Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR : « Guérir une ‘blessure ethnique’ qui suppure » – Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse de Jaffna

Publié le 17/11/2013




La Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse catholique de Jaffna a adressé le 18 octobre 2013 une longue lettre au nonce apostolique en poste à Colombo, Mgr Joseph Spiteri, mettant en lumière « le génocide structurel » mené par le gouvernement sri-lankais sur les régions tamoules du Sri Lanka. Ce document …

… fait suite à la remise par Colombo d’un rapport au nonce apostolique détaillant « les actions de développement » menées dans le Nord et l’Est, les deux provinces majoritairement tamoules du pays.

Signée du président de la Commission ‘Justice et Paix’, la lettre exhorte le Vatican à exercer des pressions sur le Sri Lanka afin que soit mise en place une solution politique, laquelle peut seule permettre de résoudre le problème tamoul. La traduction est de la Rédaction d’Eglises d’Asie.
 

Excellence,

La Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse catholique de Jaffna adresse ses salutations à Votre Excellence. J’ai lu dans le Catholic Messenger of Sri Lanka du 22 septembre 2013 un article où l’on apprend qu’au nom du gouvernement sri-lankais, M. Sarath Kumara Gunaratna, vice-ministre de la Pêche et du Développement des Ressources aquatiques, a remis à Votre Excellence un rapport sur les actions de développement menées dans les provinces du Nord et de l’Est du Sri Lanka.

C’est un fait que, depuis la fin de la guerre il y a quatre ans, de nombreuses activités de développement ont été mises en œuvre avec l’aide d’un certain nombre de pays donateurs. Ainsi, nous avons pu voir naître un réseau routier, des voies ferrées, des ponts, bon nombre d’habitations, des bâtiments neufs et des hôpitaux, des écoles et d’autres bâtiments de services publics modernisés. En dépit de tous ces progrès, nous n’avons eu de cesse, habitants du Nord comme ceux de l’Est, de réaffirmer dès le début que notre priorité était tout autre. Nous voulons que les questions non résolues à ce jour soient abordées et réglées.

Nous voulons que le gouvernement avance des solutions ou une série de propositions afin de guérir une ‘blessure ethnique’ qui continue de suppurer. Auparavant, le gouvernement devra manifester des signes concrets de bonne volonté en résolvant certains de ces problèmes fondamentaux. On trouvera ci-dessous quelques-unes des principales questions devant être abordées :

1.) Prise en compte des responsabilités dans les violations des droits de l’homme commises en particulier au cours des derniers épisodes de la guerre en 2009

Nous voulons que le gouvernement recherche les responsabilités de la mort de milliers de civils innocents dans la phase finale de la guerre. Il existe des preuves dénuées de toute ambigüité, apportées par des témoins présents sur les lieux, d’utilisation de bombes à fragmentation et même d’armes chimiques interdites par le droit international. Les demandes d’une enquête impartiale sur ces allégations ont été rejetées à plusieurs reprises par le gouvernement sri-lankais.

Il ne subsiste aucune trace des milliers de personnes, soupçonnés d’avoir eu des liens avec le LTTE, qui se sont rendus aux forces de sécurité sri-lankaises avec des drapeaux blancs en présence de milliers de témoins. Il existe de nombreux témoins oculaires qui ont vu le P. Francis-Joseph, un prêtre âgé de 80 ans appartenant au diocèse de Jaffna, organiser l’opération de reddition. Tant au cours de la période finale de la guerre que plus tard dans les camps, des milliers de personnes livrées par des membres de leur famille ont été retenues pour interrogatoire par les forces de sécurité et ont disparu depuis. Des milliers de gens ont été embarqués dans des camionnettes blanches pour interrogatoire et n’ont jamais reparu. Beaucoup d’autres ont disparu, surtout après 2006, lorsque la guerre s’est intensifiée, notamment le P. Jim Brown et son assistant, qui ont été vus pour la dernière fois devant un poste de garde militaire à Allaipiddy où un certain nombre de civils ont été tués par les forces de sécurité.

