Eglises d'Asie – Pakistan
Renvoi du procès en appel d’Asia Bibi qui devait s’ouvrir aujourd’hui
Publié le 17/03/2014
… ont indiqué à l’agence Fides être « confiants quant au déroulement du procès et la libération » de leur cliente dont « l’innocence ne peut être remise en cause ». Selon eux, une nouvelle date d’audience devait être fixée « d’ici la fin du mois de mars ».
Selon certains observateurs, cet ajournement témoigne malheureusement de la tension qui s’est cristallisée autour du cas de la chrétienne condamnée à mort. Très médiatisée, l’affaire Asia Bibi est d’autant plus sensible que la communauté chrétienne, relayée par un grand nombre d’ONG et d’organisations de défense des droits de l’homme, ainsi que par différents Etats et des institutions internationales, en a fait le porte-drapeau de toutes les victimes de la loi anti-blasphème qui sévit au Pakistan (1).
Les pétitions se sont multipliées et le pape Benoît XVI lui-même avait demandé la libération de la chrétienne l’année dernière. Devenue malgré elle le symbole de la persécution des minorités religieuses au Pakistan et de la montée de l’extrémisme dans le pays, Asia Bibi n’avait pas pu, pour cette raison, bénéficier de mesures plus clémentes qui avaient été accordées à d’autres accusés, ni même obtenir la grâce présidentielle.
En 2011, le ministre fédéral des Minorités religieuses, Shahbaz Bhatti, de confession catholique, qui avait soutenu Asia Bibi et avait appelé à un amendement de la loi sur le blasphème, avait été assassiné par des hommes se revendiquant d’une mouvance islamiste. Peu auparavant, en 2010, le gouverneur du Pendjab, le musulman Salmaan Taseer, avait été abattu pour les mêmes raisons.
Ce matin, avant l’annonce de l’ajournement de l’audience, des tensions commençaient déjà à poindre à Lahore où des groupes islamistes avaient menacé de provoquer des émeutes si Asia Bibi était acquittée. Du côté des chrétiens et des défenseurs des droits de l’homme, des manifestations étaient prévues, si, au contraire, la Cour d’appel confirmait le jugement de première instance.
Depuis le week-end dernier, de nombreuses forces de police avaient été déployées autour du tribunal auquel Asia Bibi ne devait pourtant pas se rendre, afin d’éviter des incidents comme ceux qui avaient tragiquement interrompu plusieurs procès de chrétiens accusés de blasphème ou de leurs avocats, tués par les islamistes avant même l’annonce du verdict.
En 2010, un chef religieux musulman de Peshawar avait offert une récompense de 5 000 euros à qui assassinerait la chrétienne, une fatwa qui a toujours cours. Les menaces pesant sur Asia Bibi n’ont jamais cessé et, malgré les demandes des chrétiens pakistanais et des ONG de défense des droits de l’homme, aucune protection particulière ne lui a été attribuée. En 2009, la jeune femme témoignait auprès la Masihi Foundation, venue la voir en prison après le décès non élucidé d’un chrétien dans sa cellule : « Chaque minute qui passe pourrait être la dernière (…). Je suis entre les mains de Dieu et je ne sais pas ce qui pourra m’arriver. En prison, chacun peut s’autoproclamer juge et tueur. »
Lors de l’audience qui vient d’être ajournée, la cour devait réexaminer le jugement du tribunal de premier degré de Sheikhupura qui, en novembre 2010, avait condamné Asia Bibi à la mort par pendaison pour blasphème. La chrétienne âgée d’une quarantaine d’années avait été arrêtée en juin 2009 (2) et accusée d’avoir offensé le nom de Mahomet, crime puni de mort au Pakistan. Détenue depuis plus de quatre ans dans la prison féminine de Multan au Pendjab, dans des conditions extrêmement difficiles, la mère de famille était dans l’attente de cette audience, qui a déjà été renvoyée à plusieurs reprises.
Les porte-paroles de l’institution judiciaire ont d’ores et déjà prévenu que le verdict ne serait prononcé qu’après plusieurs audiences et à l’issue d’une délibération qui pourrait prendre plus de six mois, rapporte encore le Daily Times ce lundi 17 mars.
(eda/msb)