Eglises d'Asie

Zhejiang : intensification des destructions de lieux de culte chrétiens

Publié le 02/05/2014




Quarante-huit heures avant le 28 avril, jour où les autorités ont fait procéder à la destruction d’un temple protestant récemment bâti aux portes de Wenzhou, grande cité portuaire du Zhejiang, ces mêmes autorités ont fait démanteler un important centre de pèlerinage catholique …

… situé au sud de cette même ville. Si le gouvernement met en avant un non-respect du droit de la construction pour justifier de ces destructions, des chrétiens sur place évoquent un regain de répression visant à contenir un essor du christianisme jugé trop important par les autorités.

Samedi 26 avril, les autorités ont bloqué l’accès au sanctuaire de Longgang. Celui-ci est situé dans le district de Cangnan, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Wenzhou. Implanté sur le territoire du diocèse catholique de Wenzhou, il est un centre de dévotion important et s’est particulièrement développé ces dernières années. Durant les années noires de la persécution maoïste, il n’était formé que d’un modeste chemin serpentant à travers les collines boisées où les catholiques venaient prier en cachette. Ces dernières décennies, avec l’ouverture politique et le desserrement du contrôle social, il a pris une ampleur notable : le chemin est devenu un vaste escalier en dur permettant de pérégriner pour méditer un chemin de croix orné d’imposantes statues.

C’est ce site que les autorités ont bouclé pour le démanteler. Les statues et plaques du chemin de croix les moins importantes ont été détruites au marteau-piqueur ; d’autres encore ont été enlevées à l’aide de grues et remises aux catholiques qui les ont entreposées à Hengdaiqiao, dans la banlieue de Wenzhou ; et les dernières enfin, trop lourdes (cinq tonnes) pour être transportées ou aisément détruites, ont été cachées à la vue de tous par des murs de briques édifiés à la hâte.

Selon l’agence Ucanews, qui rapporte la nouvelle, l’opération de démantèlement s’est déroulée dans le calme mais non sans tension. Une centaine de fidèles catholiques s’étaient massés au pied du chemin de croix et y ont été bloqués par les forces de l’ordre. Certains ont pu néanmoins se faufiler et ont regardé faire les ouvriers requis par la police, en chantant des cantiques et en priant. « Certains d’entre eux n’ont pu retenir leurs larmes », rapporte sous le sceau de l’anonymat un catholique du lieu.

Il semble que le calme manifesté par la foule des catholiques soit la résultante de négociations menées avec les autorités, celles-ci s’étant engagées à ne pas toucher aux pavillons abritant les statues du Christ, de la Vierge Marie et de Saint Joseph du sanctuaire de Longgang, dont le domaine couvre une superficie de 1,3 hectare.

Le résultat demeure cependant le complet démantèlement du site (les statues en question ont été cachées derrière des murs). Les autorités ont justifié leur action en arguant du caractère illégal des constructions érigées dans les collines de Longgang – un argument également mis en avant pour la destruction du temple protestant de Sanjiang, à Wenzhou. Selon Joseph, un catholique de Wenzhou interrogé par Ucanews et qui témoigne en gardant l’anonymat pour raison de sécurité, « même si les autorités avaient décidé que la construction d’un site religieux était hors-la-loi, elles devraient nous permettre de faire appel de leur décision en justice. Cela ne pourrait qu’aider à édifier l’Etat de droit et à empêcher la corruption ».

La destruction du temple de Sanjiang (1) et le démantèlement du sanctuaire catholique de Longgang ne sont pas des actes isolés : des rapports font état du démontage de plusieurs croix surmontant les lieux de culte chrétiens dans la province du Zhejiang ; le 24 avril, à Wenzhou, quatre catholiques ont été passés à tabac et blessés par la police, alors qu’ils s’opposaient à la destruction d’un immeuble de quatre étages appartenant à un catholique et qui, selon la police, servaient à abriter des rassemblements de catholiques « clandestins ».

D’une mise sous pression des communautés chrétiennes sous prétexte du faire respecter le droit concernant les constructions à une répression ouverte contre ces mêmes communautés chrétiennes dont l’essor numérique serait jugé inacceptable par le Parti communiste, il n’y a qu’un pas. Des documents internes au Parti datant de janvier dernier et dressant une liste des lieux de culte considérés comme illégaux et voués à la destruction circulent sur les réseaux sociaux chinois. Leur analyse est délicate.

Depuis 2013, une campagne sur trois ans a été lancée par la province du Zhejiang. Sous le label « Trois révisions et une démolition », elle vise à « embellir » le Zhejiang en en éliminant toutes les structures illégalement construites. Depuis janvier 2014, il est clair que les autorités se sont attaquées à la « révision » des lieux de culte. Dans le vaste secteur administratif dépendant de la ville de Wenzhou (le district de Cangnan en fait partie), il semble de plus en plus clair que les responsables locaux utilisent cette campagne pour viser les lieux de culte chrétiens dont l’ampleur reflète, à leurs yeux, la trop bonne santé des communautés de croyants qui les portent.

Par ailleurs, selon d’autres sources d’information communiquées à Eglises d’Asie, des catholiques dans d’autres provinces du pays, au Hebei notamment et plus précisément au sein des communautés « clandestines », font état, ces derniers temps, d’une nette intensification des pressions policières.

(eda/ra)