Eglises d'Asie – Birmanie
Béatification d’un missionnaire italien et d’un catéchiste, premier martyr birman
Publié le 05/05/2014
… qui devenait ainsi le premier bienheureux de son pays de mission, où il avait passé 65 ans de sa vie.
A partir du 24 mai prochain, la communauté catholique de Birmanie comptera désormais son premier « bienheureux martyr » autochtone. Le P. Mario Vergara, prêtre PIME, et Isidore Ngei Ko Lat, laïc et catéchiste, tous deux tués en « haine de la foi », à Shadaw, dans le diocèse de Loikaw, le 25 mai 1950, ont été déclarés martyrs le 9 décembre 2013 par le pape François, ouvrant ainsi la voie à leur béatification. Leur cause en béatification avait été introduite en 2003 par Mgr Sotero Phamo, évêque de Loikaw.
La cérémonie de béatification du P. Mario Vergara et du jeune catéchiste Isidore Ngei Ko Lat sera célébrée dans la cathédrale d’Aversa, en Italie, le 24 mai prochain. Elle sera présidée par le cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les causes des saints, et le supérieur général des PIME, a rapporté AsiaNews, agence de cette congrégation missionnaire. Le P. Vergara deviendra le 19ème PIME à être proclamé martyr et le 5ème à être élevé à la gloire des autels.
Le P. Mario Vergara est né le 16 novembre 1910 à Frattamaggiore (Naples) dans le diocèse d’Aversa. Ordonné prêtre au sein de la société des PIME en 1934, il est envoyé la même année au service du diocèse de Toungoo, en Birmanie, alors protectorat britannique.
Dès son arrivée, le P. Vergara se met à l’étude des langues locales puis, très vite, se voit confier le district de Citacio, où vivent les Soku, l’une des tribus de l’ethnie karen. Le missionnaire « se tue à la tâche », rapportent les témoins ; malgré de fréquents accès de paludisme, il parcourt son district où sont éparpillés quelque 29 villages catholiques, se faisant tout à tour « prêtre, éducateur, médecin, administrateur et parfois même juge ».
Avec la deuxième guerre mondiale, les missionnaires italiens en Birmanie, considérés comme appartenant à une nation ennemie, sont poursuivis et internés par les Britanniques dans leurs camps de prisonniers en Inde. Le P. Vergara y restera de 1941 à 1944. A sa libération, le missionnaire ne peut cependant retourner encore sur son lieu de mission et devra patienter en Inde jusqu’en 1946. Très fragilisé par cette longue période d’attente et de détention au cours de laquelle il a subi l’ablation d’un rein, le prêtre PIME accepte pourtant avec enthousiasme la nouvelle mission qui lui est confiée par son évêque. Il s’agit d’évangéliser une région à l’est de Toungoo où vivent des tribus isolées, dont une majorité de villages suivant la « religion traditionnelle » (un mélange de bouddhisme et d’animisme) et quelques missions baptistes.
Le P. Verdata, après avoir rapidement appris le dialecte local, s’intègre dans sa nouvelle communauté avec une facilité qui irrite les baptistes. Ces derniers, qui forment l’élite sociale des villages, s’inquiètent du soutien apporté par le missionnaire aux populations pauvres et sous-développées de la région.
Les premières menaces, accompagnées de campagnes de calomnie contre le P. Verdata, suivent de près le déclenchement de la guerre civile, lors de l’accession à l’indépendance de la Birmanie en 1948. Les tribus locales rebelles, dont le nationalisme a été exacerbé par les suites décevantes de la seconde guerre mondiale, sont désormais convaincues que les catholiques sont les « héritiers » de l’ancien gouvernement colonial et les espions du nouveau régime. La guérilla, soutenue par les baptistes, s’attaque désormais aux missionnaires catholiques qui, comme le P. Vergara lors de l’occupation de Toungoo par les milices rebelles, dénoncent les conséquences de la guerre civile sur les populations, les réquisition de vivres pour les troupes et les taxes qui oppriment les villageois.
Cette même année 1948, un jeune missionnaire PIME, le P. Pietro Galastri, est envoyé pour aider le P. Vergara ; ensemble, ils commencent à construire écoles, églises, orphelinats et dispensaires.