Il est vrai qu’en raison de la pression croissante de la communauté internationale et de la prochaine conférence du Commonwealth au Sri Lanka, une Commission présidentielle a été nommée pour se pencher sur les disparitions. Elle suscite néanmoins beaucoup de scepticisme, les autorités compétentes ayant affirmé que cette Commission n’avait rien à savoir sur les enlèvements par les camionnettes blanches. Le Comité des Citoyens de Mannar, sous la direction du P. Sebamalai a pris l’initiative de rassembler les données au sujet des disparitions. En quatre jours, on a recueilli des informations sur 1 800 personnes disparues. Les populations touchées, en particulier dans les districts de Kilinochchi et de Mullaitivu, ont peur de se présenter car, dans tous les centres où l’on recueille les informations, se trouvent des gens prétendant appartenir aux services secrets du gouvernement venus pour les photographier. Ils sont également impliqués dans la collecte d’informations sur les personnes qui conduisent cette procédure. Cela s’est aussi passé précédemment lorsque beaucoup de gens se sont présentés pour exprimer leurs griefs en présence de la Commission LLRC (Lessons Learnt and Reconciliation Commission) (1).

Le cas des cinq étudiants torturés et mis à mort par la STF (Special Task Force, unité d’élite des forces armées sri-lankaises, NdT) il y a sept ans, a été pris en considération en raison de la pression internationale. Pendant toute cette période, le gouvernement a tenté de protéger les coupables. Avec la réouverture de l’affaire, treize hommes de la STF ont été arrêtés et placés en détention provisoire. Il y a quelques jours, ils ont été libérés sous caution. Nous avons de sérieux doutes quant au fait que l’affaire sera menée jusqu’à son terme. Nous doutons aussi que l’affaire du meurtre et de la fusillade à bout portant des quinze travailleurs humanitaires d’Action contre la Faim par les forces de sécurité en 2006, à Muttur dans le district de Trincomallee, soit jamais réellement traitée.

2.) Confiscation des terres appartenant aux civils

A l’approche des récentes élections des Conseils provinciaux, une partie des terres et des biens (habitations) appartenant à des civils dans la province du Nord ont été rendues à leurs propriétaires légitimes avec force publicité. Mais entre 90 et 95 % des terres occupées de force n’ont pas été restituées. Il est à noter que 2 583 hectares de terre dans le district de Valikamarn-Nord (dont la surface totale est de 6 154 hectares) où il y a 24 divisions GS de l’armée sont toujours recensés comme faisant partie du ‘périmètre de haute sécurité’. Plus des 100 000 personnes qui s’y trouvaient vivent encore dans les centres d’aide sociale et dans les maisons de leurs parents et amis, dans d’autres zones de la péninsule de Jaffna et à l’extérieur. Certains sont même partis à l’étranger, risquant parfois leur vie en entreprenant des voyages dangereux. La majorité des gens qui y vivaient sont des hindous.

L’Eglise catholique y avait trois paroisses, chacune ayant de nombreuses dépendances, l’Eglise possédant au total 55 terrains (avec titres de propriété) où se trouvaient des églises, des couvents, des cimetières et un certain nombre d’institutions. A l’intérieur des terres, ces terrains occupés appartiennent aux régions de terres rouges, les plus fertiles de la péninsule de Jaffna et actuellement, les forces de sécurité utilisent ces terres pour l’agriculture et en commercialisent la production à l’extérieur. La zone côtière passait pour être l’une des meilleures du Sri Lanka pour la pêche. En outre, le littoral est renommé pour sa salubrité. Autrefois, plusieurs ministères y possédaient des bungalows pour les vacances et le repos de leurs haut-fonctionnaires. L’Eglise catholique aussi y avait des résidences pour les prêtres et religieuses âgés. Aujourd’hui, on constate que le littoral est parsemé de maisons récemment construites et de bungalows destinés aux vacances et au repos des hauts responsables des forces de sécurité. Des hôtels sont également en cours de construction pour de hautes personnalités. On bâtit des usines et on a déjà construit une fabrique de yaourt. L’espoir des personnes chassées il y a 25 ans d’être réinstallées dans leurs habitations et leurs terres est de fait réduit à néant.

