Eglises d'Asie – Chine
Mgr Savio Hon Tai-fai demande au gouvernement chinois d’autoriser Mgr Ma Daqin à célébrer les obsèques de Mgr Fan Zhongliang
Publié le 20/03/2014
… à libérer Mgr Ma Daqin, évêque auxiliaire de Shanghai, pour lui permettre de célébrer les obsèques du vieil évêque, décédé à l’âge de 96 ans.
A Shanghai, depuis que la nouvelle de la mort de Mgr Fan est connue, les catholiques se mobilisent. Le gouvernement a certes interdit le transfert de la dépouille de l’évêque dans la cathédrale du diocèse, mais un catafalque y a été déposé, au pied du maître autel, et des messes y sont célébrées en la mémoire de celui qui fut l’évêque « clandestin » de Shanghai.
Au funérarium où le corps de Mgr Fan repose dans un cercueil vitré, les autorités, face à la détermination de la communauté catholique, n’ont pu faire autrement que de laisser prêtres et fidèles se recueillir et célébrer des messes. Par petits groupes, le défilé des fidèles, accourus souvent de loin en-dehors de Shanghai, est continu aux heures d’ouverture du funérarium, soit de 9h à 17 h. Lundi et mardi, des prêtres « clandestins » y ont célébré la messe, l’un d’eux priant même ouvertement pour Mgr Ma Daqin.
Concernant l’organisation de la messe des funérailles, les informations recueillies par Eglises d’Asie indiquent que la cérémonie aura lieu samedi 22 mars à 10h du matin. Il semble que le P. Zhu Yude, vicaire général de la communauté « clandestine », présidera la cérémonie qui aura lieu au funérarium, une incertitude subsistant sur l’attitude qu’adopteront les autorités locales pour faire face à l’afflux d’une foule qui s’annonce nombreuse (1).
Les hommages se multiplient pour saluer la mémoire de Mgr Fan ; les cardinaux Zen Ze-kiun et Tong Hong, évêque émérite et évêque en titre de Hongkong, ont chacun adressé un message personnel à la communauté de Shanghai (le texte chinois est disponible sur le site Internet du Centre d’études du Saint Esprit du diocèse de Hongkong (2)). Un de ces hommages retient plus particulièrement l’attention ; il s’agit d’un texte de Mgr Savio Hon Tai-fai, secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, publié le mardi 18 mars, par AsiaNews, agence d’information basée à Rome qui diffuse en plusieurs langues, dont le chinois.
Originaire de Hongkong, seul Chinois en poste à la Curie romaine, Mgr Hon salue, dans ce texte destiné à être diffusé en Chine, la mémoire « d’un bon pasteur dans tous les sens du terme, qui a tout sacrifié pour ses brebis ». Citant un dicton chinois disant qu’il est « préférable d’être un jade brisé qu’une tuile intacte », il rend hommage à celui qui demeure « un symbole de la foi dans le Seigneur », modèle de « fidélité à sa vocation » et d’« allégeance au pape », fut-ce au prix de « nombreuses difficultés, y compris la prison ».
Mgr Hon, qui a enseigné dans les années 1990 au grand séminaire régional de Sheshan, dans la banlieue de Shanghai, se souvient aussi de l’attachement des fidèles et des prêtres à la figure de cet évêque qui a passé la quasi-totalité de ses soixante dernières années de vie en prison ou en résidence surveillée. Des épreuves qui n’ont « jamais entamé sa liberté intérieure », écrit Mgr Hon, en ajoutant que le témoignage de loyauté à la figure du pape et d’attachement à la liberté religieuse qu’il a donné aux catholiques de Shanghai et de Chine rendaient ceux-ci « déterminés à œuvrer pour le bien de leur pays et une plus grande humanisation de leur ville ».
« Aimer Dieu et aimer le pape n’empêche pas d’aimer son pays », insiste ce haut responsable du Saint-Siège, qui rappelle encore que Mgr Fan était en cela le fils spirituel du cardinal Gong Pinmei, son prédécesseur à la tête du diocèse de Shanghai.
Dans les deux avant-derniers paragraphes de son message, Mgr Hon s’adresse plus particulièrement aux catholiques de Shanghai et les conforte d’une manière toute particulière en les assurant que « le Seigneur n’a pas laissé l’Eglise à Shanghai sans guide ». Un regard extérieur pourrait en effet penser qu’après le décès de Mgr Fan ce dimanche et celui de Mgr Jin Luxian, évêque « officiel » du diocèse, il y a un an, le siège de Shanghai est vacant. Ceci sachant que Mgr Ma Daquin, ordonné en juillet 2012 au titre d’évêque auxiliaire, a été placé par les autorités chinoises en résidence surveillée au grand séminaire de Sheshan et ne peut pas exercer ouvertement son ministère (3).
Or, écrit Mgr Hon, si « extérieurement, il peut sembler qu’il y a une vacance [du siège épiscopal], en réalité la présence de Mgr Thaddée Ma Daqin assure la continuité ». Quelques mots plus loin, il le désigne comme étant « le pasteur de Shanghai » et insiste pour dire que « c’est une chose merveilleuse qu’il soit le successeur à la fois de Mgr Jin et de Mgr Fan ».
A n’en pas douter, Mgr Hon signe là, de manière discrète mais très réelle, le fait que Rome tient Mgr Ma pour l’évêque en titre de Shanghai (même si, canoniquement, son titre n’est que celui d’évêque auxiliaire). Sa mission est même précisée : « A travers lui, l’Eglise à Shanghai peut véritablement vivre une nouvelle ère de réconciliation [entre « clandestins » et « officiels »] », écrit Mgr Hon.
Pour conclure, le secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, dicastère romain qui a la responsabilité directe du suivi des affaires de l’Eglise en Chine, s’adresse aux autorités chinoises pour leur demander « de permettre à Mgr Ma de célébrer les funérailles de Mgr Fan ». « Ce serait là un geste de respect envers la liberté religieuse et à l’attention du grand ancien qu’a été Mgr Fan. De plus, la présence de Mgr Ma serait non seulement la garantie d’un déroulement digne de la cérémonie des obsèques, mais aussi l’occasion d’un témoignage de fraternité et d’harmonie entre les chrétiens – ce qui ne peut qu’être bénéfique pour la ville tout entière », conclut le prélat. Sur le compte Weibo de Mgr Ma, plusieurs commentaires ont été postés espérant que Mgr Ma serait présent pour la messe de funérailles samedi (4).
Outre le fond du message de Mgr Hon, particulièrement fort en ce qu’il appelle à la libération de Mgr Ma Daqin et conforte ce dernier dans son statut d’évêque de Shanghai, la forme peut surprendre. Quel poids accorder à cette parole diffusée via une agence de presse et non à travers, par exemple, une communication beaucoup plus formelle du Bureau de presse du Saint-Siège ?
En l’absence de relations établies de manière stable entre Pékin et Rome, des observateurs de longue date des affaires de l’Eglise en Chine rappellent qu’en matière de communication publique, le Saint-Siège a coutume de s’adresser aux autorités chinoises par des canaux médiatiques plutôt que diplomatiques. Ainsi, en octobre 2012, lorsque le préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples avait appelé à une refondation du dialogue entre la Chine et le Saint-Siège, estimant qu’il était temps d’établir « une commission permanente pour le dialogue » entre Pékin et Rome, il avait publié son appel en anglais et en chinois dans un article de Tripod, revue du Centre d’études du Saint-Esprit.
(eda/ra)