Eglises d'Asie – Chine
DOSSIER : LETTRE DU PAPE BENOÎT XVI AUX ÉVÊQUES, AUX PRÊTRES, AUX PERSONNES CONSACRÉES ET AUX FIDÈLES LAÏCS DE L’EGLISE CATHOLIQUE EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
Publié le 18/03/2010
Salut [1]
But de la Lettre [2]PREMIÈRE PARTIE : SITUATION DE L’EGLISE – ASPECTS THÉOLOGIQUES
Mondialisation, modernité et athéisme [3]
Disponibilité pour un dialogue respectueux et constructif [4]
Communion entre les Eglises particulières et l’Eglise universelle [5]
Tensions et divisions au sein de l’Eglise : pardon et réconciliation [6]
Communautés ecclésiales et organismes d’Etat : relations à vivre dans la vérité et dans la charité [7]
L’Episcopat chinois [8]
Nomination des évêques [9]SECONDE PARTIE : ORIENTATIONS DE VIE PASTORALE
Sacrements, gouvernement des diocèses, paroisses [10]
Les provinces ecclésiastiques [11]
Les communautés catholiques [12]
Les prêtres [13]
Les vocations et la formation religieuse [14]
Les fidèles laïcs et la famille [15]
L’initiation chrétienne des adultes [16]
La vocation missionnaire [17]
CONCLUSION
Révocation des facultés et des directives pastorales [18]
Journée de prière pour l’Eglise en Chine [19]
Salut final [20]
Salut
1.) Chers Frères évêques, chers prêtres, chères personnes consacrées et chers fidèles de l’Eglise catholique en Chine, « nous rendons grâce à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ, en priant pour vous à tout instant. Nous avons entendu parler de votre foi dans le Christ Jésus et de l’amour que vous avez pour tous les fidèles dans l’espérance de ce qui vous attend au ciel… Nous ne cessons de prier pour vous. Nous demandons à Dieu de vous combler de la vraie connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle. Ainsi votre conduite sera digne du Seigneur, et capable de toujours lui plaire ; par tout ce que vous ferez de bien, vous porterez du fruit et vous progresserez dans la vraie connaissance de Dieu. Vous serez puissamment fortifiés par la puissance de sa gloire, qui vous donnera la persévérance et la patience » (Col 1, 3-5. 9-11).
Ces paroles de l’apôtre Paul sont tout particulièrement appropriées pour vous manifester les sentiments qui, comme Successeur de Pierre et Pasteur universel de l’Eglise, sont les miens envers vous. Vous savez bien combien vous êtes présents dans mon cœur et dans ma prière quotidienne, et combien le lien de communion qui nous unit spirituellement est profond.
But de la Lettre
2.) C’est pourquoi je désire vous manifester à tous l’expression de ma proximité fraternelle. Intense est la joie pour votre fidélité au Christ Seigneur et à l’Eglise, fidélité que vous avez manifestée « parfois même au prix de grandes souffrances » (1), car, « pour le Christ, il vous a été fait la grâce non seulement de croire en lui mais aussi de souffrir pour lui » (Ph 1, 29). Cependant, certains aspects importants de la vie ecclésiale dans votre Pays sont aussi source de préoccupation.
Sans prétendre traiter tous les aspects des problèmes complexes que vous connaissez bien, je voudrais, par cette Lettre, vous présenter certaines orientations concernant la vie de l’Eglise et l’œuvre d’évangélisation en Chine, pour vous aider à découvrir ce qu’attend de vous le Seigneur et le Maître, Jésus Christ, lui qui est « la clé, le centre et la fin de toute l’histoire humaine » (2).
PREMIÈRE PARTIE : SITUATION DE L’EGLISE – ASPECTS THÉOLOGIQUES
Mondialisation, modernité et athéisme
3.) Portant un regard attentif sur votre Peuple, qui s’est distingué parmi les autres peuples de l’Asie par la splendeur de sa civilisation millénaire, avec toute son expérience de sagesse, de philosophie, ainsi que dans les sciences et dans les arts, il me plaît de relever que, spécialement au cours des derniers temps, il s’est aussi mis en marche pour parvenir à des objectifs significatifs de progrès, dans les domaines économique et social, suscitant l’intérêt du monde entier.
Comme le soulignait déjà mon vénéré Prédécesseur, le pape Jean-Paul II, « l’Eglise catholique, quant à elle, considère avec respect cet élan surprenant et ces projets clairvoyants d’initiatives, et elle offre avec discrétion sa propre contribution dans la promotion et dans la défense de la personne humaine, de ses valeurs, de sa spiritualité et de sa vocation transcendante. L’Eglise a particulièrement à cœur des valeurs et des objectifs qui sont également d’une importance primordiale pour la Chine moderne : la solidarité, la paix, la justice sociale, le développement intelligent du phénomène de la mondialisation » (3).
La tension vers le développement économique et social, désiré et nécessaire, ainsi que la recherche de modernité, s’accompagnent de deux phénomènes différents et opposés, mais qu’il convient d’évaluer également avec prudence et dans un esprit apostolique positif. D’une part, on note, spécialement parmi les jeunes, un intérêt croissant pour la dimension spirituelle et transcendante de la personne humaine, avec comme conséquence un intérêt pour la religion, particulièrement pour le christianisme. D’autre part, on remarque, en Chine aussi, la tendance au matérialisme et à l’hédonisme, qui, à partir des grandes villes, est en train de se répandre à l’intérieur du Pays (4).
Dans le contexte dans lequel vous êtes appelés à travailler, je désire vous rappeler ce que le pape Jean-Paul II a souligné avec force et vigueur : la nouvelle évangélisation exige l’annonce de l’Evangile (5) à l’homme moderne, en étant conscient que, comme durant le premier millénaire chrétien la Croix fut plantée en Europe et durant le deuxième millénaire en Amérique et en Afrique, de même, durant le troisième millénaire, une grande moisson de foi sera recueillie dans le vaste et vivant continent asiatique (6).
