Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Enjeux actuels du catholicisme coréen

Publié le 18/07/2014




Du 14 au 18 août 2014, le pape François vient à la rencontre de l’Eglise catholique de Corée. Dans l’étude ci-dessous, traduite par la Rédaction d’Eglises d’Asie, le sociologue des religions Park Moon-Su propose une étude des forces et faiblesses de l’Eglise en Corée.

Les chiffres le montrent : année après année, le nombre des catholiques en Corée croît. Face à ce phénomène, le sociologue Park prend pourtant ses distances pour ne pas se laisser entraîner à une certaine euphorie due à l’augmentation continue du nombre des baptisés, au renouveau biblique à l’œuvre dans l’Eglise de Corée ou encore à la ferveur dont font montre les fidèles. Il s’attache à étudier ce qu’il identifie comme certains points faibles de l’Eglise en Corée. Bon connaisseur de cette Eglise – il a conseillé plusieurs diocèses et congrégations religieuses à analyser leur état –, il est attentif à la manière dont les non-catholiques perçoivent les catholiques et l’institution ‘Eglise’. Si son approche comporte les limites propres à toute étude sociologique d’une communauté de foi, elle demeure cependant stimulante.

Intitulée « Urgent Issues Facing Modern Korea Catholicism and Their Subtext », cette étude est parue dans le Korea Journal, publication bilingue (anglais-coréen) rattachée à l’Unesco (vol. 52, n° 3, automne 2012, pp. 91-118).
 

Les changements qui se sont produits au sein du catholicisme coréen depuis les années 1990 sont considérables. Le plus notable de ces changements a été un glissement du noyau de la communauté catholique de la classe moyenne inférieure vers la classe moyenne supérieure (1). L’implication des catholiques dans les questions sociales, considérée comme une des caractéristiques majeures du catholicisme coréen, est devenue nettement moins active. Les indices d’« engagement religieux », en termes de sociologie de la religion, ont également baissé. D’autres phénomènes nouveaux ont commencé aussi à se manifester, à l’intérieur comme à l’extérieur du catholicisme coréen.

Compte tenu des réalités, il pourrait paraître judicieux que cet article couvre la période débutant en 1990. Mais nous mettrons l’accent sur la période qui a débuté avec l’an 2000, année que l’Eglise catholique romaine a célébré comme étant celle du Grand Jubilé, jusqu’à aujourd’hui. En effet si la plupart des phénomènes ont débuté à partir des années 1990 (2), le catholicisme coréen n’a commencé à mettre en œuvre des moyens pour expliquer les causes de semblables phénomènes et y répondre qu’à partir de l’année 2000. C’est pour cette raison que la période de 2000 à aujourd’hui est la plus pertinente pour comprendre les modifications internes subies par le catholicisme coréen. En conséquence, cet article s’attachera à cette période pour explorer les problèmes urgents auxquels le catholicisme coréen moderne se trouve confronté et leurs enjeux sous-jacents.

En premier lieu, à la lecture des données statistiques, la tendance des changements que le catholicisme coréen actuel a connue au cours de cette période sera examinée. Les données utilisées sont extraites de Hangkuk cheonju gyohoe tonggye (Statistiques de l’Eglise catholique de Corée), publiées par la Conférence des évêques catholiques de Corée (CBCK selon l’acronyme anglais) (3), des études qualitatives menées auprès de catholiques à l’intérieur et à l’extérieur de l’Eglise, et les résultats de sondages effectués à l’extérieur du catholicisme. Ensuite, l’article examinera des thèmes qui posent question au catholicisme en interne, reprenant les problèmes que des rencontres universitaires catholiques ou la presse traitent fréquemment. Afin de ne pas privilégier un point de vue lié à la foi dans l’évaluation des problèmes, ce sont les opinions des chercheurs adoptant une position relativement critique qui ont été retenues. Enfin, les problèmes débattus actuellement au sein de l’Eglise catholique coréenne seront traités, ce qui, je le prévois, influera sur ses futures orientations.

Documentés par les trois sources ci-dessus mentionnées, les causes des problèmes urgents auxquels fait face l’Eglise catholique coréenne, les caractéristiques des difficultés qui en découlent, et les réponses possibles seront examinées. L’interprétation sera réduite au minimum et une attention particulière sera accordée à un relevé consciencieux des phénomènes.

Problèmes auxquels le catholicisme coréen moderne est confronté et ses efforts pour y faire face

Depuis les années 1990, le catholicisme coréen a connu une augmentation continue de la taille de sa communauté. Avec cet accroissement de la communauté, le nombre des paroisses, des prêtres et également des religieux a donc enregistré une très forte progression. Sa participation à l’aide sociale a également connu la plus forte augmentation quantitative parmi toutes les différentes dénominations religieuses de Corée.

Dans le même temps, la fréquence des déclarations du catholicisme concernant la société et son implication sociale a chuté. Les actions des associations de laïcs qui avaient l’habitude de contribuer activement à des mouvements sociaux ont diminuées de manière significative. L’accroissement du nombre de prêtres s’est traduit par un retrait des laïcs dans les activités de l’Eglise. Parallèlement à l’enrichissement soudain de l’Eglise et à l’augmentation des influences politiques et sociales de l’Eglise, le catholicisme a été également qualifié, dans un esprit critique, de « puissance religieuse », à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Eglise.

En ce qui concerne la vie de foi de la communauté, des signes d’un engagement religieux moins fort, au sens de la sociologie de la religion, sont devenus manifestes. Le sens de la communauté parmi les fidèles s’est affaibli et le nombre de catholiques que l’on pourrait qualifier de « tièdes » a continué à progresser. De plus, alors que le nombre des jeunes a baissé, celui des personnes âgées a beaucoup augmenté.

Ainsi, le catholicisme coréen a connu en interne des changements quantitatifs et qualitatifs, parallèlement aux transformations qui ont eu lieu dans le pays. Ce qui suit est une analyse des changements qui se sont produits, à la fois sur le comment et sur le pourquoi de leur déclenchement.

Augmentation soutenue de la taille de la communauté, une augmentation à double tranchant

L’accroissement de la taille de la communauté a permis de renforcer l’influence sociale du catholicisme coréen, mais, en même temps, il a suscité diverses critiques théologiques au sein même de l’Eglise.

