Eglises d'Asie – Chine
Zhejiang : l’incendie accidentel et meurtrier d’un temple bouddhiste est l’occasion pour les autorités de renforcer leur campagne de lutte contre les lieux de culte « clandestins »
Publié le 18/03/2010
Cités par Chine Nouvelle, l’agence de presse officielle, les responsables du village de Wufeng, où a eu lieu l’incendie, ont déclaré que « tout avait été fait pour assurer la stabilité dans le village ». Concrètement, il semble que cela se soit traduit par l’arrestation de Chen Jianliang, 44 ans, responsable du groupe bouddhiste qui se réunissait dans le temple détruit par le feu, ainsi que par l’interpellation de deux femmes. La Sécurité publique et le Bureau pour la prévention des incendies du Zhejiang ont dépêché onze unités à travers la province, chargées de détruire les lieux de rassemblement non autorisés. Les autorités provinciales ont également condamnés la participation à des « activités superstitieuses expression employée par l’appareil d’Etat pour désigner une pratique religieuse non autorisée par ses services.
A Wufeng, selon Chine Nouvelle, le temple qui a pris feu, du fait de l’embrasement d’encens et de bougies, était construit en bambou. Plus qu’un véritable temple, il semble que c’était une structure fragile, détruite à trois reprises depuis 2001 et reconstruite aussitôt après par les fidèles. Chine Nouvelle explique que les responsables locaux détruisaient le temple afin d’empêcher les villageois de s’y rassembler et de prendre part à des « activités superstitieuses » mais, ajoute la dépêche de l’agence gouvernementale, « la démolition n’a pas ébranlé les croyances insensées des villageois et au contraire a soudé les vieilles femmes ensemble. [Les villageois] ont tous contribué à rebâtir cette structure en utilisant des matériaux aisément inflammables tels que du bambou et des couvertures ».
Le journaliste de Chine Nouvelle poursuit son récit en s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles les autorités locales n’ont pas sévi plus tôt pour interdire toute pratique religieuse dans un lieu où elle n’avait pas été autorisée et où la déesse populaire Guan Di était honorée dans une structure manifestement inadéquate. Pour les habitants de Wufeng, ce sont au contraire les autorités qui sont responsables du drame. Si elles n’avaient pas détruit le temple situé originellement sur les lieux, les fidèles n’auraient pas érigé une telle structure si peu résistante aux flammes. L’embarras des autorités sur cette affaire s’est traduit par le fait que les journalistes chinois ont reçu l’ordre de n’utiliser que les dépêches de l’agence Chine Nouvelle pour couvrir l’affaire tandis que les autorités ont promis de verser 10 000 yuans (1 200 euros) d’indemnité aux familles des victimes.
Au niveau provincial, les autorités du Zhejiang ont fait preuve, ces dernières années, d’un zèle certain dans l’application de la politique visant à réprimer les activités religieuses « clandestines ». En 2003, onze lieux de culte chrétiens à proximité de Hangzhou, la capitale provinciale, ont été démolis (1). Selon certaines sources, ce sont au total 402 temples et autres lieux de culte, chrétiens, taoïstes ou bouddhistes, qui ont été fermés ces dernières années (2). Au niveau national, en janvier dernier, lors d’une « Conférence sur le travail religieux Jia Qinglin, président de la Conférence consultative du peuple chinois, a appelé au renforcement de la surveillance des activités religieuses, mettant notamment en garde contre l’influence des groupes liés à des Eglises situées à l’étranger. Cette mise en garde s’adresserait aussi bien aux groupes chrétiens qu’aux groupes spirituels d’inspiration bouddhique, tel le Falungong. Selon le South China Morning Post de Hongkong, le Conseil pour les affaires d’Etat, l’instance suprême du gouvernement chinois, a récemment débloqué 450 millions de yuans (56 millions d’euros) pour le Bureau des Affaires religieuses afin de renforcer la lutte contre les groupes religieux « clandestins » et les contraindre à intégrer les mouvements « patriotiques ».