Eglises d'Asie

Chrétiens et musulmans s’unissent pour réclamer la liberté des condamnés à mort pour blasphème

Publié le 03/04/2014




Sous le nom de « Mercredi de Prière et de Jeûne », une manifestation pacifique a rassemblé des milliers de personnes mercredi 2 avril à Lahore et à Islamabad, en solidarité avec les victimes de la loi anti-blasphème.

Réunis dans une même démarche, des chrétiens et des musulmans ont demandé l’abolition de la Black Law (1), ainsi que la libération d’Asia Bibi et de Sawan Masih, deux chrétiens qui attendent toujours leur procès en appel dans le couloir de la mort.

Se sont unis à cette initiative de l’Eglise catholique au Pakistan de nombreuses organisations de la société civile, associations de défense des droits de l’homme et croyants de différentes religions. Dans une déclaration commune daté du 2 avril, la Masihi Foundation et l’organisation Life for All Pakistan ont affirmé : « La loi anti-blasphème est notoirement utilisée pour le règlement de vendettas personnelles ; cela doit cesser et c’est pourquoi nous demandons justice pour Asia Bibi et Sawan Masih. »

Le procès en appel de la chrétienne Asia Bibi, condamnée à mort par pendaison pour blasphème en 2010, devrait se tenir le 14 avril prochain. Mère de cinq enfants et âgée d’une quarantaine d’années, Asia Bibi avait été arrêtée en juin 2009 et accusée d’avoir offensé le nom de Mahomet (2), un crime puni de mort au Pakistan.

Quant à Sawan Masih, un jeune chrétien de 26 ans, il a été condamné à mort pour blasphème le 27 mars dernier, et son appel devant la Haute Cour est attendu pour le 25 juillet.

Accusé il y a un an par un musulman d’avoir insulté Mahomet, le chrétien s’était retrouvé emprisonné pour blasphème tandis que la communauté musulmane déferlait le 9 mars 2013 sur le quartier de la Joseph Colony de Lahore, en expédition punitive. Environ 3 000 musulmans en colère avaient dévasté le ghetto chrétien avant de mettre le feu à plus de 200 habitations, deux églises et une douzaine de commerces. La mise à sac et l’incendie de la Joseph Colony avaient duré des heures, sous les yeux des policiers, qui « n’avaient pas bougé », selon les victimes, dont plusieurs, frappées ou gravement brûlées, avaient dû être hospitalisées.

Hier, mercerdi 2 avril, le P. Asher Arshad, de l’archidiocèse de Lahore, a déclaré à l’agence AsiaNews que des « réponses encourageantes » leur avaient été adressées ces derniers jours par des groupes de la société civile qui avaient accepté de se joindre à la journée « jeûne et prière » en faveur d’Asia Bibi et de Sawan Masih, « persécutés tous deux en raison de leur religion ».

« En tant que musulman, rapporte Aqeel Mehadi, qui milite pour une ONG de défense des droits de l’homme, je suis écoeuré de ce qu’il se passe [au Pakistan ]. » Rappelant les principes fondateurs du Pakistan moderne par Ali Jinnah, qui avait fait inscrire dans la Constitution la liberté de religion, le jeune musulman explique qu’il a décidé pour cette raison de « venir prier et  jeûner en solidarité avec ses frères et soeurs chrétiens ».

« Il est navrant de voir ce qu’est devenu le Pakistan », déplore de son côté le P. John Barkat, également militant pour les droits de l’homme. « Malheureusement, une poignée de fanatiques a prôné l’intolérance et préparé le terrain à ce déchaînement de violence sectaire : le résultat, nous l’avons vu avec des incidents comme ceux qui ont eu lieu à Shanti Nagar, à Gojra ou à la Joseph Colony ! Alors, prions et jeûnons pour tous ceux qui sont persécutés au Pakistan ! »

Asia Bibi, devenue malgré elle le porte-étendard de toutes les victimes de la Black Law et de la persécution des minorités religieuses au Pakistan, devait voir sa cause entendue le 17 mars dernier par la Cour d’appel de Lahore. Mais l’audience avait été renvoyée en raison de l’absence de l’un des juges, un ajournement auquel les défenseurs de la chrétienne emprisonnée depuis quatre ans se sont malheureusement habitués.

Déjà très médiatisée, l’affaire Asia Bibi, renforcée par la récente condamnation de Sawan Masih, est plus que jamais relayée par la communauté chrétienne, un grand nombre d’ONG, d’organisations de défense des droits de l’homme, ainsi que par différents Etats et institutions internationales.

Ce 2 avril, la Commission des droits de l’homme du Pakistan a souligné une fois encore les similitudes entre l’affaire de Sawan Masih et celle d’Asia Bibi, rappelant que l’impunité avait été la même pour les auteurs des fausses accusations de blasphème. Par ailleurs, a également reproché l’ONG aux autorités locales, « alors que Sawan a été condamné un an après les soi-disant faits de blasphème, les auteurs de l’attaque de la Joseph Colony sont toujours impunis ».

On compte actuellement une quinzaine de personnes qui attendent l’exécution de leur sentence de mort ou la tenue d’un jugement d’appel, dans les geôles pakistanaises.

(eda/msb)