Eglises d'Asie – Cambodge
POUR APPROFONDIR – Le point sur l’actualité politique et sociale du 20 février au 15 avril 2014 *
Publié le 15/04/2014
… le 18 avril ? – Les syndicats maintiendront-ils leur mot d’ordre de grève « à la maison », avant la réunion tripartite entre le patronat, le ministère du Travail et les syndicats, prévue les 24-25 avril ?
Cette revue de presse pourra vous aider à décrypter ces événements à venir.
Politique intérieure
Le bras de fer entre l’opposition (Parti du Salut National Cambodgien, PSNC) et le parti au pouvoir (Parti du Peuple Cambodgien, PPC) continue. Avec ses 55 députés, le PSNC boycotte l’Assemblée nationale qu’il a déclarée illégale. Il continue à contester les résultats des élections du 27 juillet dernier, et demande la réforme du CNE (Comité National des Elections), dont tous les membres ont tous été choisis par le PPC, l’examen des résultats électoraux, ou la tenue de nouvelles élections à mi-mandat de la nouvelle législature. Les deux leaders Hun Sen et Sam Rainsy ne se sont pas rencontrés depuis le mois de septembre dernier.
Un comité qui comprend six membres des deux partis a été créé pour étudier la réforme électorale. Plusieurs réunions n’aboutissent à aucun résultat concret, bien qu’une lueur d’espoir semblait poindre avant le Nouvel An khmer (14 avril).
* Le 3 mars, pour la première fois, se réunit le comité mixte, pendant quatre heures et demie. Sonn Chhay dirige la délégation du PSNC et Prum Sokha celle du PPC. Le PPC accepte « en principe » deux des sept propositions du PSNC : la réforme de l’enregistrement des électeurs et une nouvelle loi sur le financement des partis. La délégation du PPC doit demander l’aval des dirigeants du parti pour donner son accord sur les autres points (réforme du CNE, accès égal aux médias, neutralité du mécanisme de résolution des conflits électoraux, neutralité politique de l’armée et des services publics).
* Le 10 mars, la seconde réunion ne donne aucun résultat. Le PPC refuse que les membres du CNE ne soient élus à la majorité des deux tiers, ce qui assurerait leur neutralité. A l’issue de la réunion, Chéam Yeap, membre du PPC, propose que les candidats au poste de Premier ministre ne détiennent pas la double nationalité, pour éviter toute possibilité de trahison. Cette proposition, qui paraît assez légitime, vise Sam Rainsy, qui envisage d’abandonner sa nationalité française (CD du 11.03.14).
* Le 17 mars, lors de leur troisième rencontre, les deux partis se mettent d’accord sur une future discussion qui portera sur 14 points, mais le PPC refuse toujours la réforme du CNE et propose une loi qui assurerait la neutralité des organisations de la société civile et le travail des observateurs électoraux, pour la plupart très critiques à l’égard du gouvernement. En décembre dernier, douze groupes de la société civile ont créé une « Alliance pour la réforme électorale », et ont rédigé un rapport sur les dernières élections. En réponse aux accusations de parti-pris faites par le gouvernement, le président d’ADHOC répond que « lorsqu’on voit un éléphant s’efforcer de piétiner une souris, on ne peut rester silencieux » (CD du 19.03.14).
* Le 24 mars, la quatrième réunion échoue sur la réforme du CNE. Le PSNC accuse le PPC d’avoir créé ce comité à l’attention de l’opinion internationale, mais d’être bien décidé à trainer les pieds. C’est vrai que le PPC a tout à perdre, politiquement et financièrement, et pas grand chose à gagner de ces négociations, sinon une légitimité nationale et internationale (CD du 25.03.14).
* La réunion du 8 avril aboutit sur deux points : la neutralité du CNE et des élections anticipées. Alors que le PSNC proposait 2017 comme date des futures élections, soit presque à mi-mandat, le PPC demande que les élections soient simplement anticipées de quelques mois. Hun Sen donne à Sar Kheng, ministre de l’Intérieur, la charge de prendre contact avec Sam Rainsy pour régler les détails. Les deux hommes envisagent une rencontre au sommet entre Hun Sen et Sam Rainsy.
