Eglises d'Asie

Les chrétiens dénoncent les attaques d’églises par des bouddhistes extrémistes

Publié le 31/01/2014




Plus de 2 000 chrétiens du Sri Lanka de toutes confessions ont défilé dans les rues de la capitale, Colombo, dimanche dernier, 26 janvier, afin de protester contre l’augmentation des attaques antichrétiennes et réclamer le droit à la liberté de religion. 

Brandissant banderoles, pancartes et photographies attestant des dernières et violentes attaques des bouddhistes extrémistes, toutes menées par des bonzes, dont celle du 12 janvier dernier contre trois lieux de culte chrétiens, les manifestant ont scandé des slogans rappelant à l’Etat de respecter sa Constitution, dans laquelle est inscrite la liberté religieuse.

Dimanche 12 janvier, un groupe de moines bouddhistes, à la tête d’une foule surexcitée, a attaqué les églises protestantes de la Calvary Free Church et de l’Assembly of God Church à Hikkaduwa, une ville de la côte méridionale de l’île, près de Galle. Au même moment, dans les environs de Colombo, le centre de prière de la Church of the Foursquare Gospel, à Pitipana, était incendié par des émeutiers, parmi lesquels se trouvaient de nombreux bonzes.

Selon l’organisation Release International dont des membres se trouvaient sur place, si le feu a pu être étouffé avant que tout le centre chrétien de Pitipana soit consumé, les deux églises d’Hikkaduwa ont subi de plus importantes dégradations ; le mobilier liturgique et tous les vitraux ont été entièrement cassés, avant d’être brûlés par les assaillants avec les bibles ainsi que tous les écrits trouvés dans le lieu de culte.

L’attaque des deux églises d’Hikkaduwa a été filmée, puis postée sur Youtube par la chaîne Derana TV : on y voit tout d’abord une foule de plusieurs centaines de personnes de l’organisation bouddhiste nationaliste Hela Podhu Powra, hommes, enfants et bonzes, arriver devant l’église (Assembly of God), défendue par trois policiers. L’attaque, lancée peu après, est d’une grande violence, et les manifestants, moines en tête, enfoncent rapidement les portes, malgré les policiers dont l’effectif a été renforcé entre temps, mais qui se replient prudemment. Comme cela a souvent été rapporté lors d’attaques similaires à l’encontre de minorités religieuses, les représentants des forces de l’ordre sont filmés regardant sans bouger les émeutiers frapper les fidèles et saccager les lieux avant de jeter au feu des débris de l’édifice et les objets du culte.

L’église de l’Assemblée de Dieu bénéficiait d’une « protection » policière lors de l’attaque du 12 janvier, à la suite de menaces qui avaient été proférées à l’encontre de son pasteur la veille. Le lieu de culte protestant avait déjà subit une attaque le 24 décembre dernier, en même temps que deux autres églises, situées elle aussi dans le sud de l’île, l’un des bastiosn du bouddhisme nationaliste.

Selon la National Christian Evangelical Alliance of Sri Lanka (NCEASL), le plus important regroupement protestant du pays, des centaines de villageois des environs d’Hikkaduwa et d’Angunukolapalassa, encadrés par des bonzes « tenant des discours haineux envers les chrétiens » s’étaient rassemblés devant les trois églises protestantes dans la journée du 24 décembre, exigeant l’arrêt du culte. Après avoir proféré des menaces, ils étaient revenus le soir même, lors de la veillée de Noël et avaient lancé des pierres et des cocktails Molotov sur de deux des lieux de culte ainsi que sur les maisons d’habitation des pasteurs. A Hikkaduwa, la Light House Church avait été attaquée peu avant minuit à coups de pierres, lesquelles avaient fait des dégâts matériels mais pas de blessés.

La NCEASL fait état en cette fin de janvier de nombreux incidents de même nature survenus ces six dernières semaines, sans compter les menaces, intimidations, agressions physiques contre des pasteurs ou des fidèles, et autres actes de vandalisme, qui sont « en progression constante», tout en bénéficiant d’une totale impunité.

Ainsi, rapporte encore l’organisation protestante, le 8 janvier, un groupe d’une cinquantaine de bouddhistes extrémistes menés par des bonzes a attaqué l’église de Dewuldeniya, à Mirigama (Mireegam), à quelques kilomètres de Colombo, faisant des blessés parmi les fidèles. Malgré la plainte déposée par le pasteur, l’incident n’a été suivi d’aucune enquête de police et aucun des agresseurs n’a été inquiété.

Alors que le gouvernement prévoit à nouveau d’introduire des lois anti-conversions et de sanctionner les publications qui « porteraient atteinte aux enseignements et aux traditions de la religion dominante [le bouddhisme, religion d’Etat. NDLR] », l’ambassade américaine au Sri Lanka a averti Colombo le 20 janvier dernier de « la grande préoccupation des Etats-Unis concernant la liberté religieuse » dans le pays et de « la nécessité de mettre fin aux attaques des lieux de culte».

Dimanche 26 janvier, l’évêque anglican Dhiloraj Canagasabey, parlant aux fidèles dans sa cathédrale du Christ Sauveur, à Colombo, a réaffirmé qu’il était du devoir du gouvernement d’assurer aux chrétiens, comme à toutes les communautés religieuses, « la liberté de pensée, de conscience, de religion et d’association comme le garantit la Constitution ».

« Dans un Etat de droit, il ne peut y avoir de tels discours de haine tenus à l’encontre des minorités religieuses, a-t-il ajouté. Les chrétiens affrontent de grandes difficultés pour éduquer leurs enfants en accord avec les principes de leur foi ; beaucoup d’entre eux sont contrains d’étudier le bouddhisme, ce qui représente une totale violation de leurs droits religieux. »

Dans un contexte où le puissant parti des bonzes, allié du parti au pouvoir, s’attaque depuis des mois à toutes les minorités religieuses (la campagne anti-musulmane de 2013 a précédé de peu la reprise des agressions contre les chrétiens) sans que les agressions ne soient jamais sanctionnés, le fait que 18 personnes aient été inculpées dans le cadre des attaques du 12 janvier est une grande première. Peu de temps après la mise en ligne de la vidéo diffusée sur Youtube par Derana TV, la police a en effet annoncé avoir identifié puis arrêté 24 suspects sur ordre d’un tribunal de Galle. Parmi ces derniers, 18 ont été inculpés, dont cinq bonzes : ils ont comparu devant la Cour le 27 janvier dernier.

Par ailleurs, pour la première fois, le Sri Lanka apparaît dans la liste noire de l’ONG Open Doors International pour l’année 2014, où sont désgnés les 50 pays où les chrétiens sont les plus persécutés. Selon les responsables de l’organisation, cette introduction du pays à la 29e place est due à l’émergence brutale depuis juillet 2012 d’un nationalisme bouddhiste d’une grande intolérance et particulièrement agressif envers les Eglises chrétiennes, qui ont subi cette année des centaines d’attaques.

(eda/msb)