« ‘Duc in altum’ (Lc 5, 4). Cette parole résonne aujourd’hui pour nous et elle nous invite à faire mémoire avec gratitude du passé, à vivre avec passion le présent, à nous ouvrir avec confiance à l’avenir : ‘Jésus Christ est le même, hier et aujourd’hui, il le sera à jamais’ (He 13,8) » (7). En Chine également, l’Eglise est appelée à être témoin du Christ, à regarder en avant avec espérance et à se confronter – dans l’annonce de l’Evangile – aux nouveaux défis auxquels le Peuple chinois doit faire face.
La Parole de Dieu nous aide, une fois encore, à découvrir le sens mystérieux et profond du chemin de l’Eglise dans le monde. En effet, « l’une des principales visions de l’Apocalypse a pour objet l’Agneau en train d’ouvrir un livre, auparavant fermé par sept sceaux que personne n’était en mesure d’ouvrir. Jean est même présenté en train de pleurer, car il n’y avait personne digne d’ouvrir le livre et de le lire (cf. Ap 5, 4). L’histoire demeure incompréhensible, indéchiffrable. Personne ne peut la lire. Peut-être ces pleurs de Jean devant le mystère de l’histoire si obscur expriment-ils le trouble des Eglises en Asie devant le silence de Dieu, malgré les persécutions auxquelles elles étaient exposées à cette époque. C’est un trouble dans lequel peut bien se refléter notre effroi devant les graves difficultés, les incompréhensions et les hostilités dont souffrent également aujourd’hui les Eglises dans diverses parties du monde. Ce sont des souffrances que l’Eglise n’a certainement pas méritées, pas plus que Jésus lui-même n’a mérité son supplice. Elles révèlent cependant la méchanceté de l’homme quand il s’abandonne aux suggestions du mal, comme aussi la manière dont Dieu mène supérieurement les événements » (8).
Aujourd’hui comme hier, annoncer l’Evangile signifie annoncer Jésus Christ, crucifié et ressuscité, l’Homme nouveau, le vainqueur du péché et de la mort, et lui rendre témoignage. Il permet aux êtres humains d’entrer dans une nouvelle dimension, où la miséricorde et l’amour même envers l’ennemi témoignent de la victoire de la Croix sur toute faiblesse et sur toute misère humaine. Dans votre Pays également, l’annonce du Christ crucifié et ressuscité sera possible dans la mesure où, en fidélité à l’Evangile, en communion avec le Successeur de l’apôtre Pierre et avec l’Eglise universelle, vous saurez manifester les signes de l’amour et de l’unité (« Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres… Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » Jn 13, 34-35 ; 17, 21).
Disponibilité pour un dialogue respectueux et constructif
4.) En tant que Pasteur universel de l’Eglise, je désire manifester ma vive reconnaissance au Seigneur pour le témoignage de fidélité dans la souffrance donné par la communauté catholique chinoise dans des circonstances vraiment difficiles. En même temps, je ressens comme étant de mon devoir profond et indéfectible, et comme l’expression de mon amour de père l’urgence de confirmer dans la foi les catholiques chinois et de favoriser leur unité par les moyens qui sont propres à l’Eglise.
Je suis aussi avec un intérêt particulier la vie de tout le Peuple chinois, Peuple que j’apprécie profondément et pour lequel j’ai des sentiments d’amitié, au point de formuler le souhait « de voir rapidement instaurées des voies concrètes de communication et de collaboration entre le Saint-Siège et la République populaire de Chine », car « l’amitié se nourrit de contacts, du partage des sentiments dans les situations heureuses et tristes, de solidarité, d’aide réciproque » (9). Et c’est dans cette perspective que mon vénéré Prédécesseur ajoutait : « Ce n’est un mystère pour personne que l’activité du Saint-Siège, au nom de toute l’Eglise catholique et – je crois – au nom de toute l’humanité, souhaite l’ouverture d’un espace de dialogue avec les Autorités de la République populaire de Chine, dans lequel, les incompréhensions du passé ayant été surmontées, l’on puisse travailler ensemble pour le bien du Peuple chinois et pour la paix dans le monde » (10).
Je suis conscient que la normalisation des relations avec la République populaire de Chine demande du temps et qu’elle présuppose la bonne volonté des deux Parties. Pour sa part, le Saint-Siège demeure toujours ouvert aux négociations, qui sont nécessaires pour dépasser le difficile moment présent.
En effet, la lourde situation de malentendus et d’incompréhensions ne sert ni les Autorités chinoises, ni l’Eglise catholique en Chine. Comme l’a déclaré le pape Jean-Paul II se rappelant ce que le Père Matteo Ricci écrivait de Pékin (11), « l’Eglise catholique d’aujourd’hui ne demande aucun privilège à la Chine et à ses Autorités politiques, mais uniquement de pouvoir reprendre le dialogue, afin de parvenir à une relation empreinte de respect réciproque et de connaissance approfondie » (12). Que la Chine le sache : l’Eglise catholique a le vif désir d’offrir, une nouvelle fois, un service humble et désintéressé, en ce qui relève de sa compétence, pour le bien des catholiques chinois et de tous les habitants du Pays.
En ce qui concerne aussi les relations entre la communauté politique et l’Eglise en Chine, il convient de se rappeler l’enseignement éclairant du Concile Vatican II, qui déclare : « L’Eglise qui, en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond aucunement avec la communauté politique et n’est liée à aucun système politique, est à la fois signe et sauvegarde de la transcendance de la personne humaine. » Et il continue ainsi : « La communauté politique et l’Eglise sont indépendantes l’une de l’autre, et autonomes dans le domaine qui est le leur. Mais toutes deux, bien qu’à des titres différents, sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Toutes deux exerceront ce service pour le bien de tous avec d’autant plus d’efficacité qu’elles pratiqueront davantage entre elles une saine collaboration, en tenant aussi compte des circonstances de temps et de lieu » (13).