Le nombre total des catholiques est passé de 4 071 560 en 2000 à 5 309 964 en 2011, soit un accroissement de 1 238 404. Cela représente une augmentation de 30,4 % à partir de 2000 et un accroissement annuel moyen de 103 200 fidèles. Au 31 décembre 2011, le nombre des catholiques coréens représentait 10,3 % de la population sud-coréenne. Le taux de croissance des catholiques, comparé à la période antérieure à 2000, a diminué mais un accroissement quantitatif se poursuit (CBCK 2011 ; 2012,9).

Il est intéressant de noter que l’augmentation de la taille de la communauté catholique coréenne s’est produit à une période de faible accroissement du bouddhisme et d’une petite diminution du protestantisme (Choi 2011, p. 47). Selon une comparaison des recensements de 1995 et de 2005, seul le catholicisme, parmi les trois religions principales du pays, a enregistré une augmentation à 2 chiffres de la taille de sa communauté en une décennie. Un accroissement semblable de la communauté catholique a été enregistré également au cours de la période couverte par le présent article.

Le nombre de prêtres en Corée est ainsi passé de 2 868 en 2000 à 4 415 en 2011, soit 1 547 de plus, ou une augmentation de 53,9 % depuis 2000. Ce taux de croissance est 1,77 fois celui des croyants (CBCK 2011, 2012,13). Le nombre d’étudiants enregistrés dans les séminaires du pays était de 1 686 en 2011, soit 201 de moins par rapport aux 1 887 de 2000. Ce taux représentait une baisse de 10,7 % depuis 2000. Sur le nombre d’étudiants inscrits, le nombre de frères religieux et de religieuses est passé de 243 en 2000 à 359 en 2011, alors que celui des étudiants laïcs est descendu de 37 en 2000 à 23 en 2011. Le nombre de religieux masculins, y compris les membres d’instituts séculiers et de sociétés de vie apostolique, en comptant les novices, est passé de 1 280 en 2000 à 1 521, soit 18,8 % d’augmentation pendant cette période. Le nombre de religieuses est passé de 8 967 en 2000 à 10 146 en 2011, soit 13,1 % d’augmentation. Le nombre des membres de communautés religieuses masculines et féminines et des prêtres diocésains a continué à croître, mais le taux de croissance s’est ralenti par rapport aux années antérieures à 2000 (CBCK 2011,7-28).

Une des raisons pour lesquelles la taille de la communauté de l’Eglise catholique coréenne a augmenté, est que la religion catholique apparaît comme celle qui met le mieux en œuvre les valeurs que le public coréen attend des religions, notamment « l’honnêteté et l’intégrité des pasteurs », « la considération vis-à-vis des plus faibles de la société », « l’harmonie entre les religions » et « la fidélité à sa mission spécifique» Choi 2011, p. 68). Le théologien protestant Cho Seon-Don a confirmé de telles tendances dans son étude précédente (Choi 2007). Une évaluation identique ressort d’un rapport d’enquête relatif à la prise de conscience du grand public au sujet d’une recherche sur « le catholicisme et les changements des questions sociales de la Corée moderne et contemporaine », auquel votre auteur avait participé (Kim, Park, and Park 2004).

Des théologiens catholiques progressistes ont prédit dans la dernière moitié des années 1990 que la croissance de la taille de la communauté catholique ne durerait pas longtemps, (Suh et Cheong 1998). Ils ont même averti que le catholicisme coréen, à moins qu’il n’essaye très énergiquement de se renouveler, courait le risque de vider les églises et de ne rester qu’avec les croyants les plus âgés, comme c’est le cas en Europe occidentale. Malgré cette crainte, et en raison de la croissance soutenue du catholicisme, la poursuite de cette croissance a été reconnue comme un élément stable. C’est pourquoi la critique s’est déplacée en mettant en avant, d’un point de vue théologique, les risques de ce phénomène. Le P. Kim Jung-Yong, un des théologiens représentant cette tendance, a publié les avertissements suivants à propos des dangers induits d’une croissance de la communauté catholique qui ne serait pas accompagnée d’une croissance de la maturité spirituelle : « L’Eglise devrait s’occuper sérieusement de savoir si la valeur du Royaume de Dieu n’a pas été bouleversée par la croissance du nombre de croyants qui, bien que baptisés, n’ont pas réussi à s’enraciner profondément dans l’Esprit et la valeur de l’Evangile, et si les valeurs recherchées par l’Eglise n’ont pas été compromises ou renversées par l’ordre du monde et les valeurs mondiales erronées » (Kim Jung-Yong 2010, p. 146). Ces déclarations expriment l’inquiétude qu’une croissance de l’Eglise est en train de se réaliser alors que les problèmes internes du catholicisme ne sont pas traités comme il se doit. La croissance de l’Eglise pourrait avoir été rendue possible non pas par des efforts internes du catholicisme, mais par des causes externes comme les réponses insuffisantes des religions concurrentes, le protestantisme et le bouddhisme en particulier, face aux changements sociaux.

La taille accrue des communautés catholiques leur ont permis de mobiliser davantage de ressources humaines et matérielles. Cet accroissement de la communauté a accru leur présence dans l’action sociale, ce qui, à son tour, a contribué à promouvoir une image positive du catholicisme. Comme le P. Kim Jung-Yong l’a toutefois fait remarquer, ces changements n’occasionnent pas de simples problèmes théologiques. Le premier et le plus grave de ces derniers est que l’implication catholique dans les questions sociales a diminué depuis que la classe moyenne supérieure est devenue le noyau de la communauté catholique. La culture de l’Eglise, modelée par la classe moyenne supérieure, a entrainé une image du catholicisme comme étant une Eglise de privilégiés, fermée aux plus faibles de la société.

Deuxièmement, le prestige social du catholicisme, l’image positive qui l’accompagne et l’image de confiance et de transparence (4) sont parfois utilisés pour générer un profit monétaire : par exemple, l’entreprise de services funéraires « Rêve paisible » de l’archidiocèse de Seoul, les pèlerinages en Terre sainte ou les projets de construction. Ceci peut être interprété comme une tentative pour voir les croyants comme des clients potentiels et non pas pour permettre à la richesse de l’Eglise de se répandre à l’extérieur de l’Eglise.

Troisièmement, l’image positive du catholicisme empêche les critiques internes. Etant donné que son prestige vient d’une comparaison avantageuse d’avec les autres religions, sans être appuyé sur une forte solidité intérieure, la tendance a été de maintenir ce prestige en cachant les problèmes internes plutôt qu’en les rendant publics. Les pensées critiques publiques sont cantonnées à l’intérieur de l’Eglise, et il n’y a pas d’échange public au sein du catholicisme coréen.

