Eglises d'Asie – Inde
Les ONG et les chrétiens dénoncent les violations des droits de l’homme au Manipur
Publié le 31/03/2014
…qui se commettent actuellement dans cet Etat « tribal » de l’extrême nord-est de l’Inde. Une situation grave que les membres de l’ONG étaient venus présenter également devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, lequel vient tout juste de clôturer sa session annuelle.
Le COE (Conseil œcuménique des Eglises ou WCC selon l’acronyme anglais), regroupement de plus de 350 dénominations chrétiennes essentiellement protestantes, anglicanes et orthodoxes, est l’un des rares organismes à faire régulièrement le point sur la situation au Manipur, petit Etat isolé de l’Inde du Nord-Est, situé à la frontière de la Birmanie.
Le rôle des Eglises chrétiennes est majeur dans cette région à forte composante aborigène, qui compte quelque 34 % de chrétiens, un pourcentage particulièrement élevé pour l’Inde. A sa dernière assemblée qui s’était tenue à Busan (Pusan) en Corée du Sud, le COE avait déjà mis à l’ordre du jour le conflit interminable qui oppose les différentes ethnies dans une opposition mêlant rébellion séparatiste et affrontements interethniques.
Le groupe de défense des droits de l’homme a expliqué que dans cette partie de l’Inde dite « sensible » et dont l’accès est pratiquement interdit aux étrangers, la loi militaire (Armed Forces Special Powers Act – AFSPA) permet à l’armée d’arrêter, d’emprisonner et d’exécuter sans procès toute personne considérée comme ayant « porté atteinte à l’intégrité de l’Etat ».
Selon Nobo Urikhimbam, secrétaire de l’UNMM, plus de 4 000 personnes depuis 2004 ont été tuées, et un plus grand nombre encore ont été jetées en prison et torturées par les Forces spéciales indiennes en vertu de l’application de cette loi. En raison de la recrudescence des troubles politiques, le nombre d’exécutions extrajudiciaires a considérablement augmenté ces derniers mois, a-t-il ajouté.
Le gouvernement s’est montré jusqu’à présent incapable de résoudre le conflit, a constaté le secrétaire, soulignant que, dans ces circonstances, il devenait nécessaire de demander une intervention des Nations Unies. Un rapport dans ce sens a été soumis au Rapporteur spécial de l’ONU chargé des exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires.
Sobita Mangsatabam, membre de l’UNMM, a souligné quant à elle la détresse des femmes du Manipur qui, dit-elle, sont les principales victimes du conflit. Le viol et l’exploitation sexuelle des femmes et filles des tribus aborigènes par les soldats et membres des forces de sécurité, sont devenus « de véritables armes de guerre », affirme la militante.
Seule une enquête impartiale et menée par les Nations Unies pourra permettre de présenter devant la justice les auteurs de ces graves violations des droits de l’homme, qui pour le moment commettent leurs crimes dans l’impunité la plus totale, conclut-elle.
Depuis des années, la région du Nord-Est de l’Inde, frontalière avec le Bangladesh, le Bhoutan, la Chine et la Birmanie, est considérée par les ONG et notamment Caritas India comme une plaque tournante du trafic d’êtres humains. « Les populations de cette région ont des traits physiques similaires à ceux des populations du Sud-Est asiatique et c’est pourquoi, il n’est pas rare que des jeunes femmes du Manipur se retrouvent sur les trottoirs de Bangkok », expliquait lors d’une récente rencontre entre les Caritas, l’un des responsables de l’ONG pour cette partie de l’Inde.
Les organisations chrétiennes sont nombreuses au Manipur à servir de relais pour le suivi de l’évolution de la situation vis-à-vis des instances internationales. Très investies dans le dialogue interreligieux et ethnique, les Eglises proposent également leur médiation dans le cadre des affrontements qui opposent régulièrement les communautés naga et kuki – d’origine tibéto-birmane et de religion majoritairement chrétienne –, aux Meithei, membres de l’ethnie principale de l’Etat, hindous dans leur presque totalité.
« Le Manipur est à feu et à sang, presque tous les jours, et depuis tellement d’années ! », déplore Madhu Chandra, secrétaire régional du All Christian Council pour le nord de l’Inde. Une constatation qui semble cependant n’avoir jamais altéré l’optimisme de Mgr Thomas Menamparampil, lequel a œuvré pendant des années dans la région avec ses équipes du Joint Peace Team of Northeast India, et compte à son actif bon nombre d’accords de paix entre tribus aborigènes et communautés religieuses.
Aujourd’hui responsable du Bureau pour l’évangélisation de la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie (FABC), le prélat, évêque émérite de Guwahati, continue de plaider aux côtés des ONG et organisations chrétiennes du Manipur pour l’abolition de l’AFSPA. « Ce qui fera la différence [à l’avenir], c’est que les mécanismes de la démocratie puissent fonctionner véritablement ; et cela inclut, avant tout, de respecter le droit des personnes », a-t-il réitéré.
(ead/msb)