Par conséquent, également l’Eglise catholique qui est en Chine a la mission non pas de changer la structure ou l’administration de l’Etat, mais d’annoncer aux hommes le Christ, Sauveur du monde, s’appuyant – dans l’accomplissement de son apostolat – sur la puissance de Dieu. Comme je le rappelais dans mon Encyclique Deus caritas est, « l’Eglise ne peut ni ne doit prendre en main la bataille politique pour édifier une société la plus juste possible. Elle ne peut ni ne doit se mettre à la place de l’Etat. Mais elle ne peut ni ne doit non plus rester à l’écart dans la lutte pour la justice. Elle doit s’insérer en elle par la voie de l’argumentation rationnelle et elle doit réveiller les forces spirituelles, sans lesquelles la justice, qui requiert aussi des renoncements, ne peut s’affirmer ni se développer. La société juste ne peut être l’œuvre de l’Eglise, mais elle doit être réalisée par le politique. Toutefois, l’engagement pour la justice, travaillant à l’ouverture de l’intelligence et de la volonté aux exigences du bien, intéresse profondément l’Eglise » (14).
A la lumière de ces principes auxquels on ne peut renoncer, la solution des problèmes existants ne peut être recherchée à travers un conflit permanent avec les Autorités civiles légitimes ; dans le même temps, une complaisance envers ces mêmes Autorités n’est cependant pas acceptable quand ces dernières interfèrent de manière indue dans des matières qui concernent la foi et la discipline de l’Eglise. Les Autorités civiles sont bien conscientes que l’Eglise, dans son enseignement, invite les fidèles à être de bons citoyens, des collaborateurs respectueux et actifs en faveur du bien commun de leur Pays, mais il est également clair qu’elle demande à l’Etat de garantir à ces mêmes citoyens catholiques le plein exercice de leur foi, dans le respect d’une authentique liberté religieuse.
Communion entre les Eglises particulières dans l’Eglise universelle
5.) Eglise catholique en Chine, petit troupeau présent et agissant dans le vaste territoire d’un Peuple immense qui marche dans l’histoire, comme elles résonnent pour toi, encourageantes et provocantes, les paroles de Jésus : « Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Lc 12, 32) ! « Vous êtes le sel de la terre, … la lumière du monde. » C’est pourquoi « que votre lumière brille devant les hommes : alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux » (Mt 5, 13. 14. 16).
Dans l’Eglise catholique qui est en Chine, se rend présente l’Eglise universelle, l’Eglise du Christ que, dans le Credo, nous confessons une, sainte, catholique et apostolique, à savoir la communauté universelle des disciples du Seigneur.
Comme vous le savez, l’unité profonde, qui lie entre elles les Eglises particulières se trouvant en Chine et qui les met aussi en intime communion avec toutes les autres Eglises particulières répandues à travers le monde, est enracinée dans la même foi et dans le Baptême commun, mais surtout dans l’Eucharistie et dans l’Episcopat (15). Et l’unité de l’Episcopat, dont « le Pontife romain, en qualité de Successeur de Pierre, est le principe et le fondement permanents et visibles » (16), se poursuit au long des siècles grâce à la succession apostolique et elle est aussi le fondement de l’identité de l’Eglise de chaque époque avec l’Eglise édifiée par le Christ sur Pierre et sur les autres apôtres (17).
La doctrine catholique enseigne que l’évêque est le principe et le fondement visible de l’unité dans l’Eglise particulière confiée à son ministère pastoral (18). Mais, dans chaque Eglise particulière, pour qu’elle soit pleinement Eglise, la suprême autorité de l’Eglise doit être présente, à savoir le Collège épiscopal avec son Chef, le Pontife romain, et jamais sans lui. Par conséquent, le ministère du Successeur de Pierre appartient à l’essence de toute Eglise particulière, « de l’intérieur » (19). En outre, la communion de toutes les Eglises particulières dans l’unique Eglise catholique, et donc la communion hiérarchique ordonnée de tous les évêques, successeurs des apôtres, avec le Successeur de Pierre, sont la garantie de l’unité de la foi et de la vie de tous les catholiques. Il est donc indispensable, pour l’unité de l’Eglise dans les différentes nations, que chaque évêque soit en communion avec les autres évêques, et que tous soient en communion visible et concrète avec le pape.
Personne n’est un étranger dans l’Eglise, mais tous sont citoyens du même Peuple, membres du même Corps mystique du Christ. L’Eucharistie est le lien de communion sacramentelle, et elle est garantie par le ministère des évêques et des prêtres (20).
Toute l’Eglise qui est en Chine est appelée à vivre et à manifester cette unité dans une spiritualité de communion plus riche, qui, tenant compte des situations concrètes complexes où la communauté catholique se trouve, croîtra aussi dans une communion hiérarchique harmonieuse. C’est pourquoi Pasteurs et fidèles sont appelés à défendre et à sauvegarder ce qui appartient à la doctrine et à la tradition de l’Eglise.
Tensions et divisions au sein de l’Eglise : pardon et réconciliation
6.) S’adressant à toute l’Eglise par la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, mon vénéré Prédécesseur, le pape Jean-Paul II, affirmait qu’il y a un « grand domaine pour lequel il faudra manifester et programmer un engagement résolu, au niveau de l’Eglise universelle et des Eglises particulières : celui de la communion (koinonía), qui incarne et manifeste l’essence même du mystère de l’Eglise. La communion est le fruit et la manifestation de l’amour qui, jaillissant du cœur du Père éternel, se déverse en nous par l’Esprit que Jésus nous donne (cf. Rm 5, 5), pour faire de nous tous ‘un seul cœur et une seule âme’ (Ac 4, 32). C’est en réalisant cette communion d’amour que l’Eglise se manifeste comme ‘sacrement’, c’est- à-dire comme ‘le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain’. Les paroles du Seigneur à ce sujet sont trop précises pour que l’on puisse en réduire la portée. Beaucoup de choses, même dans le nouveau siècle, seront nécessaires pour le cheminement historique de l’Eglise ; mais si la charité (l’agapè) fait défaut, tout sera inutile. C’est l’apôtre Paul lui-même qui le rappelle dans l’hymne à la charité : nous aurions beau parler les langues des hommes et des anges et avoir une foi ‘à déplacer les montagnes’, s’il nous manquait la charité, tout cela serait ‘rien’ (cf. 1 Co 13, 2). La charité est vraiment le ‘cœur’ de l’Eglise » (21).