Enfin, l’image positive de l’Eglise et la croissance de la taille de la communauté ont suscité une attitude optimiste qui se perpétuera même sans réforme !

Les efforts d’innovation de l’Eglise et leurs limites

On ne peut pas dire que l’Eglise catholique coréenne n’était pas du tout consciente de tels dangers. Le catholicisme coréen s’est efforcé de résoudre les défis auxquels il était confronté dans de multiples domaines au cours de ces vingt dernières années. Une des propositions les plus marquantes a été la tenue de synodes diocésains.

1.) Les synodes diocésains

On peut considérer que le plus grand changement du catholicisme coréen antérieur et postérieur à 2000 est la tenue des synodes diocésains. Les synodes diocésains ont été réunis sur les conseils du pape Jean-Paul II. Dans sa lettre apostolique « A l’aube du troisième millénaire », Tertio Millenio Adveniente, publiée le 10 novembre 1994, le pape a demandé que l’année 2000 soit considérée comme un Grand Jubilé, à l’occasion duquel chaque Eglise régionale devait se préparer, en réfléchissant sur les erreurs du passé et en renaissant par des innovations. Le Vatican, après la publication de la lettre apostolique, a demandé que des synodes soient convoqués sur chaque continent et que les Eglises régionales suivent les instructions données dans la lettre apostolique.

En phase avec cet appel synodal, les archidiocèses de Daegu, d’Incheon et de Suwon ont tenu des synodes à la fin de l’année 1999. L’archidiocèse de Séoul a achevé le sien en 2003 et le diocèse de Cheongju a tenu un synode plus récemment, entre 2005 et 2008. Les diocèses d’Andong, Jeonju, Busan et Gwangju ont réuni des semi-synodes. Par les synodes, les diocèses se sont efforcés de découvrir les besoins des membres de la communauté, d’examiner les problèmes accumulés et d’élaborer des solutions pour le long terme.

Les mouvements importants qui sont apparus au sein du catholicisme coréen depuis 2000, ont pour la plupart fait surface à travers les synodes ou lors de la mise en application des décisions des synodes. Les enfants étaient en tête de la liste des problèmes prioritaires soulevés par la plupart des diocèses dans la vague des synodes car le nombre de jeunes catholiques était plus faible que celui de leurs homologues des autres religions, et aussi parce que leur participation aux activités de l’Eglise déclinait. La deuxième priorité concernait la formation des fidèles, formation continue des prêtres comprise. Cette priorité visait à résoudre le problème du décalage entre maturité spirituelle et croissance quantitative. La troisième était l’accompagnement pastoral des personnes âgées en raison du vieillissement de la société coréenne. En dernier lieu, le catholicisme coréen a essayé de repenser ses services sociaux et a cherché des moyens de leur apporter une dimension pastorale. Ces tâches ont été conçues pour suppléer à la faiblesse du catholicisme coréen moderne et pour faire face positivement aux changements futurs de l’environnement de son ministère pastoral.

Cependant, ces efforts ont peu apporté en dépit de fortes attentes. Le résultat a été décevant ; cela apparut quand, compte tenu des deux à trois années de préparation des synodes, il aurait été normal que le temps et l’argent dépensé par l’Eglise pendant ces synodes portent des fruits et influence le cours de l’avenir.

Il y a de nombreuses raisons à ce résultat décevant. Premièrement, bien qu’une attention soutenue et des structures d’appui aient été mobilisées pour parvenir à un changement réel, aucune préparation n’avait été envisagée. Deuxièmement, les synodes n’ont pas réussi à capter l’intérêt des fidèles parce que l’attention était essentiellement portée sur les quelques questions soulevées à la dernière étape, plutôt que sur les problèmes soulevés et les suggestions proposées pendant l’étape préparatoire. Troisièmement, les dirigeants ont manqué de détermination pour mettre en œuvre les décisions. Ils se sont concentrés sur des objectifs à court terme, au lieu de mettre en place des objectifs nécessitant une décennie ou plus pour aboutir, et ont écarté des projets qui avaient peu de chance de produire les effets désirés à court terme. En dernier lieu, l’énergie a manqué pour solliciter une participation active des fidèles, en partie parce que la volonté de changer, de la part de fidèles, était défaillante.

L’Eglise coréenne a ainsi dépensé du temps et de l’argent à ce projet d’innovation à une échelle nationale et sur une longue période de temps, mais n’a pourtant pas réussi à atteindre les résultats espérés. Etant donné qu’un Grand Jubilé a rarement lieu, on peut dire que le catholicisme coréen moderne a laissé échapper une opportunité pour résoudre les problèmes et les tâches auxquels il est confronté.

2.) Efforts à court terme pour faire face à l’évolution de l’environnement du ministère pastoral

Peu après l’année 2000, un débat soutenu a concerné l’impact sur le ministère pastoral, de la semaine de cinq jours de travail qui devait être mise en place en 2003. La discussion était centrée sur le fait de savoir à quel point un tel changement réduirait l’assistance des fidèles à la messe du dimanche ou la participation aux activités de l’Eglise.

On s’est aperçu cependant que le rythme de cinq jours de travail provoquait peu d’effet sur les fidèles. Les membres de l’Eglise ont continué leurs activités religieuses le week-end en adoptant le modèle de loisirs japonais, consacrant le samedi aux activités extérieures et le dimanche au repos. Les activités religieuses dominicales des fidèles ont davantage été influencées par leur niveau de vie aisé, dans la mesure où ils ont cherché à donner plus de sens à leur vie avec des activités en dehors de l’Eglise plutôt qu’au travers de l’Eglise.

Un certain nombre d’événements et d’activités éducatives sont également apparus depuis 2003 en réaction contre le « nouveau mouvement spirituel ». Les médias de l’Eglise en ont pris la direction et la Conférence des évêques a publié une directive pour soutenir cette cause. Le nouveau mouvement spirituel est le développement du concept de la « nouvelle religion » que le théologien japonais Shimazono Susumu a présenté dans son livre, Seishin sekai no yukue : gendai sekai to shin reisei undo (L’avenir du monde spirituel : mouvements de spiritualité nouvelle dans l’ensemble de la société) (Shimazono 1997, pp. 275-281). Les nouvelles religions se réfèrent à des religions et pseudo-religions qui ont émergé au Japon après la deuxième guerre mondiale.

