Eglises d'Asie

L’archevêque de la cité-Etat invite les chrétiens à se montrer moins matérialistes

Publié le 11/08/2014




A l’occasion du 49e anniversaire de l’indépendance de Singapour, l’archevêque catholique de la cité-Etat s’est adressé aux fidèles dans une longue Lettre pastorale. Le 9 août dernier, jour de la fête nationale, …

Mgr William Goh Seng Chye a invité les croyants à « renouveler leur esprit de solidarité envers les pauvres et les laissés-pour compte », et à rappeler l’importance de la famille en tant que premier « modèle éducatif pour les enfants ».

Il y a presque 50 ans, en 1965, Singapour se séparait de la Malaisie, au sein de laquelle, elle est toujours géographiquement enclavée. (1).

Le 49ème anniversaire de l’indépendance de la cité-Etat a été célébré avec un faste particulier sous le thème « Notre peuple, notre patrie », soulignant la forte volonté d’une jeune nation tenant à préserver son identité, en particulier, tant vis-à-vis de la Malaisie que de la Chine.

Singapour est aujourd’hui pour la plupart des pays d’Asie un symbole jalousé de prospérité économique et sociale. Bien plus petite que New York, la cité-Etat bénéficie d’un régime politique unique au monde, et jouit d’une liberté politique et religieuse que lui envoient bien d’autres Etats proches ou lointains.

Cependant, dans sa lettre pastorale, Mgr Goh, archevêque de Singapour depuis 2013, commence par citer une récente enquête « rapportant que [les Singapouriens] se considèrent comme l’une des populations les moines heureuses de la planète ».

Pourquoi ce constat pessimiste, pour une « jeune nation », qui peut s’enorgueillir d’avoir mené à bien et « dans un délai relativement court », sa transformation d’une ancienne colonie à « l’un des pays les plus riches du monde » ?, s’interroge Mgr Goh. Tout simplement parce que la « prospérité matérielle ne suffit pas », et que seule la richesse intérieure et morale peut combler l’homme, répond-il.

Dans un Etat où le principe de prospérité matérielle a été érigé en devoir national, le message de l’Eglise appelant régulièrement à se tourner vers des valeurs plus spirituelles doit sans cesse être réitéré. En témoigne le succès des megachurches protestantes qui drainent les foules en vantant les mérites de « l’Evangile de la prospérité ».

Malgré les scandales qui se succèdent au sein de ces immenses usines à prêcher la « prière efficace », c’est-à-dire l’alliance entre la réussite matérielle et spirituelle, l’engouement des Singapouriens pour ce concept évangélique à grand spectacle ne se dément pas.

A l’occasion de ce jour de fête nationale, qui a donné lieu à des célébrations d’Etat aussi grandioses qu’onéreuses, l’évêque catholique de Singapour a donc invité les croyants à « partager cette abondance avec les plus pauvres ». Disant espérer que « l’esprit de solidarité et de charité puisse être ainsi transmis aux jeunes », le prélat a ajouté que cet « apprentissage devait tout d’abord se faire au sein de la famille ».

« C’est dans leur famille que les enfants ont leur première éducation à la foi et à la formation des valeurs morales qui animent les principes de l’existence et du développement de la société elle-même », a poursuivit Mgr Goh.

« Refuser la solidarité avec ceux qui sont marginalisés par notre société, revient à rejeter le Christ lui-même, insiste le prélat qui demande à ses fidèles de « rester forts et à ne pas se laisser aveugler par des valeurs qui ne peuvent conduire à la véritable réussite [spirituelle] ».

Si la nation doit « demeurer solide et unie », elle ne peut faire l’impasse sur l’éducation morale des générations futures. « La formation de citoyens qui auront une intégrité, des valeurs morales et prendront soin d’autrui doit donc bien commencer à la maison, afin de forger des familles fortes qui seront le socle de la nation, contribuant au progrès économique et social pour le bien de l’humanité ».

Tout en rendant hommage à l’anniversaire de la naissance de la nation singapourienne, Mgr Goh achève sa Lettre pastorale en appelant à « une justice guidée par la compassion », ainsi qu’à « la paix, l’unité, la compréhension et la tolérance ».

Dans la cité-Etat, les chrétiens sont estimés représenter aujourd’hui plus de 18 % de la population, parmi laquelle on dénombre plus de 200 000 catholiques soit environ 5 % des Singapouriens. Le bouddhisme reste la religion la plus pratiquée du pays avec 33 % de fidèles, suivi de 15 % de musulmans, 11 % de taoistes et 5 % d’hindous.

Peu avant l’indépendance de Singapour, il n’y avait que 2 % de chrétiens, catholiques et protestants confondus. Les Eglises, qui se sont considérablement développées ces dernières années, en particulier en raison du caractère « moderne » qu’elles représentent désormais aux yeux des Singapouriens (2), ne cessent de croître, surtout au sein des communautés protestantes.

L’Eglise catholique poursuit également son essor, quoique de façon moins spectaculaire, comme en atteste l’ouverture en janvier dernier d’un séminaire, le Theological Institute of Singapore (CTIS).

(eda/msb)