Dans d’autres régions, à Jaffna, Mannar et Mullaitivu, on peut voir des terres et des rizières appartenant à des civils qui ont été et sont toujours confisquées. Il y a deux semaines, des rizières appartenant à la population et des terres étant propriété d’Eglise ont été confisquées par la Marine de guerre à Kilaly afin d’agrandir la base navale. Dans le quartier de Mullaitivu, à Keppapulavu où les habitants devaient être réintégrés, les terres ont été confisquées pour faire place à un nouveau camp de l’armée et les populations ont été invitées à s’installer ailleurs. Dans la même région, à Kokkuthoduvai et dans les zones limitrophes où les populations ont été récemment réinstallées pour redémarrer leurs activités agricoles dans leurs rizières, elles ont été renvoyées, à leur grand désarroi, par les forces de sécurité, leurs rizières ayant déjà été partagées et attribuées aux familles cinghalaises des villages voisins.

Dans le district de Mannar, à Mullikulam, village catholique où la population vivait depuis de nombreuses générations, les habitants ont été sommés de quitter leurs maisons il y a plus de deux décennies. Quand ils sont partis, on leur a dit qu’ils seraient en mesure de revenir quelques jours plus tard et qu’ils n’avaient donc pas besoin d’emporter leurs biens. Leurs maisons sont désormais occupées par des membres de la Marine de guerre et leurs familles. Les habitants de Mullikulam sont autorisés à s’installer à environ 2 km de leur village d’origine et de l’église. Les anciens résidents de ce village sont autorisés à venir à l’église uniquement pour les offices religieux. Le curé de la paroisse a été autorisé à occuper la maison paroissiale. A Siruthoppu, dans l’île de Mannar, les terres appartenant à l’Eglise catholique ont été reprises par la Marine pour agrandir son implantation. Toutes ces appropriations ont été effectuées arbitrairement.

3.) Coercition et contrôle de la population

Le 31 août 2013, les femmes de trois villages de la zone côtière du district de Kilinochchi (Valaipadu, Veravil et Kiranchi) ont fait l’objet d’une opération coercitive de contrôle des naissances. Un grand nombre d’habitants de ces villages sont catholiques. Le 31 août, plus de 20 infirmières et sages-femmes sont venues de Kilinochchi et, faisant du porte-à-porte dans ces trois villages, ont demandé à toutes les jeunes mères de se rendre à l’hôpital régional de Veravil avec leurs enfants de moins de 5 ans. Elles ont été transportées en ambulances. On leur avait dit de venir avec la fiche de la clinique pour peser leurs enfants de moins de 5 ans. A leur arrivée, le médecin et les infirmières ont utilisé la menace et des informations médicales falsifiées pour les convaincre d’accepter des implants sous-cutanés de progestérone (POSD), un contraceptif hormonal à long terme inséré sous la peau, en haut du bras. Lorsque les femmes ont manifesté leur refus de les accepter, on leur a dit que dans ce cas, on ne leur donnerait aucun autre traitement à l’hôpital dans l’avenir. On les a également menacées, si elles refusaient d’obéir, que ce serait leurs maris qui seraient conduits à l’hôpital et que l’opération serait effectuée sur eux. Après avoir entendu cela, beaucoup de femmes ont été obligées d’accepter. Nous avons des doutes sérieux sur la motivation sous-tendant ce genre de politiques de l’Etat et cela peut être un moyen de réguler les naissances par ce biais. En outre, en tant que catholiques, nous sommes fermement opposés à ce genre de méthodes de contrôle des naissances.

