Eglises d'Asie

Zhejiang : bras-de-fer entre les chrétiens et les autorités à propos d’un temple protestant « trop visible »

Publié le 07/04/2014




Depuis le vendredi 4 avril dernier, la tension monte dans une banlieue de la ville de Wenzhou, riche ville côtière de la province du Zhejiang. Les autorités menacent de détruire un temple protestant tout récemment construit. En réponse, les chrétiens se mobilisent, organisant une occupation jour et nuit …

… du bâtiment pour empêcher sa destruction et dénonçant ce qu’ils estiment être un « abus de pouvoir » du secrétaire général du Parti communiste de la province.

Selon ChinaAid, association basée aux Etats-Unis et militant pour la liberté religieuse en Chine, une campagne politique est actuellement en cours dans le Zhejiang, les responsables locaux du Parti communiste considérant que la croissance de la religion chrétienne y est trop forte. Région située au sud de Shanghai, le Zhejiang est réputé comme étant l’une des provinces les plus riches du pays, notamment du fait du dynamisme entrepreneurial de ses habitants, aux premiers rangs desquels figurent les habitants de Wenzhou, ville dont le pourcentage de chrétiens – catholiques et protestants confondus – dépasseraient les 15 %. Face à l’extension du christianisme dans la région, perçu par les autorités comme « intenable », une campagne a été lancée en février dernier et les permis de construire des églises catholiques et des temples protestants sont étudiés de près afin de décréter la démolition des édifices qui auraient enfreint les règlements en vigueur.

Selon les chrétiens locaux, les autorités viseraient en réalité les grandes croix qui surmontent généralement les édifices chrétiens, tout spécialement les croix rouges, illuminées la nuit, que les protestants placent au somment de leurs temples pour en signaler la présence. Six croix auraient ainsi été détruites à Hangzhou, la capitale provinciale, ainsi qu’à Zhoushan, île située dans la baie de Hangzhou. A Wenzhou, c’est le temple protestant de Sanjiang, bâti sur une colline située en face de la ville, qui est dans le collimateur des autorités. Lors d’une tournée en janvier dernier, le secrétaire provincial du Parti, Xia Baolong, aurait décrété que la croix surplombant l’édifice religieux était trop « ostentatoire » et visible depuis une importante autoroute passant en contrebas. Il a demandé sa destruction.

Selon les informations disponibles sur les réseaux sociaux chinois, les autorités de Wenzhou auraient commencé par demander que la croix soit enlevée et que les flèches qui surmontent les toits en pointe de l’édifice soient rabaissées. Les responsables du temple signifiant leur refus d’obtempérer, un ordre de démolition complet de l’édifice a été publié le 3 avril dernier et les caractères chinois « A démolir » « Construction illégale » peints en rouge sur la façade du temple.

La lettre des autorités municipales indique que l’édifice religieux est illégal et pose « un danger grave en matière de sécurité ». Il est précisé que le permis de construire ayant été accordé pour une superficie de 1 850 m² et la construction réelle couvrant près de 9 300 m², l’infraction est caractérisée.

Pour les chrétiens de la communauté de Sanjiang, ce ne sont là que des arguments de circonstance. Ils rappellent que l’an dernier, à l’achèvement de la construction du temple, la municipalité avait placé l’édifice au nombre des « réalisations modèles » de la ville. « D’après les discussions que nous avons eues, le point litigieux ne concerne pas l’édifice en lui-même, mais la croix qui le surmonte », explique sous le sceau de l’anonymat un leader local de la communauté. « Certains hauts responsables trouvent qu’il y a trop de croix sur trop d’églises, et les responsables de chacun des districts ont reçu l’ordre de faire abattre un certain nombre de croix, pas toutes mais les plus visibles d’entre elles sans doute », poursuit ce leader protestant.

Mais la communauté chrétienne locale ne veut rien entendre. De dimensions impressionnantes, l’édifice a été achevé l’an dernier. Il a coûté une vingtaine de millions de yuans (2,34 millions d’euros), une somme importante mais à la portée de croyants issus d’une région prospère. Et, ainsi que l’exprime Li Xile, 32 ans, qui pratique dans ce temple, « une église sans croix ne ressemble qu’à un hangar. Nous n’abattrons pas la croix. Elle est le symbole de l’amour ». D’autres fidèles mettent en avant le fait que le dépassement du permis de construire est une pratique courante dans le pays et que ce point technique est mis en avant de manière opportuniste. Ils ajoutent que l’ancien temple ne permettait d’accueillir que 1 800 croyants pour les services dominicaux et était largement insuffisant pour faire face à l’afflux des nouveaux convertis.

Dans l’immédiat, et devant la levée de bouclier des fidèles qui se relaient jour et nuit dans l’édifice, l’heure semble être à la temporisation. A un journaliste du New York Times, un fonctionnaire local explique qu’il n’est pas envisagé de recourir à la force pour détruire l’édifice mais qu’une solution négociée est recherchée.

La communauté qui anime l’église de Sanjiang est enregistrée auprès des autorités municipales locales et ne peut donc à ce titre être considérée comme une « Eglise domestique », du nom de ces rassemblements de chrétiens qui s’épanouissent hors de tout enregistrement auprès des autorités. Mais il semble, selon les sources disponibles, qu’elle n’appartienne pas au Mouvement des trois autonomies, cet organisme mis en place par les autorités chinoises pour enregistrer et contrôler les dénominations protestantes. Elle témoigne du dynamisme que rencontre le christianisme dans cette région du pays.

(eda/ra)