* Le 7 avril, le Premier ministre annonce qu’une solution au blocage politique pourrait être trouvée avant le Nouvel An (14 avril), car le PPC et le PSNC ont résolu presque tous les points de division. Selon le Premier ministre, la signature d’un accord est prévue devant le roi, le 11 avril prochain. Dans le même discours, il menace Sam Rainsy d’emprisonnement pour avoir insulté le roi.
* Le 9 avril, Sam Rainsy fait « une tentative » vers la signature de cet accord. Il a une conversation de 44 minutes avec le Premier ministre qui aurait abouti à un accord sur la réforme du CNE. Reste un point à résoudre : la date des futures élections. Le PPC accepterait d’avancer la date des élections. « Après le Nouvel An, les deux partis travailleront ensemble à l’Assemblée nationale », déclare Rainsy.
* Cependant, le 10 avril, Sam Rainsy déclare que les deux partis ne se sont pas mis d’accord sur la date des élections : le PPC voudrait janvier 2018, le PSNC juillet 2017. Hun Sen déclare qu’il faut l’accord de Kem Sokha, qui est aux Etats-Unis et qui rentre le 11 avril pour signer l’accord devant le roi. « Si l’accord n’est pas signé, ce n’est pas la faute de Hun Sen ni du PPC, ce n’est pas la faute de Sam Rainsy ni de son parti, c’est la faute de son Excellence Kem Sokha », déclare le Premier ministre. Le PSNC dément immédiatement, et voit dans ces propos une manœuvre trop connue du Premier ministre pour diviser l’opposition. Le Premier ministre diffuse des extraits de sa conversation avec Sam Rainsy, durant laquelle il lui donne de « Son Excellence ». Ce même 10 avril, Sam Rainsy annonce le boycott des onze sénateurs de son Parti, à la session plénière du Sénat, le 11 avril, pour protester contre le manque de progrès dans les discussions pour débloquer le situation politique (CD du 11.04.14).
Mainmise totale du pouvoir
Toute manifestation de l’opposition, même regroupant moins de dix personnes, (autorisée par la Constitution), est interdite. Le 25 février, pourtant, dans un discours, le Premier ministre rétablit le droit constitutionnel de liberté de réunion, et demande aux partisans du PPC de contrer les manifestations de l’opposition (CD du 26.02.14). Cependant, l’administration, la police et l’armée interdisent le moindre rassemblement :
* Le 20 février un partisan du PSNC est battu et détenu pendant une demi-heure, huit autres pourchassés par cinquante policiers anti-émeute pour avoir voulu célébrer la journée mondiale de la justice sociale (CD du 21.02.14).
* Le 20 février, un meeting du PSNC de plus de 1 000 personnes, est interrompu par l’armée qui diffuse de la musique à plein haut-parleur. Le PSNC menace de cesser toute négociation (CD du 21.02.14).
* Le 22 février, deux femmes et cinq hommes vêtus de blanc qui voulaient faire une marche de la Paix pour demander la justice sociale, sont arrêtés, puis relâchés après une « éducation ». Le 23 février, trois groupes organisent cependant des danses pour promouvoir la paix (CD du 24.02.14).
* Le 5 mars, trois manifestantes de Boeung Kâk sont arrêtées. La municipalité rejette les demandes des syndicats qui désiraient organiser un forum public sur les salaires le 8 mars. Les étudiantes de Panya Chet University, se voient refuser l’organisation d’une réunion sur les droits de la femme, prévue pour le 7 mars.
* Le 31 mars, les forces de sécurité battent deux manifestants et en arrêtent un autre : ils demandaient l’octroi d’une licence TV que Mâm Sonando réclame sans succès depuis 2005. Mâm Sonando, absent, est arrivé une heure après la manifestation. Alors que Mâm Sonando se voit refuser une fréquence radio et la création d’une télévision libre, par manque de canaux disponibles, le 26 janvier, le ministre de l’Information divise la télévision officielle TVK en trois chaînes différentes. Depuis 2011, le gouvernement a accordé au moins trois licences de création de chaînes TV à des hommes d’affaires cambodgiens. ADHOC condamne le gouvernement dans son refus entêté : « Une presse libre et indépendance est vitale pour la démocratie », affirme son communiqué (CD du 1er avril 2014).