En ce qui concerne le catholicisme coréen, Rol Gil-Mioung a utilisé le premier le terme « nouveau mouvement spirituel » en développant le concept de Shimazono (Ro 2001). Le P. Cha Dong-Yeop a contribué à faire de ce thème un sujet d’intérêt pour l’Eglise en publiant, il y a un an, une série d’articles dans le Catholic Times et en en faisant la promotion dans ses conférences. La Conférence des évêques, intéressée, a souhaité la création d’une équipe de recherche qui réfléchirait à un plan d’action pour y faire face. L’équipe d’experts formée à cet effet décida de remplacer l’expression « nouvelle religion » par « religion émergente » étant donné que le terme « nouvelle » peut être interprétée comme une alternative positive à quelque chose d’existant ; alors que le terme « émergente » comporte une nuance quelque peu négative qui convient mieux pour se référer aux religions et pseudo-religions qui ont émergé en Corée et qui ont causé des controverses à la suite de la guerre de Corée.

Contrairement à la crainte de la hiérarchie de l’Eglise, toutefois, le nouveau mouvement spirituel émergent ne produisit pas d’effets notables. En fait, la préoccupation de l’Eglise et la mise en garde contre le mouvement était motivée par un souci de prévention d’une part, et provenait, d’autre part, d’une inquiétude à propos de la faible conscience religieuse des croyants. Les responsables de l’Eglise reconnaissaient ainsi que l’engagement religieux des fidèles catholiques était faible.

A l’occasion du débat sur la reproduction des cellules souches, un mouvement de formation sur l’éthique humaine s’est développé. Depuis 1990, l’Eglise catholique coréenne a davantage axé ses critiques sur le gouvernement et les ONG soutenant des positions telles la « loi sur la santé de la mère et de l’enfant » et l’euthanasie, que sur les problèmes sociaux et économiques de la nation (N. Kim 1997). La reproduction des cellules souches va à l’encontre de la position du catholicisme et son opposition s’est trouvée renforcée quand il a été révélé que les résultats des recherches du Dr Hwang Woo-Suk, personnage central en 2005 du débat sur la recherche des cellules souches, avaient été manipulés. Conforté par cet incident, le catholicisme coréen s’est efforcé de renforcer la prise de conscience des fidèles relative à la défense de la vie ; en fondant l’Ecole supérieure pour la Vie à l’Université catholique de Corée ainsi que des comités pour la Vie dans chaque diocèse. Mais les limites de cette promotion de la défense de la vie devinrent évidentes dans la mesure où elle se limitait aux seuls êtres humains et où peu de différences existe entre les catholiques et les non-catholiques sur cette question.

L’année 2007 a vu la publication de Gatollik sinja-ui jonggyo uisik-gwa sinang saenghwal (Conscience religieuse des catholiques et vie de foi), qui rend compte d’une enquête que le Catholic Times a menée et publiée à l’occasion de son 80ème anniversaire. Cette enquête montrait que les efforts du catholicisme n’avaient guère eu de résultats face aux problèmes pastoraux posés à l’occasion du Grand Jubilé. L’enquête manifestait que la taille accrue de la communauté n’avait pas été accompagnée par une croissance qualitative de la communauté et que la société avait une moins bonne image du catholicisme. De la même manière, il est apparu un engagement religieux des fidèles en baisse, en termes de sociologie de la religion, un intérêt réduit pour les enjeux sociaux et un relativisme de la conscience religieuse. Ces conclusions révèlent la pauvreté intérieure du catholicisme coréen qui ne correspond pas à sa réussite extérieure.

L’option pour les « petites communautés de foi », en dépit d’un démarrage difficile, a été qualifiée de tâche pastorale s’inscrivant dans le long terme. Ce projet vise à mettre l’accent sur la communion plutôt que sur la hiérarchie et les sacrements. Toutefois, la plupart des diocèses ont, soit suspendu le projet au cours de la décennie, soit l’ont tout simplement maintenu au minimum. Jeju (Cheju) et Uijeong-bu sont les seuls diocèses qui maintiennent encore cette proposition de petites communautés comme un projet pastoral alors que la plupart des diocèses l’ont virtuellement abandonné.

Les organisations progressistes d’apostolat des laïcs ont commencé à diffuser le « discours sur la puissance religieuse » en 2008. L’essentiel du discours s’appuyait sur l’idée que le catholicisme étant devenu une puissante force sociale, il en découlait des obligations et un impératif d’amélioration. La hiérarchie de l’Eglise aussi a tenu un discours d’avertissement fondé sur des objectifs pastoraux assez faibles. Les deux bords soutenaient que la croissance, se maintenant, était devenue un poison avec trop de conséquences négatives. Les deux proposaient des contre-mesures similaires mais en mettant l’accent sur des réalités différentes ; les catholiques laïcs progressistes ont placé leur effort sur le renforcement du rôle social de l’Eglise, alors que la hiérarchie de l’Eglise a mis l’accent sur la formation des fidèles. Toutefois, ce discours n’a pas réussi à s’imposer dans l’Eglise. D’une part, les médias de l’Eglise ont été réticents à amplifier le discours par crainte de son impact négatif sur l’image du catholicisme. D’autre part, les particuliers et les associations relayant ce discours avaient une faible influence au sein de l’Eglise et aucun média ne l’a repris pour le diffuser dans un autre cadre.

Les fonctions sociales du catholicisme coréen se sont développées remarquablement au cours de la période observée. Parallèlement au développement du domaine d’intervention de l’Etat, le catholicisme a vu ses activités prendre de l’ampleur dans différents domaines, grâce à une coordination public-privé. Depuis 2000, les accueils sociaux catholiques se sont accrus de 595 en gestion directe, 369 en commission et 67 dans d’autres cadres. Le nombre total d’institutions catholiques a connu un accroissement de 117,5 % depuis l’an 2000 (SWC 2011, 16).

Le catholicisme coréen s’est vu confier la moitié des centres d’accueils sociaux subventionnés par l’état, les gouvernements provinciaux et des organismes privés. C’est une incroyable réussite, étant donné que la taille de sa communauté est plus petite que celle du bouddhisme ou du protestantisme. Toutefois, les centres d’aides sociales catholiques dépendent de l’Etat pour 61 % de leur financement, alors que l’autofinancement est limité à 26,8 % (You 2008, 21). En conséquence, l’autonomie de leur gestion est insuffisante.

