Eglises d'Asie

Shahbaz Bhatti, ministre fédéral des Minorités et catholique militant, a été abattu ce matin pour son opposition à la loi anti-blasphème

Publié le 02/03/2011




Shahbaz Bhatti, 42 ans, ministre fédéral des Minorités et catholique militant contre la loi anti-blasphème, a été abattu ce matin à Islamabad par quatre « personnes non identifiées » et masquées qui ont criblé de balles sa voiture avant de prendre la fuite. Le meurtre a été revendiqué par le Tehrik-e-Taliban Pakistan, un mouvement fédérant différentes organisations islamistes et réputé proche d’Al Qaeda, accusant le ministre de s’être « opposé à la loi anti-blasphème ».

Après Salman Taseer, le gouverneur du Pendjab, tué le 4 janvier dernier par son garde du corps pour avoir soutenu la chrétienne Asia Bibi condamnée à mort pour blasphème (1), Shahbaz Bhatti rejoint la liste noire des personnalités politiques assassinées à la suite de fatwas émises contre les détracteurs de cette loi qui continue de décimer les minorités religieuses du Pakistan (2).

 

Le Vatican a immédiatement réagi en qualifiant le crime « d’acte de violence inqualifiable » et en lançant « un appel pour que chacun se rende compte de l’urgence dramatique de la défense de la liberté religieuse et des chrétiens qui sont victimes de violences et de persécutions ».

 

Le P. Andrew Nisari, Vicaire général du diocèse catholique de Lahore, s’est fait l’interprète auprès des médias de la consternation de la communauté chrétienne du Pakistan qui perd son unique soutien au sein du gouvernement fédéral. « Ce n’est pas seulement une perte pour les chrétiens mais pour la nation tout entière », a-t-il déclaré ce mercredi 2 mars au nom de Mgr Lawrence Saldhana, archevêque de Lahore qui réunissait en urgence un comité épiscopal oecuménique. « Shabhaz Bhatti se battait pour la justice et son assassinat révèle d’autant plus la fragilité du gouvernement et le pouvoir des fanatiques. »

Un constat que partage Mgr Anthony, évêque d’Islamabad-Rawalpindi : « C’est une tragédie, non seulement pour les minorités mais pour l’humanité entière » a-t-il déploré. « Combien de temps encore le sang devra-t-il couler avant que l’on réalise que c’en est assez ! »

Depuis la mort de Salman Tasser, pourtant musulman mais jugé par les islamistes comme étant un wajib ul qatal (apostat), le ministre fédéral des Minorités se savait menacé et avait cessé ses apparitions en public. « Je suis la prochaine cible » avait-il déclaré à l’AFP, qui l’interrogeait sur son soutien à l’amendement de la loi sur le blasphème, présenté par un groupe de parlementaires (3). Une fatwa avait été effectivement émise contre lui alors que le président Zardari venait de le charger de former un comité d’experts et d’universitaires afin de réfléchir à la manière de prévenir l’utilisation de la loi sur le blasphème pour régler des litiges personnels ou rechercher un gain politique.

 

Nommé à ce poste en novembre de 2008, Shabhaz Bhatti était le premier ministre catholique pour les minorités religieuses du Pakistan. Il venait d’être reconfirmé dans ses fonctions lors du récent remaniement ministériel en février dernier. Luttant depuis de nombreuses années au sein du All Pakistan Minorities Alliance qu’il avait fondé en 1985, il avait reçu de nombreuses récompenses internationales pour son engagement en faveur des droits de l’homme, de la liberté religieuse et de la paix.

 

Depuis que la nouvelle de l’assassinat de Shabhaz Bhatti s’est répandue au Pakistan, différents groupes de chrétiens et de militants des droits de l’homme prévoient d’organiser des manifestations afin de dénoncer l’inarrêtable montée de l’extrémisme dans le pays et la soumission du gouvernement aux diktats des islamistes.