* Ce même 31 mars, les autorités de Kompong Cham bloquent une manifestation de plusieurs centaines de personnes qui manifestaient contre la construction du barrage de Don Sahonm à 1,5 km de la frontière cambodgienne, parce qu’ils n’ont pas demandé l’autorisation au ministère de l’Intérieur (CD du 1er avril 2014).
* Les 1er, 2, 3 et 4 avril la députée PSNC Mo Sochua et quelques jeunes gens qui voulaient passer un film sur la fondation Chéa Vichéa, assassiné en 2004, sont évacués manu militari de la place de la Liberté de Phnom Penh. Le lendemain, elle y retourne avec quelques photographes qui la prennent en photo devant plus de 100 soldats anti-émeute qui font des exercices dans le parc. Elle est rapidement entourée par des gens de la milice de la mairie de Phnom Penh. Elle demande quelle loi elle a enfreinte pour être ainsi expulsée. Le porte-parole du ministère de l’Intérieur répond qu’elle n’a violé aucune loi, mais qu’elle « ne plaît pas aux membres de la milice » (CD du 03.04.14).
* A l’échelon des villages, certains chefs de villages PPC deviennent de plus en plus partisans et excluent les villageois qui n’ont pas voté pour le Parti : « Les poussins ne peuvent pas se mélanger aux petits canards », disent-ils. Comme jadis pour l’Angkar khmère rouge, seuls les membres du PPC constituent « le Peuple ».
* Le forum social du 8 mars, interdit par la municipalité et le ministère de l’Intérieur, ne rassemble que 300 à 400 personnes, en dépit d’une importante présence des forces de sécurité. « Le parc de la liberté est devenu le champ de bataille qui appartient aux hommes du pouvoir », constate un responsable syndical (CD du 10.03.14).
* Le 26 mars, Sam Rainsy de retour d’un de ses multiples voyages à l’étranger, propose la tenue d’un forum populaire le 30 mars, après la cérémonie commémorative de l’attaque du 30 mars 1997 qui avait fait 16 morts et plus de 110 blessés. Le Premier ministre exhorte l’opposition à la patience, patience qui, toutefois, peut avoir des limites. La cérémonie commémorative est autorisée, mais non le forum populaire. Le 30 mars, environ 1 000 supporters du PSNC se réunissent autour du stupa commémoratif du massacre de 1997 (qu’ils continuent à attribuer à Hun Sen), puis marchent sans encombre jusqu’au siège du Parti. Trois pages de « Résolution du deuxième congrès du Peuple » demandent le maintien du boycott de l’Assemblée nationale par les députés PSNC, la libération des « prisonniers de conscience », et l’augmentation du salaire minimum à 160 dollars (CD du 31.03.14).
* Sam Rainsy annonce la participation du PSNC aux marches du 1er mai, ainsi que des manifestations quotidiennes, tant à Phnom Penh que dans les provinces, du 2 au 17 mai, dans le cadre de la préparation des élections des conseillers municipaux. Le ministère de l’Intérieur refuse, car une campagne électorale et des manifestions sont des choses différentes (CD du 1er avril 2014).
Le roi
* L’Assemblée nationale commence sa deuxième session le 1er avril, après trois mois d’interruption. Le roi Sihamoni écrit une lettre aux membres de l’Assemblée « qui représente l’ensemble du peuple khmer ». Le lendemain, Sam Rainsy lui écrit son désaccord : en tant que président du PSNC, il représente au moins trois millions de personnes, or à l’Assemblée, il n’y a que les membres du PPC. Cette assemblée est donc illégitime. Il note qu’en 2003, son père, le roi Sihanouk, avait refusé de présider l’Assemblée nationale, car elle était incapable d’élire un président, en l’absence des 24 députés du Parti de Sam Rainsy et ceux du FUNCINPEC. Le Conseil des ministres « regrette et condamne fermement les propos de Sam Rainsy » et parle d’une tentative de « coup d’Etat constitutionnel ». Le député « viole la dignité et la réputation du roi » et demande que soient prises des « mesures fermes à son égard ». L’armée, de nombreux ministères et des gouverneurs de province font des déclarations dans le même sens. Le chef de cabinet du roi, pour sa part, fait remarquer que la lettre de Rainsy n’était pas correcte, certes, mais n’insultait pas le roi.