Ces indications, qui concernent la nature même de l’Eglise universelle, ont une signification particulière pour l’Eglise qui est en Chine. En effet, les problèmes auxquels elle fait face pour dépasser – en interne et dans ses relations avec la société civile chinoise – tensions, divisions et récriminations ne vous échappent pas.
A ce propos, déjà l’an dernier, en parlant de l’Eglise naissante, j’avais rappelé que « la communauté des disciples connaît dès le début non seulement la joie de l’Esprit Saint, la grâce de la vérité et de l’amour, mais également l’épreuve, constituée surtout par les oppositions aux vérités de foi, avec les atteintes à la communion qui s’ensuivent. De même que la communion dans l’amour existe depuis les origines et existera jusqu’à la fin (cf. 1 Jn 1, 1ss), dès le début surgit aussi malheureusement la division. Nous ne devons pas nous étonner que celle-là existe également aujourd’hui […]. Il existe donc toujours le risque, dans la vie du monde et également dans les faiblesses de l’Eglise, de perdre la foi, et ainsi de perdre aussi l’amour et la fraternité. Celui qui croit à l’Eglise de l’amour et veut vivre dans cette Eglise a donc le devoir précis de reconnaître également ce danger » (22).
L’histoire de l’Eglise nous enseigne aussi qu’une authentique communion ne s’exprime pas sans un effort douloureux de réconciliation (23). En effet, la purification de la mémoire, le pardon de ceux qui ont fait le mal, l’oubli des torts subis et la pacification des cœurs dans l’amour, qui sont à réaliser au nom de Jésus crucifié et ressuscité, peuvent exiger le dépassement de positions ou de visions personnelles issues d’expériences douloureuses ou difficiles, mais ce sont des pas qu’il est urgent d’accomplir pour accroître et manifester les liens de communion entre les fidèles et les Pasteurs de l’Eglise en Chine.
C’est pourquoi mon vénéré Prédécesseur vous avait déjà adressé, à plusieurs reprises, une pressante invitation au pardon et à la réconciliation. A ce sujet, il me plaît de rappeler un passage du message qu’il vous avait envoyé en 2000, à l’approche de l’Année Sainte : « En vous préparant à la célébration du grand Jubilé, souvenez-vous que, dans la tradition biblique, un tel moment a toujours comporté l’obligation de se remettre mutuellement les dettes contractées, de réparer les injustices commises et de se réconcilier avec le prochain. A vous aussi fut annoncée ‘la grande joie préparée pour tous les peuples’ : l’amour et la miséricorde du Père, la Rédemption opérée par le Christ. Dans la mesure où vous serez disposés à accepter cette joyeuse annonce, vous pourrez la transmettre, par votre vie, à tous les hommes et femmes qui sont à vos côtés. Mon désir le plus ardent est que vous cédiez aux suggestions intérieures de l’Esprit Saint, en vous pardonnant les uns les autres tout ce qui doit être pardonné, en vous rapprochant les uns des autres, en vous acceptant réciproquement, en surmontant les barrières pour aller au delà de tout ce qui peut diviser. N’oubliez pas la parole de Jésus au cours de la dernière Cène : ‘A ceci, on reconnaîtra que vous êtes mes disciples : si vous vous aimez les uns les autres’ (Jn 13, 35). J’ai appris avec joie que vous voulez offrir, comme don le plus précieux pour la célébration du grand Jubilé, l’unité entre vous et avec le Successeur de Pierre. Une telle résolution ne peut être qu’un fruit de l’Esprit, qui conduit son Eglise sur les difficiles chemins de la réconciliation et de l’unité » (24).
Nous sommes tous conscients du fait que ce chemin ne pourra pas s’accomplir du jour au lendemain, mais soyez sûrs que, dans ce but, l’Eglise entière fera monter une prière insistante pour vous.
D’autre part, souvenez-vous que votre chemin de réconciliation est soutenu par l’exemple et la prière de nombreux « témoins de la foi », qui ont souffert et qui ont pardonné, offrant leur vie pour l’avenir de l’Eglise catholique en Chine. Leur existence elle-même représente une bénédiction permanente pour vous auprès du Père céleste et leur mémoire ne manquera pas de produire des fruits abondants.
Communautés ecclésiales et organismes d’Etat : relations à vivre dans la vérité et dans la charité
7.) Une analyse attentive de la situation douloureuse de fortes oppositions, déjà évoquée (cf. n° 6), qui voit engagés de nombreux fidèles laïcs et des Pasteurs, met en évidence, parmi les causes variées, le rôle significatif rempli par des organismes qui ont été imposés comme les principaux responsables de la vie de la communauté catholique. En effet, aujourd’hui encore, la reconnaissance de la part desdits organismes est le critère pour déclarer légaux une communauté, une personne ou un lieu religieux, et donc « officiels ». Tout cela a causé des divisions, que ce soit dans le clergé ou parmi les fidèles. C’est une situation qui dépend surtout de facteurs extérieurs à l’Eglise, mais qui a conditionné son chemin de manière sérieuse, donnant aussi naissance à des suspicions, à des accusations réciproques, à des dénonciations, et qui continue à être une faiblesse préoccupante.
En ce qui concerne la délicate question des relations à entretenir avec les organismes de l’Etat, l’invitation du Concile Vatican II à suivre la parole et le mode d’agir de Jésus Christ est particulièrement éclairante. En effet, « ne voulant pas être un Messie politique dominant par la force (25), il préféra se dire Fils de l’Homme venu ‘pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude’ (Mc 10, 45). Il se montra le parfait Serviteur de Dieu (26), qui ‘ne brise pas le roseau froissé et n’éteint pas la mèche qui fume encore’ (Mt 12, 20). Il reconnut le pouvoir civil et ses droits quand il ordonna de payer le tribut à César, mais il rappela clairement qu’il faut respecter les droits supérieurs de Dieu : ‘Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu’ (Mt 22, 21). Enfin, en accomplissant sur la croix l’œuvre de rédemption par laquelle il devait procurer aux hommes le salut et la vraie liberté, il a mené la révélation à son achèvement. Il a rendu témoignage à la vérité (27), mais il n’a pas voulu l’imposer de force à ses contradicteurs. Son royaume en effet ne se défend pas par l’épée (28), mais il est affermi par l’écoute de la vérité et par le témoignage rendu à celle-là, et il connaît la croissance grâce à l’amour par lequel le Christ, élevé sur la croix, attire à lui les hommes (cf. Jn 12, 32) » (29).
