Eglises d'Asie

Les attaques antichrétiennes reprennent dans l’archidiocèse de Dacca

Publié le 22/04/2014




Selon des sources locales, les attaques à l’encontre des chrétiens se multiplient ces derniers mois. Plusieurs incendies criminels dont certains ont été attribués aux musulmans fondamentalistes se sont produits dans l’archidiocèse de Dacca . 

Parmi ces actes de vandalisme, l’un d’entre eux a attiré particulièrement l’attention, dans un contexte de tension communautariste récurrente.

Dans la nuit du lundi 21 au mardi 22 avril, la maison d’une famille chrétienne a été incendiée dans le village de Bhajati South (district de Gazipur). Le feu, que la police a certifié être d’origine criminelle, a éclaté à environ minuit et demie, heure locale, et a réduit l’habitation en cendres sans heureusement faire de victimes, son propriétaire se trouvant alors à Dacca.

Ce fait divers aurait pu passer inaperçu s’il ne s’était agi de la maison de la famille d’une fillette chrétienne qui avait été violée et tuée par un groupe d’islamistes il y a six ans déjà.

Le village, qui dépend de la paroisse de Tumilia, située sur le territoire de l’archidiocèse de Dacca, subit régulièrement les exactions des extrémistes musulmans. En juin 2013, l’église de la paroisse avait été attaquée et ses prêtres frappés avec violence par un groupe « non identifié » par les forces de l’ordre, mais qui avait proféré des menaces à l’encontre des chrétiens de la région.

Le 30 avril 2008, Bituny Asru D’ Silva, alors âgée de 14 ans, avait été violée avec sa mère dans cette maison qui a été cette nuit détruite par le feu. Les agresseurs – un groupe de jeunes islamistes – avaient avant de s’enfuir, empoisonné la fillette laquelle avait été transportée d’urgence à l’hôpital. Peu après, les criminels réussissaient à pénétrer dans l’unité de soins intensifs où Bituny Asru était soignée, et la tuaient.

Le meurtre de la jeune fille avait provoqué une onde de choc au Bangladesh, faisant la Une des journaux locaux. Le 7 juin suivant, une grande manifestation interreligieuse s’était tenue à Tumilia, où la Bangladesh Christian Association (BCA), avait rassemblé des centaines de chrétiens, d’hindous et de musulmans, afin de réclamer que les autorités recherchent et arrêtent les coupables.

Mais la médiatisation de l’affaire avait eu pour conséquence de mettre davantage en avant la famille de la victime – qui avait publiquement exprimé sa douleur et demandé justice –, l’exposant à des menaces de mort répétées, lesquelles avaient fini par l’obliger à fuir le village et à se cacher à l’étranger.

Un dénouement qui ne surprend pas les spécialistes des droits de l’homme et des minorités au Bangladesh. Selon le secrétaire de la BCA, Nirmal Rozario, la plupart des viols qui sont perpétrés actuellement dans le pays, concernent des fillettes ou des femmes appartenant à une minorité chrétienne, hindoue ou aborigène.

« Une fois que le viol d’une fillette appartenant à une minorité est rendu public, les agresseurs accentuent leurs pressions sur les victimes », explique Rosaline Costa, coordinatrice de la hotline de Human Rights Bangladesh, ajoutant que seuls 2 % des violeurs font l’objet d’une arrestation, la plupart des agressions ne faisant même pas l’objet d’une plainte, par peur de représailles. D’après Rosaline Costa, la plupart des islamistes considèrent le viol comme « l’instrument numéro un pour ‘le nettoyage ethnique’ des communautés minoritaires ».

Les chrétiens (essentiellement catholiques) sont très minoritaires au Bangladesh – où ils ne représentent que quelque 2 % de la population, face à une communauté musulmane majoritaire à près de 80 %.

Près de six ans après le drame, le propriétaire de la maison et grand-père de la jeune Bituny Asru, Albert D’Silva, venait tout juste de revenir au Bangladesh, avec le reste de la famille.

« Nous ne savons pas qui est à l’origine de cet acte, mais nous demandons justice et protection ; tout recommence [après toutes ces années], et nous sommes à nouveau pourchassés ; nous vivons sans cesse dans la peur », rapporte-t-il ce mardi 22 avril à l’agence AsiaNews.

« Nous demandons une véritable enquête et une punition exemplaire pour les responsables », a déclaré pour sa part, Nirmal Rozario au nom de la BCA. « Il est plus que regrettable, a t-il également fait remarquer, qu’il y ait eu deux incendies criminels à l’encontre des chrétiens depuis de le début de l’année, et dans le même diocèse. »

Dans la nuit du 1er mars dernier en effet, la maison d’une famille catholique du village de Goualliapara de la paroisse de Dharenda a été incendiée de la même manière. Les quatre membres de la famille, dont deux enfants, qui y dormaient, ont pu heureusement s’échapper à temps de l’habitation en flammes, ne gardant que les vêtements qu’ils avaient sur eux.

Deux mois plus tard, la police n’a toujours identifié aucun coupable, bien que la communauté islamiste locale ait été soupçonnée dès les premières investigations. Des voisins ont rapporté aux enquêteurs que des personnes inconnues au village avaient vérifié auprès d’eux, trois jours avant les faits, qu’il s’agissait bien d’une habitation de chrétiens. « Les musulmans fondamentalistes sont très puissants dans la région », explique le P. Kamal Corraya curé de l’église St Joseph à Dharendra. Le prêtre rapporte que de nombreux cas d’attaques, de vols et d’actes de vandalisme de toutes sortes se produisent régulièrement dans l’archidiocèse de Dacca.

Selon les observateurs locaux, le phénomène est même en augmentation constante, se renforçant des fréquents litiges concernant la propriété des terres, essentiellement alimentés par les exactions et expropriations forcées perpétrées à l’encontre des adivasi chrétiens par la communauté bengalie musulmane majoritaire.

(eda/msb)