Eglises d'Asie

A Rome, le cardinal Sodano réitère la volonté du Saint-Siège de normaliser ses relations avec Pékin, pourvu que la liberté religieuse soit respectée

Publié le 18/03/2010




A Rome, le 25 octobre dernier, en réponse à des questions de journalistes lors de l’inauguration du Centre de conférence Matteo Ricci de l’université pontificale grégorienne (1), le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, a réaffirmé que le Saint-Siège était prêt à rompre les relations diplomatiques entretenues avec Taiwan, à fermer “dès ce soir” la représentation diplomatique qu’il entretient à Taipei et à la transférer à Pékin une fois que la Chine aura établi des relations diplomatiques avec le Vatican. La seule condition pour cela, a insisté le cardinal Sodano, est que la République populaire montre envers le Saint-Siège le même respect qu’elle accorde aux autres Etats et respecte la liberté de religion.

“J’ai dit, à de nombreuses reprises (2que si nous avons des contacts avec Pékin, le nonce, ou plus exactement le chargé d’affaires, qui est à Taiwan ira à Pékin – pas demain, mais dès ce soir a déclaré le cardinal Sodano, ajoutant : “Le Saint-Siège ne peut pas être moins bien traité que les autres Etats. Lorsqu’un Etat rompt ses relations avec Taiwan, les relations sont immédiatement établies avec Pékin. Alors pourquoi le Saint-Siège ne pourrait-il pas être représenté à Pékin, s’il rompt ses relations avec Taiwan ?”

A ce jour, Pékin a toujours insisté pour que le Saint-Siège rompe d’abord les relations diplomatiques avec Taiwan avant de se dire prêt à ouvrir des négociations au sujet de l’établissement de relations diplomatiques avec le Vatican. Une telle pré-condition n’a jamais été, semble-t-il, exigée des autres Etats qui ont été amenés à rompre avec Taipei pour nouer des liens diplomatiques avec Pékin et, lorsque le cardinal Sodano dit que le Saint-Siège ne peut pas être moins bien traité que les autres Etats, il fait sans doute référence à ce point. On peut aussi noter que le Saint-Siège n’a jamais rompu de sa propre initiative des relations diplomatiques avec un Etat avec lequel des ambassadeurs ont été échangés. Le transfert de la nonciature de Taipei à Pékin serait donc une première pour le Vatican.

Le Saint-Siège est un des vingt-cinq Etats à maintenir des relations diplomatiques avec Taiwan, les vingt-quatre autres nations étant principalement des Etats africains et latino-américains (3). Mais le cardinal Sodano a rappelé que “les relations avec Taiwan ne sont pas le problème” (qui empêcherait la Chine de nouer des liens avec le Vatican). Il a souligné que la représentation diplomatique du Saint-Siège en Chine avait, au siècle dernier, changé plusieurs fois de localisation. En 1922, un délégué du Vatican était envoyé à Pékin, puis, lorsque la hiérarchie de l’Eglise catholique en Chine fut établie, en 1946, la nonciature fut transférée à Nankin, alors siège du gouvernement de la République de Chine ; après la prise du pouvoir par les communistes en 1949, le nonce, Mgr Antonio Riberi, fut expulsé et s’installa à Hongkong, alors colonie britannique, le 6 septembre 1951, puis enfin à Taipei en 1952. Depuis 1971, la nonciature à Taipei n’est plus dirigée par un nonce en titre mais par un simple chargé d’affaires. “Si cela était possible, ainsi que nous l’espérons, la nonciature retournera là où elle a été installée à l’origine, à Pékin a indiqué le cardinal Sodano aux journalistes, soulignant que les papiers à en-tête de la nonciature n’avaient pas changé et portaient toujours la mention : “Nunciatura in Sinis” (‘Nonciature en Chine’).

A propos des échanges que le Vatican a eus ces derniers temps avec la Chine populaire, le cardinal Sodano a précisé qu’il y a bien eu “des conversations, des contacts mais qu’il était “excessif” de parler de “négociations”. L’agence d’information Ucanews signale, pour sa part, qu’au début du mois de juillet dernier, un haut responsable au Vatican avait estimé que la Chine devait entamer “des négociations directes” avec le Saint-Siège, si elle souhaitait réellement établir des relations diplomatiques, mais qu’“à ce jour, cela ne s’était pas produit”.

Au sujet des quatre évêques invités au Synode sur l’Eucharistie et qui ont été empêchés de venir à Rome faute d’autorisation de sortie du territoire chinois (4), le cardinal Sodano a dit à quel point leur absence avait été ressentie et il a ajouté : “Nous espérons que, bientôt, ainsi qu’ils l’ont écrit au pape, ils seront en mesure de prendre le chemin de Rome et venir nous donner une accolade fraternelle.” Pressé de préciser ce “bientôt le secrétaire d’Etat a répondu qu’il était vain d’essayer d’“entrer dans les plans de la Providence ajoutant seulement que “le Saint-Siège a toujours dit être prêt au dialogue, prêt pour des contacts et prêt à expliquer ses traditions”.

Sur le fond, a encore insisté le cardinal Sodano, “nous devons toujours insister sur ce concept : l’Eglise est une, dans le monde entier, dans toutes les cultures et dans toutes les nations, et les gouvernements n’ont pas le droit de dire aux hommes et aux femmes de quelle manière ils doivent vivre leur foi. Ceci relève du droit à la liberté religieuse de chaque être humain, ainsi que cela est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ceci est inscrit dans l’histoire même du peuple chinois, qui est lui aussi profondément attaché à la liberté. Et nous espérons que, bientôt, le soleil de la liberté se lèvera aussi sur ce grand pays”. Exprimant l’espoir que les “tensions présentes” entre la Chine et le Saint-Siège cessent bientôt, le cardinal a ajouté : “Nous avons toujours expliqué que le Saint-Siège porte une grande estime à l’histoire et à la culture du peuple chinois, au sein duquel de grands hommes et aussi de grands saints ont grandi. C’est pourquoi nous espérons que ces difficultés disparaîtront bientôt.”

Interrogé par la presse italienne au sujet des déclarations du cardinal Sodano, l’ambassadeur de Taiwan près le Saint-Siège, Tou Chou-seng, a estimé qu’il n’y avait là “rien de nouveau en comparaison avec ce que le cardinal avait dit lors d’une réception dans une ambassade à Rome en 1999. Quant au “ré-établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Pékin il faudra d’abord résoudre des problèmes, tels que ceux du respect des droits fondamentaux des citoyens chinois, de la liberté religieuse et de la nomination des évêques. “Ce ne sera pas le cas demain, ni après-demain a estimé l’ambassadeur de Taiwan.

A Pékin, le 27 octobre, en réponse aux questions de journalistes, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a déclaré que la Chine était animée du “désir sincère” d’améliorer les relations avec le Vatican et que ce dernier devait “concrétiser les mots par des actes”. Il a ensuite répété les conditions que Pékin pose à toute ouverture de dialogue : rupture des relations diplomatiques avec Taipei et non-ingérence dans les affaires intérieures de la Chine sous prétexte de religion. A propos de la liberté de religion, il a cité la Constitution qui la garantit et “chacun peut voir que de plus en plus de gens adhèrent à une religion et les lieux où les gens peuvent pratiquer le culte sont de plus en plus nombreux”.