4.) Le sort des prisonniers politiques

L’état de milliers de prisonniers politiques tamouls, y compris des femmes, croupissant en prison, certains depuis plus de quinze ans, est dramatique. Citons un cas parmi d’autres, celui d’une femme âgée (69 ans) nommée Kathaye, emprisonnée pour avoir donné de la nourriture à des cadres du LTTE. Incarcérée depuis dix-neuf ans, elle est morte en prison en juillet de cette année. Ces dernières années, elle souffrait d’un cancer de la colonne vertébrale et développait des escarres. On a signalé à plusieurs reprises qu’elle ne bénéficiait pas de soins médicaux appropriés. En dépit de grèves de la faim, de multiples démarches et de demandes pour des jugements en procédure d’urgence devant des tribunaux spéciaux, aucune mesure n’a été prise pour libérer les prisonniers. Certains d’entre eux sont âgés et malades.

Ces prisonniers sont aussi très vulnérables comme nous l’avons remarqué à plusieurs reprises, depuis 1983, où des dizaines de ces détenus furent massacrés dans la prison même. L’an dernier, nous avons assisté à une attaque des prisonniers politiques à Vavuniya. Ces prisonniers avaient protesté contre le transfert de l’un de leurs compagnons dans une autre prison située au Sud, autrefois connue pour le manque de sécurité des prisonniers tamouls. En signe de protestation, ils ont pris des gardiens en otages. Les prisonniers n’avaient aucune arme. Pour mettre fin à la prise d’otages, on a fait un usage disproportionné de la force, y compris l’utilisation d’armes à feu lors d’une opération conjointe des gardiens et de la STF, blessant presque tous les prisonniers. Ces derniers ont été transférés ensuite à Anuradhapura et finalement à Colombo, où ils ont été maltraités par les gardiens de prison. Au cours de ces attaques, deux jeunes prisonniers politiques, Dilruckson et Nimalaruban, ont été tués et un certain nombre d’entre eux blessés. Grièvement blessés, en état comateux, ils ont été enchaînés sur leur lit d’hôpital ! L’évêque de Mannar, Mgr Rayappu Joseph s’est vu refuser l’autorisation de les voir. Il n’y a eu aucune enquête équitable sur toute cette affaire. A ce jour, aucune justice n’a été rendue à ces malheureux jeunes. A l’occasion du récent verdict prononcé il ya quelques jours par la Cour suprême après une plainte déposée par les parents de Nimalaruban, demandant justice pour la torture et le meurtre de leur fils par les gardiens de la prison, il a été déclaré qu’un tel traitement envers les prisonniers était justifié dans le cadre d’une opération contre le terrorisme. C’est une évidente parodie de justice car Nimalaruban n’était qu’un suspect et aucun dossier n’a jamais pu être constitué à son encontre au moment de l’attaque. Même blessé, il n’a pas reçu des soins médicaux appropriés.

5.) Insécurité des femmes et des jeunes filles

En raison de la forte présence de militaires et de leurs déplacements incessants, en particulier dans la région de Vanni, les familles sans soutien masculin et les familles avec des jeunes filles vivent dans une peur permanente. Parmi les nombreux cas signalés, nous ne citerons que les plus récents. En juillet 2013, à Pooneryn, dans le quartier de Kilinochchi, une femme de 38 ans, mariée avec trois enfants, était allée dans la cour arrière de sa maison pour cueillir des feuilles de palmier à sucre. Elle a été violée par un homme en uniforme de l’armée qui avait le visage masqué. En raison de saignements abondants, elle a été admise à l’hôpital de Kilinochchi. Un incident de nature similaire avait eu lieu environ deux ans auparavant à Kilinochchi ; les habitants du quartier ont pris en flagrant délit le soldat impliqué et une plainte a été déposée. Les progrès de l’instruction semblent être très lents. Il y a quelques mois, à Nedunkerny, également dans le Vanni, une écolière a été agressée et, suite aux protestations répétées des villageois, le soldat responsable du méfait a été remis à la police pour qu’une information judiciaire soit ouverte. Des incidents de ce type ne sont pas rares.