Politique extérieure
* Le 27 mars, le ministère du Travail estime que le Cambodge n’est pas prêt à rejoindre la Communauté économique de l’ASEAN, dont la mise en place est prévue pour 2015 : comment mettre ensemble un pays comme Singapour qui est au 3ème rang du PIB mondial par habitant, la Thaïlande au 92ème, et le Cambodge, le Laos qui sont au 147ème et 141ème rang ? On risque de voir un exode massif des travailleurs cambodgiens peu payés (il y a en a déjà 600 000 dans les pays de l’ASEAN), et l’afflux de personnel qualifié au Cambodge qui n’a pas les moyens de leur verser des salaires élevés (CD du 29.03.14).
* L’absence de personnel qualifié est souvent avancée comme obstacle au développement du pays, avant l’instabilité sociale. Une grande partie des enfants suivent l’école primaire. 27 % suivent le second cycle du secondaire. Le nombre des universités a explosé, mais la valeur des diplômes a diminué. 4 % des étudiants d’université étudient l’agriculture ou l’économie agricole. Par contre, un très grand nombre suivent une formation en management et en finances, et ne peuvent donc pas trouver d’emploi. 2,5 % terminent leurs études comme ingénieur, mais selon le directeur de Total Cambodge, leur niveau est « terriblement insuffisant. Ils sont improductifs pendant les deux premières années » (CD du 28.02.14).
* Le 22 février, la ministre australienne des Affaires étrangères rencontre le Premier ministre cambodgien pour demander à ce que le Cambodge accepte sur son sol des demandeurs d’asile en Australie. On se souvient de l’expulsion des vingt réfugiés ouïghours expulsés du Cambodge vers le Chine en décembre 2009, des centaines de Montagnards vietnamiens refoulés au Vietnam. D’après le ministre australien de l’Immigration, le Cambodge pourrait accueillir soixante réfugiés par mois (CD du 11.04.14).
* Durant les deux derniers mois, on signale de nombreux cas de jeunes femmes à qui on a fait miroiter un mariage avec un riche Chinois, et qui, parties en Chine clandestinement, y subissent de très mauvais traitements. Plusieurs trafiquants sont arrêtés. Il faut savoir qu’avec la politique de l’enfant unique, et souvent la suppression des bébés-filles, la Chine a un déficit de 8 millions de femmes (CD du 21.02.14).
Chambres spéciales pour juger les ex-responsables Khmers rouges (CEEC)
* Treize projets concernant, entre autres, la construction de six mémorials à travers le pays, la formation de groupes d’entraide, d’expositions et de composition de livres d’enseignement sont lancés. La Suisse et le gouvernement allemand ont déjà financé ces projets à hauteur de 693 000 dollars, mais il faudrait 1,6 million supplémentaires (CD du 26.02.14).
* Le 6 mars, Ieng Thirith, 82 ans, est autorisée à se rendre en Thaïlande pour se faire soigner après de multiples petites attaques cérébrales (CD du 12.03.14).
* Le 16 mars, à Malay, Melle Sar Patchana, fille de Pol Pot, diplômée d’un master en anglais obtenu en Malaisie, se marie avec un étudiant cambodgien connu durant ces études (CD du 12.03.14).
* Le 19 mars, le groupe des pays donateurs des CEEC acceptent le budget des années 2014-2015 qui s’élève à 31,6 millions de dollars pour 2014 et 28,9 millions pour 2015. Le budget de la partie nationale s’élève à 6 millions. Le nombre des employés khmers est passé de 269 en 2013 à 168 cette année (CD du 20.03.14).
* Un groupe d’organisations de défense des droits de l’homme et des personnes privées portent plainte contre la Premier ministre Hun Sen devant le Tribunal international de La Haye pour génocide, crimes contre l’humanité et autres violations des droits de l’Homme. Ces groupes ont établi un rapport de trente pages. Entre 2012 et 2013, 597 plaintes de ce type ont été déposées, dont 503 sont hors de la juridiction du tribunal, et les autres demanderaient un examen plus approfondi. Cette plainte n’a guère de chances d’être suivie d’effets (CD du 21 .03.14).
Economie
* En 2013, 195 sociétés japonaises, spécialement en produits textiles, se sont installées au Cambodge (19 en 2010). Ces sociétés respectent les lois cambodgiennes et donnent une formation aux ouvriers. Mais les grèves dans les entreprises voisines perturbent parfois leurs employés (CD du 28.02.14).
