Eglises d'Asie

L’application de la charia dans le sultanat est reportée

Publié le 24/04/2014




La loi controversée qui devait mettre en application la charia – la loi islamique -, dans le sultanat du Brunei, à partir du mardi 22 avril dernier, a été reportée « très provisoirement ». Selon le Brunei Times, Jauyah Zaini, directeur-adjoint au sein de l’unité de législation islamique, a déclaré à la presse mardi 22 avril que l’application de la charia …

… avait été repoussée « en raison de circonstances imprévisibles ».

Des explications floues qui interrogent et partagent les médias. Selon certains, le report de l’application de la loi islamique dans le petit Etat richissime situé dans la partie malaisienne de l’île de Bornéo, pourrait être dû au fait que le sultan, Hassanal Bolkiah, est actuellement en visite à Singapour et que le gouvernement attend son retour pour la mise en oeuvre des nouvelles lois dont il est le principal instigateur.

D’autres avancent qu’Hassanal Bolkiah a, malgré ses dénégations, finalement été ébranlé par la vague de critiques sans précédent qui a déferlé sur son gouvernement après l’annonce de la promulgation de la charia en octobre dernier. Après la condamnation officielle de l’ONU, puis du Commonwealth dont le Brunei est membre, de nombreuses organisations des droits de l’homme ont fait part de leur indignation, y compris au sein du sultanat lui-même. Dans un pays où l’opposition est traditionnellement discrète, les débats sur les réseaux sociaux ont notamment été si virulents que le chef de l’Etat a exigé la fin immédiate des critiques en février, sous peine de poursuites pénales.

La nouvelle législation, applicable en théorie aux seuls musulmans, prévoit entre autres, l’amputation des membres pour les voleurs ou encore la flagellation pour la consommation d’alcool et l’avortement. Les rapports consentants entre personnes de même sexe, l’adultère, le viol, les relations sexuelles extra-conjugales et l’apostasie pour les musulmans, sont quant à eux punis de lapidation à mort.

Aujourd’hui, dans toute l’Asie du Sud-Est, seule la province autonome d’Aceh, en Indonésie, applique la charia. Le Brunei compte actuellement deux systèmes judiciaires: l’un civil et l’autre islamique, ce dernier ayant été jusqu’à présent limité aux litiges mineurs comme les différends matrimoniaux

Agé de 67 ans aujourd’hui, le sultan qui renforce progressivement son pouvoir et l’islamisation du Brunei depuis les années 1990, a expliqué que l’application de la charia dans l’Etat allait de pair avec l’affirmation d’une monarchie islamique absolue, seule capable de constituer un « pare-feu solide et efficace » contre les défis de la mondialisation.

Si la population de Brunei est très majoritairement musulmane (environ les deux tiers de ses quelque 400.000 habitants), elle compte cependant une forte présence bouddhiste (13%) et chrétienne – essentiellement catholique – (10%). Ces minorités ne cachent pas leur inquiétude depuis octobre dernier, craignant des dérives et une augmentation de l’intolérance religieuse dans un pays où l’islam est déjà religion officielle et la pratique des autres confessions sévèrement règlementée. L’application de la charia aura entre autres pour conséquence d’interdire tout prosélytisme d’une religion autre que l’islam, y compris dans les établissements scolaires.

Bien que le nouveau code pénal ne soit théoriquement applicable qu’aux seuls musulmans, il a cependant été précisé que les non-musulmans se verraient appliquer la charia au cas où ils se trouveraient impliqués avec un musulman dans un crime ou un délit, comme un adultère commis par un non-musulman avec une musulmane.

Mgr Cornelius Sim, vicaire apostolique de l’Eglise catholique pour le sultanat, a déclaré à Eglises d’Asie demeurer « serein » et être certain que la communauté catholique trouverait « des réponses créatives » face à ces « nouveaux défis ». Le responsable de l’Eglise catholique au Brunei avait cependant confié que la mesure « inquiétait » la communauté chrétienne, dans la mesure où elle s’inscrivait dans un projet visant à islamiser davantage l’ensemble de la société.

Un avis largement partagé par les défenseurs des droits de l’homme qui soulignent que sous le régime de la charia, les non-musulmans seront relégués de fait dans un statut inférieur de « dhimmitude » (1)

(eda /msb)