Un récent sondage effectué dans le Nord par une organisation internationale de sauvegarde des droits des minorités a conclu que la forte présence militaire dans le Nord était l’une des raisons de l’augmentation des cas de maltraitance des femmes.

6.) Découverte de restes humains

Quelques mois avant l’élection du Conseil provincial dans le Nord, les forces de sécurité ont restitué des maisons et des terrains de la péninsule de Jaffna aux civils auxquels ils appartenaient. Lorsque les propriétaires ont commencé à nettoyer les lieux, ils ont trouvé des débris humains et des squelettes dans des fosses sceptiques et des puits inutilisés. Par exemple, à Pallappai dans le Vadamaradchi, les propriétaires d’une maison ont découvert les restes de 17 cadavres. De même, les gens ont trouvé des restes de squelettes humains à Allaipiddy et Mathakal. Il est à noter qu’à Allaipiddy, il y a eu des combats en 2006 entre les forces de sécurité et les militants [du LTTE. NdT] et qu’un certain nombre de villageois ont été tués après le départ des Tigres. C’était au point de jonction d’Allaipiddy que le P. Jim Brown et son assistant laïc ont été aperçus pour la dernière fois avant leur « disparition ». Il y a de fortes présomptions que ces restes soient ceux des « disparus ». Une enquête et des recherches appropriées pourraient permettre de connaître la vérité.

7.) Cinghalisation forcée des provinces du Nord et de l’Est

C’est un fait historique indéniable que les provinces du Nord et de l’Est du pays ont été les terres traditionnelles des Tamouls pendant plusieurs siècles avant la période coloniale. Le Nord avait son propre royaume tamoul et l’on trouvait également des implantations tamoules à l’Est. Pour des raisons de facilité administrative, les Britanniques (la dernière des puissances coloniales) ont unifié l’ensemble du pays et lui ont accordé l’indépendance en 1948. Depuis l’indépendance, on peut observer une colonisation à grande échelle orchestrée par l’Etat, en particulier dans les régions d’Amparai et de Trincomallee, qui a transformé sensiblement les données démographiques. Actuellement, ces implantations de colons par l’Etat se multiplient dans les provinces septentrionales, comme nous pouvons le voir dans la zone de haute sécurité de 2 583 hectares au nord de Valikamam mais aussi à Navatkuli, Mullaitivu, Nedunkemy, Madhu Road, Masali et Mullikulam. Le gouvernement soutient que la patrie tamoule traditionnelle du Nord et de l’Est est un mythe et veut l’éradiquer au moyen de ces colonisations massives cautionnées par l’Etat. Nous ne sommes pas opposés à ce que des Cinghalais, viennent dans le Nord et l’Est, y achètent des terres et s’y installent, comme ce fut le cas antérieurement, et comme les Tamouls du Nord et de l’Est ont pu le faire ailleurs dans l’île, en particulier dans la province occidentale. Mais ce programme de colonisation mis en place par l’Etat, et ayant pour seul but de minorer le pourcentage de Tamouls dans le Nord et l’Est du pays, ne favorisera en aucune façon le processus de réconciliation nationale.

8.) Prolifération de statues du Bouddha et de viharas (NdT – temples bouddhiques) dans le Nord et l’Est

Il y a quatre ans, avant que la guerre ne prenne fin, on comptait sur les doigts de la main les lieux dans le Nord et de l’Est de l’île où l’on trouvait des statues du Bouddha et des viharas. Ces dernières années ont vu une augmentation du nombre de grandes statues de Bouddha et de viharas ainsi que l’agrandissement des viharas existants. La plupart d’entre eux sont érigés le long de la route principale A 9, à côté des camps de l’armée. En raison de la forte présence militaire on peut constater que, dans certains endroits, des temples hindous anciens ont dû céder la place à de nouveaux viharas bouddhistes. Comme tout cela se fait sous la supervision des forces de sécurité, les populations civiles sont dans l’impossibilité de faire quoi que ce soit.