S’agissant du personnel des structures de protection sociale, le catholicisme peut là aussi difficilement revendiquer sa particularité, étant donné que ceux qui sont sans religion ou d’une autre croyance représentent 30 % du total. La gestion de ces structures nécessitant des compétences techniques, les conflits entre des assistants sociaux laïcs et la direction (prêtres et religieux) s’accentuent.

Les hôpitaux catholiques ont poursuivi leur expansion pendant la période considérée malgré le fait que les structures étatiques seraient en nombre suffisant en termes de services médicaux, quand bien même tous les hôpitaux catholiques fermeraient. En conséquence, les hôpitaux catholiques rencontrent des difficultés financières et sont critiqués pour avoir perdu leur souffle originel.

Principaux enjeux au sein du catholicisme

Conservatisme croissant des catholiques et moindre participation de l’Eglise dans la société

Sur le site de construction de la base navale au village de Gangjeong, sur l’île de Jejudo (Chejud-do), un certain nombre de prêtres catholiques et de religieux ont été récemment arrêtés par la police. L’incident s’est produit à la suite de la participation de catholiques à une veillée aux flambeaux contre l’importation de bœuf américain en raison de la maladie de la vache folle, ainsi qu’en opposition au démantèlement de la ville-fantôme de Namil-dong, dans le district de Yongsan-gu, à Séoul dans la continuité de la campagne appelant à la suspension du projet des Quatre fleuves (6).

La Conférence des évêques catholiques a fait une déclaration officielle (« Notre opinion sur les questions relatives à la vie et sur le projet des Quatre fleuves ») à l’issue de son assemblée plénière du printemps 2010, le 12 mars 2010, exprimant son inquiétude à propos du projet des Quatre fleuves. Mgr Peter Kang Woo-il, président de la Conférence épiscopale, a mis en garde contre les dangers des centrales nucléaires (W. Kang 2011) dans une contribution intitulée « Wonjaryeok baljeon » (Mise en garde des chrétiens au sujet de la production d’énergie nucléaire) publiée dans le numéro de juillet 2011 du magazine Gyeong Hyang. En mars 2012, Mgr Kang a mis en ligne sur le site Internet de la CBCK un article intitulé « Hanni FTA, gwayeon uri-ege doumi doel geosinga ? » (Est-ce que l’accord du libre-échange avec les Etats-Unis sera d’une réelle utilité pour nous ?) (7).

Mgr Matthias Lee Yong-hoon, président de la Commission ‘Justice et Paix’ de la CBCK, a visité le site de construction de la base navale à Gangjeong, sur l’île de Jejudo, le 15 septembre 2011 et a publié une déclaration défavorable à la construction de la base. La Commission ‘Justice et Paix’ est encore engagée dans cette campagne d’opposition à la base navale. De cette façon, la Conférence épiscopale a maintenu une position progressiste sur les problèmes nationaux sur lesquels progressistes et conservateurs sont farouchement opposés les uns aux autres, notamment sur le projet des Quatre fleuves, la production d’énergie nucléaire, la construction de la base navale à Gangjeong, et l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis.

L’implication de l’Eglise catholique coréenne sur de tels enjeux sociaux nous rappelle ses activités du même type entre la fin des années 1960 et le milieu des années 1980. Certaines différences sont toutefois notables entre alors et maintenant. Les organismes informels d’Eglise (telle l’Association des prêtres pour la justice) et l’Action sociale catholique de l’Eglise ont joué un rôle déterminant dans l’activisme social jusqu’au milieu des années 1980. Alors que les institutions telles que la Conférence épiscopale et sa Commission ‘Justice et Paix’ assurent aujourd’hui un rôle central. Des associations de laïcs et des particuliers participent aux campagnes, mais leur influence est minime comparée au passé. Aujourd’hui, on constate peu de déclarations et d’actions à l’appui des campagnes de la part des organismes laïques de l’Eglise. Du point de vue sociologique, il semblerait que seuls les prêtres et les religieux fassent de l’activisme social.

Jusqu’au milieu des années 1980, les fidèles ont été favorables à une participation sociale de l’Eglise. Même s’ils étaient opposés, ils ont rarement exprimé leur désaccord. Mais désormais, les membres de l’Eglise expriment leur opposition même contre les déclarations faites par la Conférence des évêques. Le nombre des catholiques qui expriment des opinions opposées a augmenté énormément, en particulier, depuis 2008 et le gouvernement dirigé par Lee Myung-bak ; et aussi, depuis que la hiérarchie de l’Eglise a commencé à articuler sa position officielle avec des enjeux nationaux qui sont très controversés entre progressistes et conservateurs. En conséquence, la voix de l’opposition, qui ne se faisait pas entendre dans le passé, est devenue maintenant forte et fréquente.

Un tel phénomène a été particulièrement ressenti depuis la fin des années 1980, quand l’Eglise a commencé à mettre en question la prédominance des membres de la classe moyenne supérieure au sein de la communauté. Des étudiants progressistes ont alors commencé à débattre sur les causes du recul de la participation de l’Eglise dans les affaires sociales et sur la diminution des critiques sociales en rapport avec la prédominance des croyants issus de la classe moyenne supérieure. Cette prédominance s’est accentuée au cours des années récentes jusqu’à ce que le catholicisme coréen soit maintenant considéré comme la communauté de la classe moyenne supérieure (8).

Est-ce vraiment une réalité ? La seule source de données disponibles par laquelle les classes sociales de la communauté catholique peuvent être déterminées est Gatollik sinja-ui jonggyo uisik-gwa sinang saenghwal (Conscience religieuse des catholiques et vie de foi), résultat d’une enquête qualitative que la presse catholique entreprend tous les dix ans. Ce qui suit est une analyse de l’étude la plus récente, proposée par la presse catholique à l’occasion de son 80ème anniversaire (RCIPM) sur la conscience de soi de la communauté (9).

Selon ce rapport, « en fonction des résultats des données de 2005 du Bureau national coréen des statistiques, le niveau d’instruction des catholiques est plus élevé de 8,9 point de pourcentage par rapport à la scolarisation moyenne… Catholiques et protestants ont fait preuve d’un niveau plus élevé en comparaison du niveau moyen d’étude de la population entière, alors que les citoyens qui ne pratiquent pas de religion et les adeptes du bouddhisme et d’autre religions, ont montré un niveau plus faible » (RCIPM 2007, pp. 27-28). Quant à la répartition géographique et professionnelle, « les catholiques, toutes proportions gardées, présentent comme spécificité de vivre concentrés dans le centre de la région métropolitaine de Séoul. En matière de structure professionnelle, les catholiques sont engagés dans des métiers dont le revenu est relativement supérieur à celui de l’ensemble de la population. Dans les normes de revenus aussi, le revenu total des catholiques dépasse de beaucoup la moyenne nationale » (RCIPM 2007, pp. 31-35).

