Eglises d'Asie

Les moines bouddhistes en guerre contre l’abattage du bétail par les musulmans

Publié le 28/05/2013




Abolir l’abattage rituel des bovins par les musulmans est la nouvelle bataille anti-halal menée par les bouddhistes sri-lankais. Cette nouvelle campagne antimusulmane dépasse largement le débat d’opinion : samedi 25 mai, un moine s’est immolé par le feu en signe de protestation, déclenchant une vague de manifestations du Sinhala Rawaya, coalition de groupes bouddhistes, …

… dimanche à Colombo. Ils ont menacé le gouvernement d’organiser d’autres manifestations de masse s’il n’interdisait pas officiellement l’abattage du bétail.

Samedi dernier décédait le Vénérable Bowatte Indraratna Thera, âgé de 30 ans, des suites de son auto-immolation le jour même en protestation à l’abattage du bétail par les musulmans et aux « conversions de bouddhistes aux autres religions ». Le moine s’est aspergé d’essence avant de s’enflammer comme une torche, devant l’entrée principale du Temple de la Dent (Tooth Dalada Maligawa), célèbre lieu de culte bouddhiste du pays, situé dans la ville de Kandy. Pour son auto-immolation, le moine avait choisi le jour du Vesak, la plus grande fête qui attire dans la ville sainte de nombreux pèlerins afin d’y célébrer la naissance du Bouddha.

Les groupes bouddhistes radicaux liés au pouvoir en place, tels le Bodu Bala Sena (BBS, Force bouddhiste) ou le Sinhala Ravaya, ont annoncé lors d’une manifestation à Colombo dimanche 26 mai dernier leur intention de poursuivre le mouvement de protestation et de l’étendre à tout le pays. Environ deux cents d’entre eux ont bloqué le trafic de la capitale sri-lankaise, afin de marquer leur mécontentement face au refus du gouvernement d’offrir des funérailles nationales à Bowatte Indraratna Thera.

« Nous allons envoyer une pétition au président et aux responsables des moines de tout le pays afin que soit promulguée immédiatement une loi contre l’abattage des bovins et les conversions forcées », a déclaré le Vénérable Akmeemana Dayaratne Thera, président du Sinhala Rawaya, cité par l’agence Ucanews ce 28 mai 2013.

Il a ajouté que le moine décédé avait l’année dernière lancé des campagnes de protestation contre le développement des minorités religieuses dans le pays, majoritairement bouddhiste. « Nous prévoyons de rassembler autour de cette cause tous les bouddhistes ainsi que toutes les organisations qui militent pour la protection des animaux afin que le sacrifice de ce moine ne demeure pas vain », a-t-il ajouté.

Les tensions entre les différentes minorités religieuses du pays se sont aggravées ces derniers mois, particulièrement avec la campagne anti-halal des moines visant à boycotter les commerces musulmans.
Une émeute provoquée par des groupes de bouddhistes extrémistes menés par des moines a notamment conduit, en mars dernier, à l’incendie et la destruction de magasins tenus par des musulmans dans la banlieue de Colombo, ainsi qu’à des heurts violents avec les forces de l’ordre.

Un analyste politique de l’Université de Colombo explique à Ucanews que les manifestations au sujet de l’abattage des bovins ont « moins à voir avec les pratiques bouddhiques qu’avec de la discrimination pure et simple » (1). « Quant à l’immolation de ce moine, il s’agit en réalité d’une protestation contre la minorité musulmane au Sri Lanka », déclare encore l’expert qui préfère garder l’anonymat.

« Les musulmans et les chrétiens représentent aujourd’hui environ 7 % de la population chacun. Le mouvement de protestation des bouddhistes contre les minorités religieuses a pris une ampleur soudaine depuis la parution d’un recensement qui a démontré que la croissance des musulmans était plus forte que celle des bouddhistes, lesquels forment aujourd’hui 70 % de la population » (2), analyse-t-il.

Le ministre de l’Administration publique, John Seneviratne, a déclaré lundi 27 mai qu’il soutenait ces appels à une interdiction de l’abattage des animaux mais qu’une telle loi serait difficile à faire appliquer.

Les médias locaux rapportent que le Vénérable Bowatte Indrararatna Thera avait déclaré, avant son auto-immolation, que son acte « n’était pas un suicide mais le sacrifice de sa vie » (3). « Nous n’avons pas de problèmes avec les grandes religions comme les catholiques, les chrétiens, les musulmans et les hindous, et nous croyons en la coexistence pacifique des religions, mais chacun doit respecter la Constitution [de ce pays] et laisser la place principale au bouddhisme », aurait-il également déclaré le moine peu avant son acte.
 

(eda/msb)