9.) Election du Conseil provincial et violences électorales

Après une interruption de plus d’un quart de siècle, le gouvernement a été contraint d’organiser des élections au Conseil provincial de la province du Nord en raison des pressions exercées par les pays donateurs. Le gouvernement s’est livré à des malversations de toute nature afin de remporter ces élections ou du moins d’obtenir un nombre significatif de sièges pour le parti au pouvoir et ses alliés. Les forces de sécurité ont œuvré ouvertement en faveur du parti du gouvernement de toutes les manières possibles, y compris par le collage d’affiches du parti présidentiel, la distribution de pots-de-vin en nature ou même l’intimidation pure et simple. Le gouverneur lui-même a participé aux réunions de campagne électorale des partis gouvernementaux. Les candidats de l’Alliance nationale tamoule (TNA, Tamil National Alliance) ont été harcelés, leurs résidences attaquées, des informations de nature personnelle collectées, etc. Deux jours avant le scrutin, la résidence de la principale candidate a été attaquée à minuit par une centaine d’hommes armés sortis de plusieurs véhicules. Au cours de cette attaque, plus de dix employés du parti ont été blessés. Un membre du Comité de surveillance des élections, venu aux nouvelles après cette agression, a également été tabassé. Cette attaque a été menée afin de propager la peur chez les électeurs et les dissuader de venir voter. Le jour du scrutin, on a diffusé un faux journal aux couleurs du principal quotidien populaire, peu avant que le véritable quotidien ne soit publié. Il annonçait en première page que la TNA renonçait à l’élection et que la première femme candidate du parti, dont la maison avait été attaquée la veille, avait rejoint le parti gouvernemental, etc. En dépit de tout cela, la TNA a remporté une victoire écrasante. Mais les violences ont continué après les élections. Les principaux soutiens de la TNA et ceux qui avaient travaillé pour le parti ont été pris pour cible. Leurs maisons ont été attaquées, leurs véhicules incendiés et un certain nombre d’entre eux agressés physiquement et même hospitalisés. Il y a eu aussi une attaque à la grenade d’un groupe de jeunes qui avaient travaillé pour la TNA le jour de l’élection. Les forces de sécurité et les partis alliés du gouvernement sont les seuls à pouvoir avoir accès aux armes à feu et aux grenades. Tout cela a semé la peur parmi la population, leur faisant passer le message qu’ils auraient dû soutenir le parti au pouvoir.

10.) Médias muselés dans le Nord

Depuis que le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir, on a enregistré un certain nombre d’attaques contre les membres des médias, certains ayant été blessés ou même assassinés dans leur bureau. L’an dernier, des distributeurs de quotidiens du Nord ont été ciblés, leurs véhicules endommagés et les journaux brûlés. L’un des bureaux régionaux de ces quotidiens a été incendié à Kilinochchi et, à ce jour, aucun suspect n’a été interpellé. Tout cela se produit en dépit d’une forte présence militaire et les assaillants peuvent, semble-t-il, aisément échapper à la surveillance. Tout journal qui se permet de critiquer les actions du gouvernement reçoit ainsi le message clair qu’il ne pourra pas survivre.

Le gouvernement sri-lankais se doit de poser des actes positifs envers les habitants du Nord et de l’Est en s’attaquant à ces questions afin de regagner leurs cœurs. Le peuple a massivement démontré qu’un développement imposé de l’extérieur ne remplace pas la justice, la paix et le travail de réconciliation.

Nous formons des vœux et prions pour que Votre Excellence use de ses bons offices pour persuader les personnes concernées d’apporter la justice et la paix dans notre pays.

Que Dieu vous bénisse.

Votre très dévoué,

P. Mangalarajah, SVB
Président de la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse catholique de Jaffna.

Envoi en copie à : Son Eminence le cardinal Malcolm Ranjith

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