Vérité et amour sont les deux colonnes portantes de la vie de la communauté chrétienne. Pour cette raison, j’ai rappelé que « l’Eglise de l’amour est aussi l’Eglise de la vérité, entendue d’abord comme fidélité à l’Evangile qui a été confié par le Seigneur Jésus aux siens […]. Mais la famille des fils de Dieu, pour vivre dans l’unité et dans la paix, a besoin d’être gardée dans la vérité et guidée avec un sage discernement faisant autorité : c’est ce qu’est appelé à faire le ministère des apôtres. Et ici nous arrivons à un point important. L’Eglise est entièrement de l’Esprit, mais elle possède une structure, la succession apostolique, dont la responsabilité est de garantir le fait que l’Eglise demeure dans la vérité donnée par le Christ, de laquelle vient également la capacité d’aimer […]. Les apôtres et leurs successeurs sont donc les gardiens et les témoins autorisés du dépôt de la vérité remis à l’Eglise, de même qu’ils sont également les ministres de la charité : deux aspects qui vont ensemble […]. La vérité et l’amour sont deux visages du même don qui vient de Dieu et qui, grâce au ministère apostolique, est conservé dans l’Eglise et nous parvient jusqu’à aujourd’hui ! » (30).
C’est pourquoi le Concile Vatican II souligne que « le respect et l’amour doivent s’étendre aussi à ceux qui, pour les questions sociales, politiques ou même religieuses, pensent ou agissent autrement que nous ; à la vérité, plus nous chercherons à comprendre en profondeur leur manière de voir avec bienveillance et charité, plus facilement nous pourrons engager le dialogue avec eux ». Et le même Concile nous avertit, « cet amour et cette bienveillance ne doivent en aucune façon nous rendre indifférents à l’égard de la vérité et du bien » (31).
Considérant « le dessein originel de Jésus » (32), il apparaît évident que la prétention de certains organismes, voulus par l’Etat et étrangers à la structure de l’Eglise, de se placer au-dessus des évêques eux-mêmes et de guider la vie de la communauté ecclésiale ne correspond pas à la doctrine catholique selon laquelle l’Eglise est « apostolique », comme l’a aussi rappelé le Concile Vatican II. L’Eglise est apostolique « par son origine, parce qu’elle a ‘pour fondations les apôtres’ (Ep 2, 20) ; par son enseignement, qui est celui des apôtres ; par sa structure, parce qu’elle est édifiée, sanctifiée et gouvernée, jusqu’au retour du Christ, par les apôtres, grâce à leurs successeurs, les évêques en communion avec le successeur de Pierre » (33), Par conséquent, dans toute Eglise particulière, seul « l’évêque diocésain paît au nom du Seigneur le troupeau qui lui est confié comme son pasteur propre, ordinaire et immédiat » (34), et, au niveau national, seule une Conférence épiscopale légitime peut formuler des orientations pastorales, valables pour la totalité de la communauté catholique du Pays concerné (35).
Même la finalité déclarée desdits organismes de mettre en œuvre « les principes d’indépendance et d’autonomie, d’autogestion et d’administration démocratique de l’Eglise » (36) est inconciliable avec la doctrine catholique qui, depuis les antiques Symboles de foi, professe que l’Eglise est « une, sainte, catholique et apostolique ».
A la lumière des principes exposés ci-dessus, les Pasteurs et les fidèles laïcs se rappelleront que la Prédication de l’Evangile, la catéchèse et l’action caritative, l’action liturgique et cultuelle, de même que les choix pastoraux, sont uniquement de la compétence des évêques, avec leurs prêtres, dans la continuité permanente de la foi, transmise par les apôtres dans les Saintes Ecritures et dans la Tradition, et qu’ils ne peuvent donc être sujets à aucune interférence extérieure.
Devant une situation aussi difficile, de nombreux membres de la communauté catholique se demandent si la reconnaissance de la part des Autorités civiles – nécessaire pour agir publiquement – ne compromet pas en quelque manière la communion avec l’Eglise universelle. Je sais bien qu’une telle question constitue une douloureuse inquiétude pour le cœur des Pasteurs et des fidèles. A ce sujet, je considère en premier lieu que la sauvegarde indispensable et vigoureuse du dépôt de la foi et de la communion sacramentelle et hiérarchique ne s’oppose pas, en soi, au dialogue avec les Autorités en ce qui concerne les aspects de la vie de la communauté ecclésiale qui ont une incidence dans le domaine civil. On ne voit pas de difficultés particulières pour accepter la reconnaissance concédée par les Autorités civiles, à condition que cela ne comporte pas la négation des principes de la foi et de la communion ecclésiastique, auxquels on ne peut pas renoncer. Cependant, dans de nombreux cas concrets, sinon presque toujours, dans la procédure de reconnaissance, interviennent des organismes qui obligent les personnes engagées à avoir des attitudes, à poser des gestes et à prendre des engagements qui sont contraires aux préceptes de leur conscience de catholiques. Je comprends donc que, dans ces conditions et dans ces circonstances variées, il soit difficile de déterminer le choix correct à faire. Pour cette raison, le Saint-Siège, après avoir affirmé de nouveau les principes, laisse les décisions à chaque évêque, qui, ayant écouté son presbyterium, est mieux en mesure de connaître la situation locale, d’évaluer les possibilités concrètes de choix et d’envisager les éventuelles conséquences au sein de la communauté diocésaine. Il pourrait se faire que la décision finale n’ait pas l’accord de tous les prêtres ni de tous les fidèles. Je souhaite cependant qu’elle soit accueillie, même si c’est douloureusement, et que se maintienne l’unité de la communauté diocésaine avec son Pasteur.