On peut donc en conclure, qu’étant donné qu’ils sont au dessus de la moyenne nationale en termes d’indices de partage des classes, la proportion des catholiques de la classe moyenne supérieure peut être considérée comme élevée. En conséquence, comme la classe moyenne dans la société coréenne est politiquement conservatrice, on peut déduire que la prédominance de la classe moyenne supérieure au sein de la communauté a entraîné en partie le conservatisme politique croissant du catholicisme.

La deuxième raison peut être trouvée dans la moindre conscience sociale des fidèles. Le tableau 1 présente ainsi le résultat d’une étude concernant l’appétence des catholiques pour prendre part au militantisme social

 

La volonté de participer totalise 45,6 %, 3,5 % optant pour une « participation active » et 42,1 % pour une « participation si possible ». D’autre part, la réponse « pas d’intérêt dans une participation sociale » représente 24,7 %. Sur l’ensemble des réponses, les réponses négatives pour une participation sociale de la communauté catholique, totalisent 54,5 %, soit 8,9 % de plus que les réponses positives.

Deuxièmement, les points de vue au sujet de la participation de l’Eglise dans les questions sociales étudiées en 2006, ainsi que ceux publiés dans la deuxième enquête de 1998, sont présentés dans le tableau 2. Dans la seconde enquête de 1998, 80,3 % des personnes interrogées acceptaient l’intervention de l’Eglise dans les questions sociales, ouvrant la perspective que le catholicisme coréen serait caractérisé par un intérêt social soutenu et une implication dans le XXIème siècle. Dans la 3ème enquête de 2007, toutefois, 65,3 % des personnes interrogées étaient d’accord pour la participation de l’Eglise aux problèmes sociaux, soit 15 points de moins depuis l’enquête de 1998. Le militantisme a notablement décliné. Ce résultat contraste fortement avec le haut degré de soutien, montré dans la première enquête de 1987, attestant que l’intérêt des fidèles catholiques pour la société a commencé à s’estomper dans les années 1990.

Les réponses aux principaux problèmes sociaux sont présentées dans le tableau 3. Pour essayer de mieux révéler les prises de position des membres de l’Eglise, le questionnaire porte seulement sur les questions sur lesquelles la droite et la gauche sont profondément divisées. Le résultat confirme que les fidèles sont beaucoup plus divisés sur des questions spécifiques que le questionnaire sur l’implication de l’Eglise ne semblait le montrer. Ce sont les réponses à ce questionnaire qui révèlent le mieux les prises de position actuelles des catholiques.

Source RCIPM (2007, 165)
*La moyenne est décomptée à partir de la valeur de 4 (1 = absolument opposé, 2 = opposé dans l’ensemble, 3 = soutenu dans l’ensemble, 4 = activement soutenu).

Un degré élevé de soutien (plus fort de 3 points sur un marquage total de 4 points) est seulement enregistré à la « résolution de la polarisation sociale » alors que les questions restantes ont toutes enregistré un soutien inférieur à 2 points. En général, cette fourchette de points existe quand le soutien ou l’opposition sont à parts égales ou quand l’opposition est plus forte. La volonté des croyants catholiques de participer aux affaires sociales diffère ainsi selon la question en jeu.

S’agissant des questions pour lesquelles la position de la droite ou de la gauche diffère notablement, les avis favorables et défavorables se rejoignent, ou les points de vue d’opposition l’emportent. Les opinions de soutien sont plus nombreuses sur les thèmes où la droite et la gauche sont très proches l’une avec l’autre. Compte tenu de cette évolution, on peut s’attendre à une opposition des fidèles aux déclarations sociales récentes des dirigeants de l’Eglise.

D’après les résultats des trois enquêtes effectuées au cours des deux dernières décennies, l’appétence des catholiques à participer aux affaires sociales a continué à diminuer et ces résultats ont également révélé que les différences politiques au sein des catholiques sont en corrélation avec les divisions progressistes et conservateurs de la société coréenne tout entière à propos de problèmes spécifiques controversés. Cela signifie que la croyance a peu d’incidence sur la formation des comportements politiques. Il est présumé en conséquence que les fidèles choisissent leurs opinions politiques selon leur niveau dans la classe sociale, sans lien avec leur religion.

Efforts pour renforcer la religiosité et l’implication des croyants

La deuxième question est de savoir si les catholiques coréens qui ont suivi l’inclusivisme, opteront pour l’exclusivisme en raison des contremesures pastorales que l’Eglise catholique coréenne a prises depuis 1990. La question est aussi de savoir si le modèle d’une vie religieuse passive des catholiques peut être changé par la rééducation des croyants et le mouvement des petites communautés maintenant en cours.

Le catholicisme coréen a commencé en 1990 à faire plus attention aux affaires pastorales internes à cause, d’une part, du rôle déclinant de l’Eglise dans la société en raison de la force croissante de la société civile et, d’autre part, des aspirations nouvelles des fidèles qui ont réveillé en conséquence l’intérêt pour leur formation. La nécessité de la hiérarchie de l’Eglise d’approfondir la qualité de la foi, qui a échoué à rattraper la forte croissance quantitative de la société, a aussi joué un rôle. Pour tenter de s’attaquer à ces problèmes, l’Eglise a décidé de proposer des rencontres pour étudier la Bible, d’introduire des petites communautés à l’intérieur de la communauté paroissiale, et de favoriser l’intérêt pour des mouvements spirituels. En contre partie, l’intérêt des catholiques pour la Bible et la spiritualité des laïcs se sont accrus fortement. Depuis lors, les organisations responsables de l’étude des Ecritures saintes (la plupart proches de congrégations religieuses) et le nombre de ceux qui étudient les Ecritures saintes, ont augmenté. Grâce à la participation active d’un grand nombre de nouveaux convertis issus de la classe moyenne, des efforts de revitalisation conduits par la Conférence des évêques, et le soutien des livres d’études et des programmes de développement, les catholiques intéressés par la Bible ont notablement augmenté (Park 2010b, p. 54).

Le mouvement des communautés ecclésiales de base, qui peut être considéré comme le grand projet pastoral du catholicisme coréen, a aussi été introduit dans le but de renforcer la solidarité affaiblie de l’Eglise et de transformer la structure hiérarchique en une structure de communion. Les petites communautés n’ont pas réussi à apporter un changement majeur, mais elles ont présenté aux fidèles une nouvelle image d’Eglise.

