Eglises d'Asie – Birmanie
POUR APPROFONDIR – Les évêques catholiques appellent à la fin de la guerre civile
Publié le 18/08/2014
Le conflit qui ensanglante les « régions ethniques » de la Birmanie, en particulier dans l’Etat kachin, a fait plus de 200 000 déplacés depuis 2011 et des milliers de morts.
La traduction est de la rédaction d’Eglises d’Asie.
Appel à la fin immédiate de la guerre civile par les évêques des territoires kachin et shan
Nous, les évêques représentant les trois diocèses catholiques de Myitkyina, Banmaw et Lashio, publions cette déclaration après avoir délibéré avec les représentants de tous les peuples vivant sur les territoires kachin et shan ainsi que les populations déplacées.
Nous avons été les témoins de la souffrance de notre peuple depuis que le conflit armé a repris il y a trois ans. Nous avons vu des centaines de personnes innocentes tuées et enterrées dans des fosses communes, des milliers de déplacés parqués dans des camps inhumains, détruisant toute dignité et handicapant gravement leur avenir.
Les brefs intermèdes de paix n’ont pu apporter aucun réconfort mais seulement de terribles déceptions.
Cette guerre brutale a infligé des dommages collatéraux incommensurables au peuple kachin. Des centaines de femmes kachins innocentes et sans ressources ont été cédées comme des marchandises à des trafiquants d’êtres humains et des centaines d’entre elles ont été vendues comme esclaves, même au-delà des frontières birmanes. La guerre a empêché notre peuple de pouvoir subvenir à ses besoins, forçant les jeunes gens à chercher un moyen d’existence au péril de leur vie. La libre circulation de la drogue dans les zones kachins a fait tomber par centaines des victimes dans l’addiction aux stupéfiants.
Le génocide croissant de toute une génération n’a pourtant pas semblé retenir suffisamment l’attention des personnes concernées, faisant resurgir les doutes selon lesquels il s’agirait d’une volonté délibérée de détruire la jeunesse de notre pays. L’importance du trafic d’êtres humains et du trafic de drogue est une guerre non déclarée à notre peuple.
Profondément concernés en tant que citoyens et en tant que pasteurs, nous pressons tous les acteurs du conflit armé – qu’il s’agisse ou non des représentants des Etats – de s’employer à chercher une solution durable à cette guerre.
La paix est possible dans ce pays. La paix, fondée sur la justice, est le seul chemin qui s’ouvre à nous. Le problème kachin, comme celui des autres ethnies, pourrait être résolu par l’instauration d’un véritable fédéralisme, lequel assurerait l’intégrité des identités ethniques, des culture ainsi que des ressources.
Nous sommes profondément bouleversés par l’exploitation sans scrupules des ressources de notre peuple. Toutes les tentatives pour accaparer les terres ancestrales des populations doivent être immédiatement stoppées. Des lois datant de la période coloniale sont utilisées pour s’emparer des terres appartenant traditionnellement aux minorités ethniques. Nous demandons au gouvernement de reconnaître les lois coutumières ethniques. Les lois promulguées en 2012 font peser une lourde menace sur ces terres.
En définitive, c’est bien la question de la propriété des terres qui décidera de l’avenir de ce pays. Nous espérons que la plus grande attention sera accordée par tous à ce dossier sensible.
Les droits fondamentaux des civils doivent être protégés par les différentes parties impliquées dans le conflit. Nous notons avec une grande inquiétude les nombreuses tentatives de saisir les terres de ceux qui ont été déplacés et forcés à se réinstaller dans d’autres villages. Tous les groupes armés, d’Etat ou non,opérant dans ces zones se doivent de respecter le droit des civils à revenir dans leurs foyers. Le déminage de ces zones est une condition préliminaire et sine qua non à cette réinstallation.
La guerre a refusé aux citoyens [des pays kachin et shan] le droit fondamental à pouvoir subvenir à leurs besoins, forçant des centaines de nos jeunes à choisir des voies risquées pour survivre. Elle a exposé toute une génération à la traite des êtres humains et au trafic de stupéfiants. L’addiction à la drogue a dépassé aujourd’hui les seuils les plus élevés. La négligence des contrôles aux frontières et la non-application des lois ont permis aux mafias d’avoir le champ libre dans les régions shan et kachin ainsi que dans les autres zones « ethniques ».
Nous vous implorons de renforcer les contrôles aux frontières et de punir plus sévèrement les coupables responsables de ces exactions. Les initiatives émanant de la population elle-même doivent également être encouragées.
L’Eglise, avec l’aide de la communauté internationale et d’organisations locales, a pu secourir plus de 75 % des victimes de la guerre. La paix est incertaine. Il y a eu ces trois dernières années, plus de 200 000 personnes déplacées (IDPs) dans le cadre des différents conflits qui sévissent aujourd’hui dans ce pays.
Nous prions avec la plus grande insistance les parties en présence de revenir à la table des négociations en vue de trouver une solution politique sous la supervision de la communauté internationale. Nous espérons que cela permettra d’aboutir à une feuille de route, laquelle mettra en place une solution fédérale. Terminer cette guerre avec dignité est tout ce qu’il peut advenir de mieux pour le futur de tous les peuples vivant en région kachin et shan ainsi que toute la population du Myanmar.
La paix est fondée sur la justice, et c’est la seule voie qui soit offerte à chacun de nous.
Priant pour que puisse s’instaurer une paix durable, l’Eglise vous assure tous de son engagement à travailler avec les différentes parties formant la société du Myanmar, afin de mener à bien cet objectif tant désiré.
Mgr Raymond Sumlut Gham, évêque de Banmaw,
Mgr Francis Daw Tang, évêque de Myitkyina,
Mgr Philip Zahawng, évêque de Lashio
Ce 15 août, fête de l’Assomption de la Vierge Marie
(eda/msb)