* Contrairement aux affirmations précédentes du Premier ministre, sur les 1,2 million d’hectares accordés en concession, seulement 135 000 hectares ont été plantés en hévéas, dont la moitié sont saignés. En 2013, 74 200 tonnes de caoutchouc sec ont été exportées, et rapporté 170 millions de dollars. On prévoit un million de tonnes en 2020, ce qui rapporterait 3 milliards de dollars. Selon Ly Phalla, « le Tsar du caoutchouc », la majorité des 1,2 million d’hectares attribués en concession ne sont pas développés, les sociétés ont coupé le bois ou ont vendu le terrain à d’autres. Selon Licadho, 700 000 personnes ont été dépossédées de leurs terres par l’attribution de ces concessions (CD du 07.03.14).
* Le 5 mars, à Phnom Penh, le ministre cambodgien du Commerce s’entretient avec l’ambassadeur de l’Union Européenne pour trouver une solution aux 3 500 familles expulsées par l’octroi de concessions pour y faire des plantations de cannes à sucre, dont le produit vendu en Europe, est exonéré de droits de douanes. A Bruxelles, du 6 au 10 mars, l’UE et une délégation cambodgienne tiennent des discussions qualifiées de « franches et profondes », qui abordent tous les sujets de mécontentement. Cependant, l’UE ne suspend pas l’exonération des droits de douanes pour les produits cambodgiens, et ne prévoit pas de lancer une enquête sur les violations des droits de l’homme dans les plantations de cannes à sucre. Son représentant à Phnom Penh préfère convaincre progressivement les autorités de Phnom Penh. Surya Subédi, envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies, déclare, pour sa part, que toutes les études ont déjà été faites… Une délégation européenne se rend au Cambodge à la fin du mois de mars. Sam Rainsy et Kem Sokha la rencontre le 26 mars lors d’une réunion de travail (CD du 27.03.14).
L’UE est le donateur d’aides le plus important, avec 210 millions accordés en 2012, et a importé pour 3,3 milliards de dollars de produits cambodgiens en 2013 (vêtements, bicyclettes, riz, puis articles de sport, chaussures), dont 65 000 tonnes de sucre (qui représentent 53 millions). Le 24 mars, l’UE met sa menace à exécution et interdit l’importation de poissons cambodgiens. C’est une mesure symbolique, car l’UE en importe très peu (CD du 24.03.14). Une nouvelle réglementation de l’UE stipule que désormais 30 % des produits exportés doivent provenir de sources locales (CD du 26.03.14).
* En revanche, en novembre dernier, Coca Cola s’est lancé dans un audit, très encadré par l’administration cambodgienne, « par mesure de sécurité ». Pepsico, rival de Coca Cola, décide de faire de même (CD du 19.03.14).
* Le Cambodge a exporté des bicyclettes pour 357 millions de dollars en 2013 (268 millions en 2012).
* Le 2 avril, pour la première fois, la société Mong Rethy a exporté 20 tonnes de mangues en Chine. Il prévoit des exportations ultérieures à Singapour, en Corée du Sud, au Vietnam et en Thaïlande (CD du 03.04.14).
Société
Mouvements sociaux
* Le 19 février, Hun Sen nomme les chefs de la police nationale, de la police militaire et de l’armée à la tête d’un Comité gouvernemental de 49 membres chargé de résoudre les grèves et toutes les manifestations. Hun Manet, fils de Hun Sen, chef du département du Contre-Terrorisme, ainsi que Chum Monthol, secrétaire général d’un syndicat affilié au gouvernement et membre de l’administration, en font partie. Le syndicat patronal approuve la création de ce comité comme un signe positif de la part du gouvernement (CD du 21.02.14).
* A partir du 25 février, 18 syndicats et associations demandent de faire la grève des heures supplémentaires (de fait obligatoires), pour réclamer un salaire mensuel minimum de 160 dollars, ainsi que la libération des 21 ouvriers détenus après les manifestations des 2 et 3 janvier dernier. Environ 25 % des usines, selon les syndicats, très peu selon le patronat, suivent ces mots d’ordre. Les ouvrières du textile travaillent en général 60 heures par semaine (CD du 25.02.14). L’armée est déployée devant plusieurs usines pour intimider les ouvrières, leur demander pourquoi elles sortent trop tôt.