L’intérêt des catholiques pour la spiritualité laïque a également été stimulé. Avec des congrégations religieuses actives l’adoptant comme un nouveau domaine pastoral, le nombre des maisons pour suivre des retraites avec des programmes pertinents a fait un bond notable. D’ailleurs, les publications sur le sujet imprimées en nombre se sont accrues considérablement. Les dernières pratiques de spiritualité ont été introduites sans délai en Corée (Park 2010tb, pp. 55-56). Les opportunités pour les fidèles d’accéder aux études théologiques ont été plus fréquentes grâce aux instituts de catéchèse et à des cours sur la foi. Les programmes de formation pour les membres des paroisses ont augmenté tout autant.

Les efforts pastoraux de l’Eglise catholique conçus pour élever la connaissance de la foi des croyants et leur sens d’appartenance et de solidarité ont-ils provoqué un changement dans leur attitude à l’égard des autres religions, de l’inclusivité à l’exclusivité ? Et ont-ils changé l’attitude passive des catholiques à l’égard de la vie de foi en une attitude active ? Aucun changement ne semble encore s’être produit dans l’un ou l’autre aspect. Par exemple, les clichés typiques que le catholicisme maintient « une attitude ouverte à l’égard des autres religions et qu’il permet la pratique des rites mémoriaux aux ancêtres, et autorise de boire et de fumer » restent intactes (Choi 2011, p. 67). En outre, l’attitude des Coréens d’être tolérants et généreux envers les autres religions semble freiner la régression du catholicisme vers l’exclusivisme. (10)

Pour cette raison, les chances sont jugées très faibles de voir le catholicisme opter pour une ligne exclusiviste.

Peu de choses semblent avoir changé dans l’implication des fidèles. Aucune croissance dans les ressources mobilisées, en termes de matériel ou de temps, ne paraît avoir été enregistrée. Cela signifie que les efforts du catholicisme pour se rénover n’ont pas encore été couronnés de succès.

Le problème de l’autorité des prêtres

Peu de temps après que la Conférence des évêques eut adopté une déclaration exprimant son inquiétude au sujet du projet des Quatre fleuves, lors de son assemblée plénière du printemps 2010, le cardinal Nicholas Cheong Jin-Suk, archevêque de Séoul, a manifesté publiquement son opposition, en soulignant qu’il s’exprimait en son nom personnel. Quelques anciens membres importants de l’Association des prêtres pour la justice ont pressé le cardinal de quitter la tête de l’archidiocèse de Séoul. Bien que le cardinal ait souvent été l’objet de critiques dans le passé, c’était la première fois dans l’histoire du catholicisme coréen que sa démission était exigée.

Des avis opposés sur l’incident ont fait rage au sein de l’Eglise. Des catholiques soutenant la décision de la Conférence des évêques et l’acte de l’Association des prêtres pour la justice critiquaient l’action unilatérale du cardinal Nicholas Cheong et arguaient du fait que la critique de son action était justifiée. Des catholiques proches d’une expression traditionnelle de la foi et ceux qui étaient contre les positions de la Conférence des évêques et de l’Association des prêtres ont critiqué la demande de démission comme un acte d’insubordination. Bien qu’aucune donnée spécifique ne puisse être émise, puisque les positions opposées n’ont pas été rendues publiques dans les médias, la controverse a été véhémente dans l’Eglise. Et de nombreux catholiques étaient opposés à la Conférence des évêques et à l’Association des prêtres.

Sans parler de la controverse au sujet du projet des Quatre fleuves, cet incident manifeste que la demande l’Association des prêtres pour la justice a été ressenti par certains comme une remise en cause de l’autorité de l’Eglise. Sans s’arrêter sur la violation de l’accord obtenu au sein de la Conférence des évêques, ils ont affirmé que l’acte du cardinal ne constituait pas un motif pour demander sa démission, d’autant plus qu’il représentait l’opinion de certains membres de l’Eglise. Plus encore, ils maintenaient que même si le cardinal avait violé cet accord, des prêtres n’auraient pas dû demander sa démission. Au-delà du fait lui-même, cet incident est révélateur au sens où les laïcs coréens catholiques l’ont considéré comme un défi lancé par des prêtres contre l’autorité suprême de l’archevêque.

« Les catholiques laïques sages », un groupe critiquant les déclarations de la Conférence des évêques et les interventions de l’Association des prêtres dans les questions de l’Etat, ont, eux aussi, rendu publique leur position. Un journaliste qui partage leur opinion a rédigé un éditorial dans un quotidien national, dans lequel il a critiqué la Conférence des évêques. Quoique leur prise de position suivait une position politique particulière, plus précisément de droite, leurs expressions ont été masquées derrière la préoccupation que les évêques et les prêtres n’abiment gravement l’essence du catholicisme en abandonnant le rôle propre de l’Eglise et des prêtres. Cet incident, bien que survenant pour un motif différent, a constitué un défi aux prêtres lancé par les catholiques laïcs.

Dans les paroisses, un nombre considérable de catholiques a rejeté ou critiqué les sermons des prêtres soutenant la position de la Conférence des évêques. Ils ont exprimé leurs opinions non pas du point de vue de l’apostolat des laïcs, mais conformément à leurs intérêts politiques. Néanmoins, leur argument reposait sur l’affirmation que les évêques et les prêtres violaient le principe de séparation des Eglises et de l’Etat ; ils maintenaient que l’Eglise, si elle voulait rester fidèle au principe de ne pas s’ingérer dans le politique, ne devait pas interférer avec le fonctionnement de l’Etat. Quelle qu’en soit la raison, il apparaît que l’autorité des prêtres a chuté quelque peu depuis que la classe moyenne est venue constituer le noyau de la communauté.

D’un autre côté, il y a des gens qui pensent que l’autorité des prêtres s’est plutôt renforcée depuis que l’Eglise, ayant diminué ses actions sociales, s’est maintenant concentrée sur ses affaires intérieures. Le déclin de l’autorité des prêtres peut apparaître dans la région métropolitaine de Séoul et les grandes villes de province, mais l’autorité des prêtres semble rester intacte dans les diocèses de province. En outre, il se peut que l’autorité des prêtres n’ait pas diminué parce que les croyants approuvant l’autorité restent les seuls à pratiquer dans les églises, alors que ceux qui la rejettent sont devenus tièdes ou ont choisi de ne plus pratiquer du tout leur foi.