Enfin, il sera bon que les évêques et les prêtres, avec un cœur véritable de pasteurs, s’emploient de toutes les manières à ne pas donner lieu à des situations de scandale, profitant des occasions pour former la conscience des fidèles, avec une attention particulière aux plus faibles : tout sera vécu dans la communion et dans la compréhension fraternelle, évitant des jugements et des condamnations réciproques. Dans ce cas aussi, on doit avoir présent à l’esprit que, spécialement s’il n’y a pas de véritable espace de liberté, il convient, pour évaluer la moralité d’un acte, de connaître avec un soin particulier les réelles intentions de la personne intéressée, et non seulement les manques objectifs. Chaque cas devra donc être évalué individuellement, en tenant compte des circonstances.
L’Episcopat chinois
8.) Dans l’Eglise, Peuple de Dieu, il revient aux seuls ministres sacrés, dûment ordonnés après un enseignement et une formation appropriés, d’exercer l’office d’« enseigner, de sanctifier et de gouverner ». Les fidèles laïcs peuvent, avec une mission canonique de la part de l’évêque, accomplir un utile ministère ecclésial de transmission de la foi.
Au cours des dernières années, pour des raisons variées, vous, Frères dans l’Episcopat, vous avez rencontré des difficultés, parce que des personnes non « ordonnées » et parfois même non baptisées contrôlent et prennent des décisions concernant d’importantes questions ecclésiales, y compris la nomination des évêques, au nom de divers organismes d’Etat. On a donc assisté à une dépréciation des ministères pétrinien et épiscopal en raison d’une vision de l’Eglise selon laquelle le Souverain Pontife, les évêques et les prêtres risquent de devenir de fait des personnes sans office et sans pouvoir. A l’inverse, comme on l’a dit, les ministères pétrinien et épiscopal sont des éléments essentiels et partie intégrante de la doctrine catholique sur la structure sacramentelle de l’Eglise. Cette nature de l’Eglise est un don du Seigneur Jésus, car c’est lui qui a établi « d’abord les apôtres, puis les prophètes et les missionnaires de l’Evangile, et aussi les pasteurs et ceux qui enseignent. De cette manière, le peuple saint est organisé pour que les tâches du ministère soient accomplies, et que se construise le corps du Christ. Au terme, nous parviendrons tous ensemble à l’unité dans la foi et la vraie connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la plénitude de la stature du Christ » (Ep 4, 11-13).
La communion et l’unité – que l’on me permette de le répéter (cf. n° 5) – sont des éléments essentiels et partie intégrante de l’Eglise catholique : c’est pourquoi le projet d’une Eglise « indépendante » du Saint-Siège, dans le cadre religieux, est incompatible avec la doctrine catholique.
Je suis conscient des graves difficultés auxquelles vous devez faire face dans une telle situation pour vous maintenir fidèles au Christ, à son Eglise et au Successeur de Pierre. En vous rappelant que, comme l’affirmait déjà saint Paul (cf Rm 8, 35-39), aucune difficulté ne peut nous séparer de l’amour du Christ, j’ai confiance que vous saurez faire tout votre possible, en vous en remettant à la grâce du Seigneur, pour sauvegarder l’unité et la communion ecclésiales, même au prix de grands sacrifices.
Beaucoup de membres de l’Episcopat chinois qui, dans les dernières décennies, ont guidé l’Eglise ont offert et offrent à leurs communautés et à l’Eglise universelle un témoignage lumineux. Encore une fois, jaillit du cœur un hymne de louange et d’action de grâces au « Pasteur suprême » du troupeau (1 P 5, 4) : en effet, on ne peut pas oublier que beaucoup d’entre eux ont subi la persécution et ont été empêchés d’exercer leur ministère. Et certains d’entre eux ont rendu féconde l’Eglise par l’effusion de leur sang. Les temps nouveaux et les défis qui en découlent pour la nouvelle évangélisation mettent en évidence la fonction du ministère épiscopal. Comme le disait Jean-Paul II aux Pasteurs de toutes les parties du monde venus à Rome pour la célébration du Jubilé, « le Pasteur est le premier responsable et le premier animateur de la communauté ecclésiale, tant en ce qui concerne l’exigence de la communion que le projet missionnaire. Devant le relativisme et le subjectivisme qui polluent une si grande partie de la culture contemporaine, les évêques sont appelés à défendre et à promouvoir l’unité doctrinale de leurs fidèles. Soucieux de toute situation où la foi est perdue ou ignorée, ils se dépensent de toutes leurs forces à travailler à l’évangélisation, préparant dans ce but prêtres, religieux et laïcs, et mettant à disposition les ressources nécessaires » (37).
En cette même occasion, mon vénéré Prédécesseur rappelait que « l’évêque, successeur des apôtres, est quelqu’un pour qui le Christ est tout. Avec Paul, il peut redire chaque jour : ‘Pour moi, certes, la Vie c’est le Christ…’ (Ph 1, 21). Il doit en porter témoignage par tout son comportement. Le Concile Vatican II enseigne : ‘Les évêques doivent exercer leur charge apostolique comme témoins du Christ devant tous les hommes’ » (38).
Concernant le service épiscopal, je saisis l’occasion pour rappeler ce que je disais récemment : « Les évêques ont pour première responsabilité d’édifier l’Eglise comme famille de Dieu et comme lieu d’aide réciproque et de disponibilité. Pour pouvoir accomplir cette mission, vous avez reçu, avec la consécration épiscopale, trois charges particulières : le munus docendi, le munus sanctificandi et le munus regendi, qui, dans leur ensemble, constituent le munus pacendi. En particulier, la finalité du munus regendi est la croissance dans la communion ecclésiale, c’est-à-dire l’édification d’une communauté unie dans l’écoute de l’enseignement des apôtres, dans la fraction du pain, dans les prières et dans l’union fraternelle. Etroitement liée aux tâches d’enseigner et de sanctifier, celle de gouverner – le munus regendi précisément – constitue pour l’évêque un authentique acte d’amour envers Dieu et envers son prochain, qui s’exprime dans la charité pastorale » (39).
