Eglises d'Asie

Vive réaction du Saint-Siège à l’annonce d’une ordination épiscopale illicite en Chine

Publié le 18/11/2010




La réaction du Saint-Siège aura été prompte : il y a deux jours, des prêtres catholiques du Hebei s’inquiétaient de l’ordination illicite à venir d’un évêque non reconnu par Rome pour le diocèse de Chengde et en appelaient au pape, lui demandant de condamner « un incident d’une telle gravité », nuisible « à la communion » de l’Eglise en Chine (1). Aujourd’hui, 18 novembre, en salle de presse, le Saint-Siège, par la parole du P. Federico Lombardi, …

… a réagi, en disant son « trouble » face à une telle nouvelle et affirmant que l’ordination, si elle avait lieu, serait « dommageable pour les relations constructives qui ont été développées ces derniers temps entre la République populaire et le Saint-Siège ».

 

En provenance de Chine, de nouvelles informations font état des pressions, voire des contraintes, exercées sur des évêques « officiels » reconnus par Rome pour qu’ils participent ou assistent à la cérémonie de l’ordination épiscopale du P. Joseph Guo Jincai, prévue pour le 20 novembre. Outre les quatre évêques du Hebei qui ont été pressentis par Pékin pour la cérémonie d’ordination, un évêque du Liaoning, Mgr Paul Pei Junmin, évêque « officiel » de Shenyang, est sur la liste.

 

Aujourd’hui 18 novembre, Mgr Pei Junmin, 41 ans, se trouvait dans le diocèse de Chifeng, en Mongolie intérieure, pour une messe d’ordination de nouveaux prêtres. « Des fonctionnaires du Liaoning sont arrivés sur place, avec pour mission de l’escorter jusqu’à Chengde, sans doute demain vendredi », a précisé une source locale à l’agence Ucanews (2). Mgr Pei n’est plus en mesure d’entrer en contact avec ses frères dans l’épiscopat, mais il a été laissé libre de rencontrer les prêtres nouvellement ordonnés ainsi que les fidèles locaux, a ajouté la source.

 

Quant aux quatre évêques du Hebei qui ont été choisis pour ordonner à l’épiscopat le P. Guo Jincai, ils seraient retenus à Pékin, dans une situation proche de la résidence surveillée. Depuis plusieurs jours, certains d’entre eux avaient été « soustraits à la circulation » par les autorités et ils étaient injoignables, leurs téléphones portables ayant été débranchés, suscitant l’inquiétude de leurs prêtres (3). Aujourd’hui, des informations font état des détails suivants : Mgr Peter Fang Jingping, évêque de Tangshan, présiderait la messe d’ordination ; il serait assisté de Mgr Joseph Li Liangui, de Cangzhou (Xianxian), de Mgr Peter Feng Xinmao, de Hengshui (Jingxian) et de Mgr Francis An Shuxin, évêque coadjuteur de Baoding. Mgr Pei Junmin serait aussi du nombre des évêques co-consécrateurs.

 

Comme en réponse aux inquiétudes qui montaient de l’Eglise de Chine face aux pressions exercées par Pékin sur ces évêques, le Saint-Siège, dans son communiqué d’aujourd’hui, se dit « troublé par les nouvelles provenant de Chine continentale concernant le fait qu’un certain nombre d’évêques en communion avec le pape seraient contraints par des fonctionnaires du gouvernement à participer à une ordination épiscopale illicite à Chengde, dans le nord-est du Hebei, prévue aux alentours du 20 novembre ».

 

Le ton du communiqué romain monte ensuite d’un cran, le Saint-Siège considérant que, « si ces informations se révélaient authentiques », « de telles actions » constituent « de graves violations de la liberté de religion et de la liberté de conscience ». Le communiqué du Saint-Siège reprend ici des termes qui avaient déjà été utilisés en 2000 et en 2006, lorsque Pékin avait fait procéder à des ordinations épiscopales illicites (4). Toutefois, contrairement aux réactions du Vatican de 2000 et 2006, le Saint-Siège ne fait pas état, cette fois-ci, de la possibilité d’une sanction canonique, à savoir l’excommunication latae sententiae, l’excommunication de fait, pour les prêtres ou les évêques qui portent un geste contraire à la communion ecclésiale. Connaissant certainement la réalité des pressions subies par les évêques que Pékin voudraient voir officier pour l’ordination épiscopale du P. Guo Jincai, Rome se contente de préciser que cette ordination est « illicite » – car le P. Guo Jincai « n’a pas reçu l’approbation du Saint-Père pour être ordonné évêque de l’Eglise catholique » – et qu’elle est « dommageable pour les relations » tissées ces derniers temps entre le Saint-Siège et la République populaire.

 

Pour conclure, le communiqué indique qu’« intéressé à développer des relations positives avec la Chine », le Saint-Siège « a contacté les autorités chinoises à propos de l’ensemble de la question et a clarifié sa position ». Etant donné que dix ordinations épiscopales ont été menées en Chine continentale depuis le début de cette année et que, toutes, ont concerné des évêques « officiels » reconnus par Rome, on peut penser que « l’ensemble de la question » renvoie au mode opératoire par lequel Pékin et le Saint-Siège œuvrent à la nomination de nouveaux évêques pour l’Eglise en Chine : d’un côté, le Saint-Siège s’abstient de nommer de nouveaux évêques « clandestins », et, de l’autre, Pékin s’abstient de mener à l’épiscopat des candidats qui n’ont pas été acceptés par le pape. Dans le cas du P. Guo Jincai, le processus a failli. Les raisons en sont peut-être dans la mise en place prochaine de l’Assemblée nationale des représentants catholiques, instance non reconnue par Rome et qui doit élire le futur président de la Conférence des évêques « officiels » et le futur président de l’Association patriotique des catholiques chinois. Le P. Guo Jincai, qui est vice-secrétaire général de l’Association patriotique, est sans doute appelé par Pékin à une promotion au sein de cette instance et, aux yeux de Pékin, il a besoin pour cela de revêtir des habits épiscopaux.