L’auteur considère ces trois phénomènes comme coexistant. Toutefois, le courant principal semble évoluer vers l’affaiblissement de l’autorité des prêtres. Même les croyants qui soulignent l’autorité des prêtres reconnaissent que la situation actuelle représente une amélioration par rapport au passé. Etant donné que les changements sociaux progressent plus rapidement que ceux qui ont lieu à l’intérieur de l’Eglise, ce décalage rend les croyants relativement moins sensibles aux changements au sein de l’Eglise.

Quelques autres problèmes

Le catholicisme coréen est relativement à l’abri des controverses qui ont perturbé les Eglises occidentales, telles que les abus sexuels de la part de prêtres sur des enfants ou des paroissiennes ainsi que la question de l’homosexualité. Il est difficile d’établir si ces questions n’ont pas été discutées alors qu’elles existent vraiment, ou si elles n’existent pas du tout.

Au début des années 1990, le féminisme a été introduit dans le catholicisme coréen avec l’inauguration de la communauté catholique féminine. La théologie féministe a été ainsi introduite pour l’apostolat féminin à partir du milieu des années 1990 et des théologiennes ayant reçu une formation théologique officielle commencèrent à intervenir. Elles ont fait des demandes insistantes pour l’ordination des femmes et pour élever le rang des femmes au sein de l’Eglise, critiquant le système hiérarchique patriarcal des prêtres. La société des théologiennes s’est fait connaitre parmi les religieuses et les laïques. L’extension de leur influence a toutefois été limitée en dépit de leurs efforts, parce que les réactions des croyantes n’ont pas été aussi positives que ce que l’on pouvait attendre, et parce que le système patriarcal de l’Eglise était renforcé encore plus avec le nombre croissant de prêtres et le rôle social déclinant de l’Eglise. En conséquence, le féminisme catholique est très peu présent.

Avec l’accroissement du nombre des membres de la communauté de la classe moyenne, la demande pour effectuer des pèlerinages vers la Terre Sainte s’est soudainement accrue. Les deux principaux journaux catholiques, Catholic Times et Peace Times, dirigent leurs propres sociétés de tourisme et d’autres entreprises de tourisme menées par des catholiques sont prospères. La Corée est régulièrement au deuxième rang mondial en termes de nombre de pèlerins vers la Terre sainte. Inutile de préciser que les protestants participent à un nombre très important de ces pèlerinages.

Il est difficile de savoir si ces pèlerinages vers la Terre sainte, qui entrainent de très importantes dépenses, sont des pèlerinages au vrai sens du terme ou si ce sont de simples visites touristiques. Ce qui est clairement évident est le fait que, bien qu’il y ait beaucoup de catholiques qui peuvent se permettre cette dépense, il y a un nombre important de croyants qui ne peuvent pas assumer les frais et, pour cette raison, la vague de prospérité de ces pèlerinages favorise un certain clivage au sein de l’Eglise.

Conclusion

Parmi les problèmes auxquels le catholicisme coréen est confronté aujourd’hui, ceux discutés dans cet article ont été sélectionnés à partir de discours fréquemment abordés dans les médias catholiques et parmi les universitaires. L’accent a été mis sur les caractéristiques des problèmes tout en évitant dans la mesure du possible toute interprétation. L’auteur a considéré que les problèmes ont généralement commencé à émerger au début des années 1990, décennie qui a vu les débuts de la modification de la structure de classe au sein de la communauté catholique et de l’essor ultérieur de problèmes plus fréquents et complexes, consécutifs à cette modification. Il est intéressant que les trois religions majeures de Corée aient toutes les trois connu ces changements. C’est pourquoi de tels phénomènes peuvent avoir été influencés plus par les changements de la société coréenne subis à l’époque que par ceux qui se sont produits au sein du catholicisme. S’il en est ainsi, il est plus approprié de considérer la période en question comme un tournant.

Un examen plus approfondi des expériences du catholicisme coréen moderne, en particulier depuis l’an 2000, montre que les principaux changements de l’Eglise, identifiés par l’auteur, incluent le conservatisme dans sa participation sociale, le report de la réforme malgré la taille grandissante de la communauté et la relativité de l’autorité. L’auteur a essayé de révéler que bien qu’il apparaisse extérieurement dynamique et jouisse de l’estime de la société coréenne, l’avenir du catholicisme coréen moderne n’est pas nécessairement brillant.

De son côté, l’Eglise catholique ne peut pas sans réserve accueillir une croissance continue de la communauté si cela la prive de son essence-même. En la considérant à partir de l’histoire de l’Eglise, un tel chemin est un raccourci pour être l’objet d’une condamnation sociale. C’est donc nécessaire de faire le point en détail sur les questions auxquelles le catholicisme coréen doit faire face pour son propre avenir aussi bien que pour celui de la Corée.

La prédominance des membres de la communauté de la classe moyenne supérieure, l’affaiblissement général de la piété, la solidarité relâchée de la communauté, et la pluralité intensifiée, toutes ces questions qui commençaient à être discutées depuis la dernière moitié des années 1980, ont été accentuées ou maintenues à des niveaux similaires durant la période observée. Le catholicisme, tout comme le protestantisme, a expérimenté un processus de stratification au sein d’une même religion.

Comme résultat, le catholicisme est devenu politiquement conservateur et a affiché une tendance à une inclinaison libérale, mettant l’accent sur les enseignements de l’Eglise en matière de dogmes et d’éthique. Du fait de cette tendance, les publics catholiques ont tendance à profiter des services fournis en écartant l’engagement religieux. De telles attitudes sont involontairement interprétées par les publics externes à l’Eglise comme l’inclusivité de religions voisines qui ont paradoxalement conduit à un accroissement de la taille de la communauté catholique ; cette apparence détermine l’image des catholiques dans la société.

Etant conscient de cette tendance et soucieux d’y faire face, le catholicisme coréen a fait des efforts pour effectuer des changements, mais sans résultat. Il semble que les chances soient beaucoup plus fortes pour le catholicisme de suivre les souhaits de ses croyants, et en conséquence, la possibilité augmente que le présent paradigme de l’Eglise catholique, centré sur la pratique sacramentelle, se trouve renforcé. Par conséquent, il se peut que l’évaluation sociale positive dont le catholicisme coréen a jouie jusqu’à présent ouvre la voie à une évaluation négative.