Comme cela se produit dans le reste du monde, en Chine aussi l’Eglise est gouvernée par des évêques qui, par l’ordination épiscopale qui leur est conférée par d’autres évêques validement ordonnés, ont reçu, avec la charge de sanctifier, également les charges d’enseigner et de gouverner le peuple qui leur est confié dans les différentes Eglises particulières, avec un pouvoir qui est conféré par Dieu, par la grâce du sacrement de l’Ordre. Les charges d’enseigner et de gouverner « ne peuvent cependant, de par leur nature, être exercées que dans la communion hiérarchique avec la Tête et les membres du Collège » des évêques (40). En effet, précise le Concile Vatican II lui-même, « on est constitué membre du Corps épiscopal en vertu de la consécration sacramentelle et par la communion hiérarchique avec la Tête du Collège et avec ses membres » (41).
Actuellement, tous les évêques de l’Eglise catholique en Chine sont fils du Peuple chinois. Malgré de nombreuses et graves difficultés, l’Eglise catholique en Chine, par une grâce particulière de l’Esprit Saint, n’a jamais été privée du ministère de Pasteurs légitimes, qui ont conservé intacte la succession apostolique. Nous devons remercier le Seigneur pour cette présence constante et empreinte de souffrance d’évêques qui ont reçu l’ordination épiscopale conformément à la tradition catholique, à savoir en communion avec l’évêque de Rome, Successeur de Pierre, et par la main d’évêques validement et légitimement ordonnés, dans l’observance du rite de l’Eglise catholique.
Certains d’entre eux, ne voulant pas être soumis à un contrôle indu exercé sur la vie de l’Eglise et désireux de maintenir une pleine fidélité au Successeur de Pierre et à la doctrine catholique, se sont vus contraints de se faire consacrer clandestinement. La clandestinité ne rentre pas dans la normalité de la vie de l’Eglise, et l’histoire montre que Pasteurs et fidèles y ont recours uniquement avec le désir tourmenté de maintenir intègre leur propre foi et de ne pas accepter l’ingérence d’organismes d’Etat dans ce qui touche l’intime de la vie de l’Eglise. Pour cette raison, le Saint-Siège souhaite que ces Pasteurs légitimes puissent être reconnus comme tels par les Autorités gouvernementales, avec aussi tous les effets civils – autant qu’ils sont nécessaires – et que tous les fidèles puissent exprimer librement leur foi dans le contexte social dans lequel ils vivent.
A l’inverse, d’autres pasteurs, poussés par les circonstances particulières, ont consenti à recevoir l’ordination épiscopale sans mandat pontifical, mais, par la suite, ils ont demandé de pouvoir être accueillis dans la communion avec le Successeur de Pierre et avec leurs autres Frères dans l’Episcopat. Considérant la sincérité de leurs sentiments et la complexité de la situation, et tenant compte de l’avis des évêques les plus proches, le pape, en vertu de sa responsabilité de Pasteur universel de l’Eglise, leur a concédé le plein et légitime exercice de la juridiction épiscopale. Une telle initiative du pape naissait de la connaissance des circonstances particulières de leur ordination et de sa profonde préoccupation pastorale dans la perspective de favoriser le rétablissement d’une pleine communion. Malheureusement, dans la majorité des cas, les prêtres et les fidèles n’ont pas été convenablement informés de la légitimation obtenue par leur évêque, et cela a donné lieu à de nombreux et graves problèmes de conscience. De plus, certains évêques légitimés n’ont pas posé de gestes qui prouvaient clairement la légitimation obtenue. Pour cette raison, il est indispensable que, pour le bien spirituel des communautés diocésaines intéressées, la légitimation obtenue puisse être rendue publique dans un temps bref et que les évêques légitimés posent toujours plus des gestes sans équivoques de leur pleine communion avec le Successeur de Pierre.
Il y a enfin certains évêques – en nombre très réduit – qui ont été ordonnés sans mandat pontifical et qui n’ont pas demandé, ou qui n’ont pas encore obtenu, la légitimation nécessaire. Selon la doctrine de l’Eglise catholique, ils sont à considérer comme illégitimes, mais validement ordonnés, dans la mesure où il y a la certitude qu’ils ont reçu l’ordination par des évêques validement ordonnés et que le rite catholique de l’ordination épiscopale a été respecté. Ces derniers, tout en n’étant pas en communion avec le pape, exercent validement leur ministère dans l’administration des sacrements, même si c’est de manière illégitime. Quelle grande richesse spirituelle en découlerait pour l’Eglise en Chine si, présentant les conditions nécessaires, ces Pasteurs parvenaient aussi à la communion avec le Successeur de Pierre et avec tout l’Episcopat catholique ! Non seulement leur ministère épiscopal serait légitimé, mais la communion avec les prêtres et les fidèles qui considèrent l’Eglise en Chine comme une partie de l’Eglise catholique, unie à l’évêque de Rome et à toutes les autres Eglises particulières répandues à travers le monde, en serait également enrichie.
Dans les différentes nations, tous les évêques légitimes constituent une Conférence épiscopale, régie par un statut propre qui, selon les normes du Droit canonique, doit être approuvé par le Siège apostolique. Une telle Conférence épiscopale manifeste la communion fraternelle de tous les évêques d’une nation et traite les questions doctrinales et pastorales qui sont importantes pour toute la communauté catholique dans le pays, sans cependant interférer avec l’exercice du pouvoir ordinaire et immédiat de chaque évêque dans son propre diocèse. De plus, chaque Conférence épiscopale maintient des contacts opportuns et utiles avec les Autorités civiles du lieu, pour favoriser aussi la collaboration entre l’Eglise et l’Etat, mais il est clair qu’une Conférence épiscopale ne peut être soumise à aucune Autorité civile en matière de foi et de vie selon la foi (fides et mores, vie sacramentelle), qui sont de la compétence exclusive de l’Eglise.
