Eglises d'Asie

Pékin qualifie de « déraisonnable et grossière » la sanction canonique appliquée aux deux évêques récemment ordonnés de manière illicite

Publié le 25/07/2011




C’est par les voies très officielles d’un communiqué diffusé par l’agence Xinhua que le gouvernement chinois a publiquement réagi aux sanctions d’excommunication auxquelles se sont exposés deux évêques « officiels » récemment ordonnés à l’épiscopat sans mandat pontifical (1). Le 25 juillet, l’agence de presse du gouvernement a publié une dépêche rapportant une déclaration du porte-parole de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses …

… selon laquelle la Chine estimait que « la soi-disant excommunication » prononcée par le Vatican à l’encontre des deux évêques était « extrêmement déraisonnable et grossière ».

« Si le Vatican se montre sincère dans son désir d’améliorer les relations [avec la Chine], il doit révoquer les excommunications et revenir sur le chemin du dialogue en faisant preuve de bon sens », a affirmé le porte-parole, ajoutant que le geste du Vatican avait « gravement blessé » l’Eglise de Chine et « attristé » fidèles et membres du clergé. « Le gouvernement suit de près cette affaire », a encore ajouté le responsable gouvernemental.

Depuis les ordinations illicites des 29 juin et 14 juillet derniers et les excommunications qui s’en sont suivies pour les deux évêques concernés, Mgr Paul Lei Shiyin à Leshan et Mgr Joseph Huang Bingzhang à Shantou, ce sont là les premières réactions officielles du gouvernement chinois, de hauts responsables de la partie « officielle » de l’Eglise en Chine ayant déjà annoncé, ces jours derniers, que la Chine n’en resterait pas à ces deux ordinations et préparaient d’ores et déjà d’autres ordinations épiscopales (2).

A n’en pas douter, le communiqué du 25 juillet traduit, de la part de Pékin, une réaffirmation de la plus stricte orthodoxie en matière de politique religieuse. Après avoir expliqué que les deux nouveaux évêques sont des catholiques pieux et capables et qu’ils jouissent du plein soutien de leurs prêtres et de leurs fidèles, le porte-parole de l’Administration d’Etat des Affaires religieuses a rappelé l’épisode de 1958, lorsque furent ordonnés les deux premiers évêques sans mandat pontifical (« auto-élus et auto-ordonnés » selon la terminologie officielle qui signifie là l’« indépendance » de l’Eglise de Chine vis-à-vis de Rome). « L’histoire a montré que l’Eglise de Chine ne se laisse pas intimider par les menaces du Vatican », a affirmé le porte-parole, soulignant que le clergé comme les fidèles continueraient à « marcher » avec une fermeté renouvelée sur le chemin des « trois autonomies » ainsi que de « l’auto-sélection » et de « l’auto-ordination » des évêques. Le gouvernement chinois « continuera à leur apporter soutien et encouragement » sur ce chemin, a conclu le responsable chinois.

Dans la Chine actuelle, où chacun commente les luttes de clans et de factions accompagnant la mise en place d’une nouvelle équipe dirigeante à l’automne 2012, rares sont les voix à s’élever pour déplorer le retour, pour ce qui concerne l’Eglise catholique, à une politique très datée. Un ancien chercheur de l’Académie chinoise des sciences sociales a toutefois fait paraître une tribune appelant à une séparation apaisée des Eglises et de l’Etat comme « cela se trouve dans la plupart des pays à travers le monde ». Intitulée « L’Eglise ne peut servir deux maîtres à la fois », cette tribune est parue le 22 juillet sur les fils de l’agence catholique d’information Ucanews, qui propose un service en chinois (3). Elle a pour auteur Ren Yanli, un universitaire qui, bien que n’étant pas catholique lui-même, a dirigé durant plusieurs années le Bureau d’études du christianisme de l’Académie des sciences sociales à Pékin.

Fin 2009, Ren Yanli se montrait optimiste quant à une possible refonte de la politique religieuse du gouvernement chinois, la haute direction du Parti ayant, selon lui, abandonné l’idée d’imposer à l’Eglise catholique une indépendance synonyme de séparation du pape et de l’Eglise universelle (4). Las !, moins de deux ans plus tard, le même Ren Yanli déplore le fait que les récentes ordinations et « les incidents qui les ont entourées » ont « nuit à l’édification d’une société harmonieuse ». Il explique cette situation par le fait qu’« en Chine, il y a toujours eu des forces à l’œuvre chez certaines personnes » qui ne portent pas dans leur cœur « la nouvelle Chine » et « les brillants résultats auxquels elle est parvenue par les réformes et la politique d’ouverture ». Mais, écrit-il, « l’Histoire nous enseigne avec constance que l’esprit gauchiste ne fait que nuire à notre pays ». Il continue en déplorant que des instances comme la Conférence épiscopale chinoise ne font jamais entendre leur voix sur des sujets tels que les excommunications ou les désordres engendrés par les tensions actuelles. « Ce qui devrait rester silencieux ne le reste pas et ce qui doit être dit ne l’est pas », conclut le chercheur en appelant ses concitoyens à prendre en main leur destin.