* Le 26 février, le ministère du Travail refuse d’enregistrer dix branches syndicales du FTU, jusqu’à l’approbation d’une loi sur les syndicats. Selon les nouvelles directives gouvernementales, les responsables de syndicats devront désormais avoir un casier judiciaire vierge (CD du 07.03.14).
* Le 27 février, dans deux usines différentes, plus de 100 ouvrières d’une usine de chaussures s’évanouissent, pour avoir inhalé des fumées toxiques émanant de batteries, ou des vapeurs de colle. On accuse également les mauvaises conditions de travail et les salaires trop bas qui empêchent une nourriture suffisante (CD du 28.02.14). Le 2 avril, 61 ouvrières, puis le 3 avril, 128 autres s’évanouissent dans la même usine (CD du 04.04.14).
* Huit syndicats décident de lancer une grève de type « à la maison » pour le 12 mars. Finalement simplement deux syndicats maintiennent ce mot d’ordre. Les autres pensent conduire cette grève après les vacances du Nouvel An (13-17 avril), en demandant à leurs membres de prendre cinq jours annuels de congés du 18 au 23 avril, pour donner au gouvernement des chances de trouver une solution à leurs demandes : libération des vingt et un ouvriers emprisonnés (deux, dont un mineur, ont été relâchés), augmentation des salaires à 160 dollars. Seuls deux petits syndicats maintiennent leur grève qui est donc peu suivie (CD du 12.03.14). Les huit syndicats écrivent une lettre au patronat pour les avertir que les ouvriers prendront sur leurs 18 jours de vacances annuelles pour s’absenter les 18-22 avril. Le patronat répond que les syndicats n’ont pas à fixer la date des vacances des employés (CD du 02.04.14).
* La police et l’administration continuent à menacer les ouvriers qui distribuent de tracts appelant au boycott du travail les 17-22 avril. Les syndicalistes utilisent donc Facebook, les réseaux sociaux et les différentes radios étrangères (Radio Free Asia, VOD : Voice of Democracy) (CD du 10.04.14). Le patronat fait savoir que rester chez soi ne sera pas considéré comme une grève, mais comme une absence, donc ces jours ne seront pas payés, et les employés risquent le licenciement. Certaines usines donnent congé à leurs employés.
* Un projet de loi du travail est en préparation. Il restreint sérieusement les libertés syndicales. Le 14 mars, un groupe de trente sociétés de grandes marques qui achètent les vêtements cambodgiens demandent à ce que cette nouvelle loi soit en accord avec les conventions 87 et 88 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui stipulent l’autorisation d’organiser des discussions collectives.
* Le 3 mars, deux syndicalistes portent plainte, signée par vingt-neuf autres ouvriers, contre les deux responsables du principal syndicat (Coalition des travailleurs cambodgiens du vêtement) pour malversation lors du versement d’indemnités en 2007-2008. On peut y soupçonner la main des autorités pour décrédibiliser le mouvement syndical (CD du 17.03.14).
* Le 26 février, le ministre de l’Intérieur Sar Kheng justifie le maintien des salaires de fonctionnaires au niveau actuel : une augmentation précipiterait la montée des prix, par une augmentation des taxes et droits de douanes. Il donne cependant une récompense de 17,44 dollars, soit un total de 54 777 dollars aux forces de l’ordre qui ont réprimé les grèves et mouvements populaires en décembre-janvier derniers (CD du 08.03.14).
* Le 17 mars, pour la première fois, l’OIT révèle le nom de soixante et une entreprises qui respectent le moins le droit du travail, de trente autres qui ne satisfont pas à toutes les règles. Elle stigmatise sept syndicats qui n’ont pas suivi les procédures légales avant d’entreprendre des grèves (CD du 18.03.14).
* Le 17 mars, dans l’usine textile de Kompong Speu dont le plafond s’était écroulé, il y a dix mois, en tuant deux ouvrières et en en blessant onze autres, 7 000 ouvriers manifestent pour demander l’augmentation de leur bonus et l’observation des lois du travail. Le 18 mars, plusieurs milliers d’entre elles bloquent la route d’accès à leur usine pendant deux heures pour demander l’augmentation de 10 à 15 dollars de leur bonus, l’application du code du travail, le remplacement des gardes masculins des logements des ouvrières par des gardes femmes, etc. « Nous n’avons plus d’autre choix », disent les employées. La société menace de fermer l’usine. Après une semaine, un accord temporaire est décidé (CD du 25.03.14).
