouveaux mais ils augmentent au fil du temps. Les maternités, depuis déjà de nombreuses années, sont prises d’assaut par des femmes de Chine continentale qui viennent accoucher à Hongkong pour que leur enfant en ait la citoyenneté et puissent, à l’avenir, s’y installer. Les Hongkongaises ont protesté, affirmant qu’il n’y avait plus assez de lits disponibles pour mettre au monde leurs enfants. Le gouvernement de la RAS a considérablement augmenté le prix des accouchements pour les femmes du continent, mais cela ne les a pas découragées pour autant.

Plusieurs scandales ont jeté le discrédit sur le lait en poudre vendu sur le continent, la mort de plusieurs bébés ayant été déplorée (autant de drames pour les jeunes mères déjà stérilisées). De ce fait, un trafic de boîtes de lait en poudre s’est organisé depuis Hongkong et perdure toujours malgré les mesures prises pour le faire cesser : interdiction de faire passer plus de deux grandes boîtes par voyage. Ces dernières années et jusqu’à récemment, le lait en poudre était devenu une denrée rare à Hongkong, provoquant la colère des consommateurs de l’ancienne colonie.

La loi stipule que les enfants nés à Hongkong ont le droit d’y être scolarisés. Du coup, de nombreuses familles du continent se sont installées près de la frontière pour que leur enfant puisse fréquenter un jardin d’enfants de la RAS. La pédagogie y est bien meilleure, on y enseigne l’anglais mais les prix sont nettement plus élevés.

Résultat, les jardins d’enfants des Nouveaux Territoires (dans le nord de Hongkong) sont littéralement assiégés par des parents désireux de donner à leur enfant la meilleure éducation possible, ce dernier est contraint de passer chaque jour la frontière et de faire un long voyage pour aller en classe. Les parents des Nouveaux Territoires sont furieux qu’il n’y ait plus de place pour leurs enfants.

Les touristes du continent sont de plus en plus nombreux à Hongkong, ils envahissent tout avec, le plus souvent, un grand sans-gêne : Disneyland, Ocean Park, le Peak, etc. Les queues devant les guichets s’allongent toujours plus, laissant peu de chance aux habitants des lieux. D’après les statistiques, sur les 54 millions de visiteurs qui viennent chaque année se distraire dans la RAS, 80 % viennent du continent. C’est énorme pour un si petit territoire ! Et si la courbe continue de progresser au même rythme, il y aura, dans dix ans, 100 millions de visiteurs annuels à Hongkong. Il faudrait donc construire d’urgence de grands hôtels alors qu’il n’y a pas assez de logements pour les Hongkongais eux-mêmes.

Un parti politique de Hongkong, le People Power (人民力量), propose d’introduire une nouvelle taxe de 100 dollars Hongkong (10 euros) pour tous ceux qui arrivent à Hongkong par voie terrestre, c’est-à-dire pour les Chinois du continent qui arrivent via Shenzhen et les points d’entrée à la frontière entre la RAS de Hongkong et la province du Guangdong. L’objectif affiché est de réduire le nombre des « envahisseurs ».

En conclusion, comme on peut le voir, les motifs de mécontentement sont nombreux à Hongkong, isolé pendant plusieurs décennies du continent chinois. Les Hongkongais ont conscience d’être des privilégiés et n’ont aucune envie de renoncer à ces avantages au nom du patriotisme. La politique mise en place en 1997 : « Un pays, deux systèmes » présente de nombreuses lacunes. A l’heure actuelle, cent-cinquante « continentaux » viennent chaque jour s’installer définitivement à Hongkong. Ils s’y intègrent bien mais redoutent à leur tour que les touristes viennent jeter le trouble dans l’ancienne colonie. Pékin surveille attentivement la situation. Il a, jusqu’ici, assez bien géré les tensions et problèmes du territoire. Reste à voir si, à l’avenir, il continuera à le faire avec la même sagesse.