Eglises d'Asie

Des islamistes attaquent des religieuses catholiques pour les « intimider » dans un conflit foncier

Publié le 22/08/2014




Selon les responsables catholiques locaux, c’était la première fois qu’un tel incident se produisait. Dans la nuit du 6 au 7 juillet dernier, vers deux heures du matin, une soixantaine d’hommes armés de machettes, de couteaux et de barres de fer…  

… ont forcé les portes de la mission catholique de Boldipuktur, dans le diocèse de Dinajpur, au nord-est du pays, et ont agressé les religieuses, tentant de les violer.

« C’est absolument sans précédent, parce que les religieuses bénéficient d’un très grand respect au Bangladesh », a confié Mgr Sebastian Tudu, évêque de Dinajpur, encore sous le choc, à l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED), dès le lendemain 8 juillet.

Les agresseurs, après être entrés dans le presbytère et avoir violemment battu le prêtre, le P. Anselmo Marandy, avaient ensuite pénétré dans l’infirmerie où ils avaient frappé et menacé la religieuse présente afin de savoir comment entrer dans le couvent. Une fois dans le monastère des sœurs Missionnaires de l’Immaculée (PIME), qu’ils ont entièrement vandalisé et pillé, les islamistes ont entrepris de frapper les religieuses et de tenter de les violer. Sur les sept religieuses présentes au moment des faits, trois ont subi des violences, pendant que les quatre autres essayaient de se cacher.

« Les assaillants ont tenté de violer les religieuses – lesquelles par la grâce de Dieu ont pu être sauvées. Cette tentative de profaner leur vœu de chasteté offert pour l’humanité et le service de Dieu est un crime honteux », a commenté le P. Anthony Sen, secrétaire de la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse catholique de Dijnapur.

Des biens dont la valeur s’élève à quelque 13 000 dollars, ont été également dérobés par le groupe de malfaiteurs dont la violence s’est déchaînée pendant plus de deux heures. Ce vol a incité la police locale à écarter toute piste communautariste, faisant du « cambriolage crapuleux » le motif officiel de l’attaque.

Une opinion qui est loin d’être partagée par les responsables des minorités du Bangladesh. « Il est évident que cette attaque, rigoureusement planifiée, visait explicitement les catholiques qui soutiennent les populations les plus pauvres du pays, en particulier en défendant leurs terres », a dénoncé Mgr Sebastian Tudu, qui a rappelé que c’était la même motivation qui avait été à l’origine de toutes les attaques de communautés chrétiennes et aborigènes par des islamistes dans le diocèse durant ces derniers mois.

L’an dernier dans la même région, des villages adivasis (aborigènes) avaient ainsi été attaqués par des groupes de musulmans extrémistes, dans le but de les intimider avant de procéder à des expropriations illégales. Les portes du séminaire de Dinajpur avaient également été forcées, les étudiants et le recteur frappés et blessés dans une attaque qui avait autant surpris la population que celle du 7 juillet dernier. Peu après, l’enquête avait révélé qu’une fois encore, des conflits concernant la possession de terrains appartenant à l’Eglise étaient à l’origine de l’agression.

Depuis, le séminaire a été transféré dans une région plus sûre, mais l’attaque du couvent de religieuses remet aujourd’hui sérieusement en question la sécurité des communautés catholiques (et majoritairement aborigènes) des diocèses de Dinajpur et de Rajshahi où les agressions, en constante augmentation, sèment la peur au sein de la population.

Dans le cas de la communauté religieuse de Boldipukur, c’est un politicien local musulman, Asaduzzaman Saja Fakir, du parti d’opposition extrémiste Jatiya Party, qui est soupçonné d’être le commanditaire de l’attaque. Malgré les dénégations de la police – que la population locale accuse d’être aux ordres des islamistes –, ce puissant propriétaire terrien entretient un conflit foncier virulent depuis des années avec l’église du Bon Sauveur de Boldipukur et son couvent (1). Selon les responsables catholiques du diocèse, l’influent politicien aurait voulu intimider les religieuses afin de s’approprier leurs propriétés foncières, une manœuvre déjà tentée en 2010 avant d’être stoppée par une décision de justice.

Confirmant cette suspicion, le P. Sen a rapporté au World Watch Monitor que « l’un des agresseurs avait demandé aux religieuses, alors qu’il les frappait, où étaient les documents concernant le litige foncier entre l’Eglise et cet homme politique local musulman très influent … ». De plus, a-t-il poursuivi, « lorsque des notables locaux musulmans essayent de s’approprier illégalement les terres des ‘tribals’ (adivasis), les religieuses se mobilisent à chaque fois pour les défendre ; ce soutien aux démunis est également une des raisons de l’attaque dont elles ont été victimes. »

Le 21 juillet, des milliers de chrétiens, auxquels s’étaient joints des musulmans et des hindous, ont manifesté dans différentes villes du Bangladesh en protestation contre l’attaque du 7 juillet. « Il est hors de question que nous puissions tolérer de telles attaques haineuses contre des femmes consacrées », déclarait à l’agence Ucanews le P. Sen, qui demandait au gouvernement « d’arrêter les coupables au plus vite ».

Selon l’agence onusienne IRIN, les attaques des minorités du Bangladesh – et en particulier des adivasis chrétiens – par la communauté bengalie musulmane majoritaire, en vue de saisir leurs propriétés, sont en augmentation. Au cours du mois de juillet, plusieurs autres incidents graves en rapport avec les litiges concernant la propriété des terres ont été signalés : le meurtre d’un chrétien membre de l’ethnie santal, et militant en faveur des tribals dépossédés de leurs terres (2), ainsi que le viol d’une femme de la tribu oraon par un groupe de musulmans dans le nord du pays.

« Si ces attaques continuent, les hindous – et toutes les autres minorités religieuses – devront quitter le Bangladesh, ce qui permettra aux propriétaires locaux d’occuper enfin leurs terres », conclut avec fatalisme Rana Dasgupta, secrétaire général du Bangladesh Hindu Buddhist Christian Unity Council.

Alors que la communauté aborigène s’était réjouie en novembre 2011 du vote d’une loi censée permettre aux minorités ethniques de récupérer leurs terres spoliées par l’Etat (3), la situation, loin de s’améliorer, n’a tout au contraire fait qu’empirer.

« Environ trois millions d’affaires civiles et criminelles sont actuellement traitées par la justice bangladaise dont 75 % sont des conflits fonciers », explique Shamsul Huda, directeur de l’Association pour la réforme et le développement des terres. « Notre système est discriminatoire, contre les pauvres et contre les aborigènes, poursuit-il. Il ne favorise que les puissants et les riches ; et dans 99 % des cas, la justice ne sera jamais rendue. »

(eda/msb)