* Le 30 mars, une vingtaine d’employés saisissent les machines à coudre de leur petite entreprise comme caution pour se rembourser des salaires impayés depuis un mois (CD du 1er avril 2014).
* Le 8 avril, environ 200 employés des cimenteries de Kampot se mettent en grève pour demander de meilleurs salaires, de ne plus travailler les jours de fête, ainsi que la réembauche d’un syndicaliste licencié. Ils obtiennent gain de cause (CD du 09.04.14).
* Le 8 avril, Ath Thorn, secrétaire général du principal syndicat des ouvriers du textile, est convoqué devant la Cour municipale de Justice, accusé d’incitation à la violence lors d’une grève le 12 novembre, durant laquelle une femme a été tuée (CD du 9.04.14).
* Sous la pression des grandes marques qui achètent les produits cambodgiens, les syndicats, le ministère du Travail et l’OIT fixent un séminaire de travail les 24-25 avril pour envisager un processus de réformes des salaires, avec la présence tripartite du gouvernement, du patronat et des syndicats.
Conflits fonciers
Selon LICADHO, les conflits fonciers n’ont fait qu’augmenter depuis les dernières élections, en dépit des déclarations de gel d’octroi de concessions par le gouvernement et malgré l’octroi de titres de propriété (450 000 nouveaux titres). De janvier à mars, 2 200 nouvelles familles ont été expropriées, dans treize provinces (618 durant la même période l’an dernier). Ces confits portent à 500 000 le nombre de Cambodgiens affectés par les concessions depuis 2000, ce qui est « une honteuse performance ». Deux jours plus tard, le ministre de l’Aménagement du territoire donne une conférence de presse au cours de laquelle il dément de tels chiffres : il n’y a que 0,3 ou 0,4 % de conflits lors de la distribution de 300 000 de titres de propriété, ce qui fait 12 000 disputes seulement (CD du 04.04.14).
* Le 19 mars, ADHOC porte à nouveau plainte pour 105 affaires en cours depuis des années, et qui concernent 11 000 familles, sur un ensemble de 26 000 hectares, dans 17 provinces. Cela va des 36 000 hectares accordés à la société chinoise UDG dans la province de Koh Kong, à Somrang (Oddar Méan Chhey), à Snuol (prov de Kratié), Sala Krau (Ville de Païlin), 58 familles de Païlin, aux Djarai de Mondolkiri et à la société 72, etc. ADHOC dément l’accusation du Premier ministre d’être animée par une volonté populiste (CD du 20.03.14).
* Le 8 mars, un groupe d’une soixantaine de Phnong de Mondolkiri arrêtent un groupe d’une vingtaine de bûcherons vietnamiens en train de couper du bois de luxe à environ 20 km à l’intérieur du Cambodge (CD du 10.03.14).
* Un comité de 15 membres, est formé pour résoudre un conflit vieux de sept ans, entre l’épouse du ministre de l’Energie et des mines et 52 familles, concernant 145 hectares, près de Kompong Chhnang. A part un représentant d’ADHOC, tous les membres du comité sont nommés par la société. Les familles quittent les discussions, et s’estiment flouées. En désespoir de cause, sachant que la justice tranchera toujours en faveur des grands, une dizaine de familles, acceptent une compensation minime.
* le 15 mars, la police et les militaires brûlent 48 maisons de villageois de Mondolkiri qui refusaient de quitter leurs terres, accordées cependant légalement en 2009 (CD du 17.03.14).
* Dans la province de Préah Vihéar, le gouverneur fait fermer une ONG (Ponlok Khmer) accusée d’inciter les travailleurs d’une plantation de canne à sucre à manifester. Les villageois ont détruit 36 tonnes de cannes à sucre sur trois hectares de la plantation Lan Feng. Cette société est accusée de s’être emparée de 5 000 hectares de terres communales. Cette même ONG, a pris de nombreuses photos montrant des enfants mineurs au travail( CD du 04.04.14).