En janvier 1950, Loikaw tombe aux mains des troupes gouvernementales. La mission des Pères PIME est alors coupée en deux et les missionnaires contraints à traverser fréquemment les lignes ennemies pour rejoindre, de leur résidence de Shadaw encore aux mains des rebelles, les autres villages situés sur le territoire reconquis par les troupes régulières, s’attirant menaces, perquisitions et de nombreuses accusations d’espionnage de la part des chefs de la guérilla.
Le 24 mai 1950, le P. Vergara se rend dans le centre de Shadaw avec son catéchiste Isidore Ngei Ko Lat, afin de convaincre le chef de district, Tiré, qui dirige les milices locales, de relâcher un autre catéchiste, James Colei, récemment arrêté.
Mais le rendez-vous est un guet-apens : les deux catholiques se retrouvent face à d’autres chefs de la guérilla et sont soumis à un interrogatoire à l’issue duquel ils sont ligotés et emmenés dans la jungle. Après avoir marché toute la nuit, le P. Vergara et Isidore Ngei Ko Lat sont fusillés à l’aube du 26 mai. Leurs corps, enfermés dans des sacs, puis jetés dans la rivière Salween (Salouène), ne seront jamais retrouvés.
Le P. Galastri est tué de la même manière, après avoir été enlevé, également le 24 mai, alors qu’il priait avec les orphelins dans la chapelle de la mission de Shadaw. Le jeune missionnaire PIME a été reconnu serviteur de Dieu et martyr.
Quant au futur bienheureux birman, les lettres du P. Vergara et les témoignages de ses contemporains dressent de lui le portrait d’un « apôtre zélé », animé de la volonté forte de « se mettre au service des autres et de l’Evangile ». Issu d’une famille de paysans convertis par le bienheureux P. Paolo Manna, Isidore a été baptisé par le P. Dominic Pedreotti, PIME, en 1918 dans son village de naissance, Taw Pon Athet, situé ans le diocèse de Toungoo. Ayant perdu ses parents à l’adolescence, il est élevé avec son frère par l’une de ses tantes.
Lors de l’enquête de béatification, un cousin d’Isidore a certifié que depuis son plus jeune âge le jeune Birman passait le plus clair de son temps avec les missionnaires, « les suivant partout ». C’est sans surprise que sa famille apprend qu’il désire devenir prêtre. Il entre au petit séminaire de Toungoo où il se fait remarquer pour son attitude « humble, sérieuse et honnête », son ardeur missionnaire, ainsi que pour ses « remarquables aptitudes » pour l’étude et l’apprentissage des langues comme le latin et l’anglais, qu’il maîtrise parfaitement.
Souffrant malheureusement d’une santé fragile (il est asthmatique), le jeune Isidore Ngei Ko Lat doit quitter le séminaire et retourner dans sa famille. N’ayant pas pu réaliser son rêve de devenir prêtre, il ne renonce pas cependant à « se consacrer au Seigneur ». Faisant vœu de célibat, il ouvre alors dans le village de Dorokho une école privée où il enseigne aux enfants le birman et l’anglais, donne des cours de catéchisme, de musique et de chant. Selon tous les témoins de cette partie de sa vie, il entretenait de bonnes relations avec tous et était très aimé.
En 1948, il rencontre le P. Vergara à Leiktho qui lui demande s’il veut devenir catéchiste. Le jeune Birman accepte avec enthousiasme et suit le missionnaire à Shadaw. Isidore, qui travaille étroitement avec le P. Vergara pour améliorer le quotidien de la population locale, joue également le rôle d’interprète pour le P. Galastri.
C’est sans hésitation qu’il soutient le P. Vergara dans sa lutte pour défendre les populations opprimées par la guérilla, s’attirant la même haine et les mêmes menaces que les missionnaires. C’est également sans hésitation qu’il accompagnera le missionnaire dans la tentative périlleuse de libération du catéchiste James Colei, une démarche qui lui vaudra de subir à ses côtés le martyre « in odium fidei ».
Les évêques de l’Eglise de Birmanie ont défini la béatification du P. Vargara et d’Isidore comme « un fort encouragement donné à toute la communauté catholique au Myanmar pour vivre sa foi plus en accord avec l’Evangile et témoigner d’une manière courageuse et héroïque, en suivant l’exemple du catéchiste Isidore qui n’a pas hésité à offrir sa vie pour l’Evangile, avec le P. Vergara ».
(eda/msb)