Expulsions
* Le 3 mars, le gouverneur de la ville de Phnnom Penh remet 17 titres de propriété à des familles expulsées en 2009. Il reste encore 50 à 60 familles qui attendent leur titre. Mais plusieurs refusent, car on a amputé leur parcelle, promise et déjà mesurée, de plus de la moitié de sa surface (CD du 10.03.14).
Santé
* Le 25 février, environ 80 membres du personnel de l’hôpital de référence de Phnom Penh manifestent contre le déplacement de leur hôpital dans un lieu plus petit, situé à 300 m, et dénoncent l’opacité et la corruption qui a présidé à cette décision.
* Le 31 mars est lancé un projet de Fonds de Sécurité Sociale auquel devraient souscrire toutes les entreprises de plus de sept employés. 6 107 entreprises en seraient membres représentant 880 000 employés, y seraient soumises, les coûts seront partagés entre les employés et entrepreneurs, à raison de 2 ou 3 % du salaire. Le syndicat du patronat juge le projet prématuré et le coût de la santé exorbitant (CD du 1er avril 2014).
* En dépit de son rapport très fouillé sur les malversations du service de lutte contre le HIV, la tuberculose et la malaria, Gobal Fund s’engage à verser 148,8 millions de dollars pour les trois prochaines années.
Justice
* Plusieurs affaires de corruption (vente de sable à Koh Kong, vente illégale de terrains, ponction d’une partie des salaires de subalternes, délocalisations opaques de bureaux publics, 450 000 dollars détournés par le service de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria, etc.) soumises à l’ACU (l’Unité Anti-Corrution) sont réglées par un non-lieu (CD du 26.03.14). Le népotisme dans la nomination des fils de ministres est de plus en plus patent dans chaque ministère.
* Le 26 février, Gareth Evans, ancien ministre australien des Affaires étrangères et ancien ami de Hun Sen, écrit dans un journal très connu en Australie qu’il est « plausible » que « chaque proche collaborateur du Premier ministre aie pu amasser plus d’un milliard de dollars ». De notoriété publique, on sait que tel ministre n’accepte pas les « cadeaux » de moins de 200 000 dollars, tel sous-secrétaire d’Etat a reçu 300 000 dollars et une voiture de grand luxe (CD du 28.02.14).
Divers
Phnom Penh
* Le 28 février, Hun Sen ordonne la fermeture de plus de 90 Shisha-café (genre de narguilés), (27 à Phnom Penh, 4 à Siemréap, 7 à Sihanoukville, etc.) soupçonnés de ne pas fumer que du tabac, mais diverses drogues (CD du 26.03.14).
* Le 3 mars, la mairie de Phnom Penh lance la construction d’un immeuble de onze étages, derrière le bâtiment actuel, pour un coût de 3,5 millions de dollars, destiné à abriter tous les services publics de la municipalité (CD du 04.03.14).
* La société chinoise Global Trade Development, qui détient déjà Global Taxi, investit quatre millions (sur 12 prévus sur cinq ans) pour lancer une ligne de bus. Le contrat a été accordé « verbalement », sans appel d’offre, alors que l’Agence japonaise pour le développement avait lancé un essai fructueux d’un mois et que plusieurs autres sociétés étaient candidates. Une société sud-coréenne continue de négocier l’obtention du contrat (CD du 06.03.14).
Patrimoine
* Sept temples pré-angkoriens sont découverts sur deux concessions dans la région de Choam Ksam (Prov. de Préah Vihéar).
* La Croix-Rouge cambodgienne construit un hôtel de luxe de six étages à Tbeng Méan Chhey (Prov. de Préah Vihéar) « pour recevoir les visiteurs » (CD du 09.04.14).
* Le 3 mars, Rithy Panh est le premier cambodgien à être admis à la cérémonie de remise des Oscars pour son film « L’ombre manquante » (CD du 04.03.14).
* Le 21 mars, par hasard, la police militaire saisit 250 kg d’ivoire à la frontière vietnamienne en provenance d’Afrique et destinés à la Chine, où le kilo est acheté 2 200 dollars. C’est la seconde fois dans l’année. Le Cambodge est en passe de devenir un lieu de transit pour ce type de trafic. Trente mille éléphants sont tués chaque année par des braconniers (CD du 25.03.14).