A la lumière des principes exposés ci-dessus, l’actuel Collège des évêques catholiques de Chine (42) ne peut être reconnu comme Conférence épiscopale par le Siège Apostolique : n’en font pas partie les évêques « clandestins », à savoir ceux qui ne sont pas reconnus par le gouvernement, qui sont en communion avec le pape ; y participent des Prélats, qui sont encore illégitimes, et elle est régie par des Statuts qui contiennent des éléments inconciliables avec la doctrine catholique.
Nomination des évêques
9.) Comme il est connu de vous tous, un des problèmes les plus délicats dans les relations du Saint-Siège avec les Autorités de votre Pays est constitué par la question des nominations épiscopales. D’un côté, on peut comprendre que les Autorités gouvernementales soient attentives au choix de ceux qui accompliront le rôle important de guides et de pasteurs des communautés catholiques locales, vu les changements sociaux qu’en Chine comme dans le reste du monde, une telle fonction a aussi dans le domaine civil. D’un autre côté, le Saint-Siège suit avec un soin particulier la nomination des évêques, étant donné que cela touche le cœur même de la vie de l’Eglise, du fait que la nomination des évêques de la part du pape est la garantie de l’unité de l’Eglise et de la communion hiérarchique. Pour cette raison, le Code de Droit canonique (cf. canon n° 1382) établit de graves sanctions soit pour l’évêque qui confère librement l’ordination épiscopale sans mandat apostolique, soit pour celui qui la reçoit : une telle ordination représente en effet une douloureuse blessure à la communion ecclésiale et une grave violation de la discipline canonique.
Lorsqu’il concède le mandat apostolique pour l’ordination d’un évêque, le pape exerce sa suprême autorité spirituelle : autorité et intervention qui demeurent dans le strict domaine religieux. Il ne s’agit donc pas d’une autorité politique qui s’introduirait de manière indue dans les affaires intérieures d’un Etat et qui en léserait la souveraineté.
La nomination des Pasteurs pour une communauté religieuse déterminée est comprise, également dans les documents internationaux, comme un élément constitutif du plein exercice du droit à la liberté religieuse (43). Le Saint-Siège aimerait être entièrement libre de la nomination des évêques (44) ; considérant donc le récent chemin particulier accompli par l’Eglise en Chine, je souhaite que l’on trouve un accord avec le gouvernement pour résoudre certaines questions concernant soit le choix des candidats à l’épiscopat, soit la publication de la nomination des évêques, soit la reconnaissance – avec les effets civils dans la mesure où ils sont nécessaires – du nouvel évêque de la part des Autorités civiles.
Enfin, en ce qui concerne le choix des candidats à l’épiscopat, tout en connaissant vos difficultés en la matière, je désire rappeler la nécessité que ce soient des prêtres dignes, respectés et aimés des fidèles, et des modèles de vie dans la foi, possédant une certaine expérience du ministère pastoral et étant ainsi plus aptes à faire face à la lourde charge de Pasteur de l’Eglise (45). S’il était impossible de trouver, dans un diocèse, des candidats aptes à être nommés à un siège épiscopal, la collaboration avec les évêques des diocèses limitrophes peut aider à repérer des candidats idoines.
SECONDE PARTIE : ORIENTATIONS DE VIE PASTORALE
10.) Au cours des derniers temps, sont apparues des difficultés liées à des initiatives individuelles de Pasteurs, de prêtres et de fidèles laïcs qui, mus par un généreux zèle pastoral, n’ont pas toujours respecté les devoirs et les responsabilités d’autrui.
A ce sujet, le Concile Vatican II nous rappelle que, si d’un côté tous les évêques considérés individuellement, « en tant que membres du collège épiscopal et légitimes successeurs des apôtres, sont tenus, de par l’institution et le précepte du Christ, à cette sollicitude pour l’ensemble de l’Eglise », de l’autre, ils « exercent, chacun pour sa part, leur fonction pastorale sur la portion du peuple de Dieu qui leur est confiée, et non sur les autres Eglises, ni sur l’Eglise universelle » (46).
De plus, face à certaines problématiques apparues dans diverses communautés diocésaines durant les dernières années, il est de mon devoir de rappeler la norme canonique selon laquelle tout clerc doit être incardiné dans une Eglise particulière ou dans un Institut de vie consacrée et doit exercer son ministère en communion avec l’évêque diocésain. C’est seulement pour des motifs justes qu’un clerc peut exercer son ministère dans un autre diocèse, mais toujours avec l’accord préalable des deux évêques diocésains, à savoir celui de l’Eglise particulière où il est incardiné et celui de l’Eglise particulière où il est appelé à servir (47).
Dans de nombreuses circonstances, vous vous êtes posé le problème de la concélébration de l’Eucharistie. A ce sujet, je rappelle qu’elle présuppose, comme conditions, la profession de la même foi et la communion hiérarchique avec le pape et avec l’Eglise universelle. Il est donc licite de concélébrer avec des évêques et des prêtres qui sont en communion avec le pape, même s’ils sont reconnus par les Autorités civiles et s’ils maintiennent des relations avec des organismes voulus par l’Etat et étrangers à la structure de l’Eglise, pourvu que – comme cela a été dit plus haut (cf. n° 7 alinéa 8) – la reconnaissance et les relations ne comportent pas la négation de principes de foi et de communion ecclésiastique, auxquels on ne peut renoncer.
De même, les fidèles laïcs qui sont animés par un sincère amour pour le Christ et pour l’Eglise ne doivent pas non plus hésiter à participer à l’Eucharistie célébrée par des évêques et par des prêtres qui sont en pleine communion avec le Successeur de Pierre, et qui sont reconnus par les Autorités civiles. La même chose vaut pour tous les autres sacrements.
Toujours à la lumière des principes de la doctrine catholique, doivent être résolus les problèmes qui se font jour avec les évêques qui ont été consacrés sans mandat pontifical, même si c’est dans le respect du rite catholique de l’ordination épiscopale. Leur ordination – comme je l’ai déjà dit plus haut (cf. n° 8 alinéa 12) – est illégitime mais valide, de même que sont valides les ordinations sacerdotales conférées par eux et que sont aussi valides les sacrements administrés par ces évêques et par ces prêtres. Ayant cela présent à l’esprit, les fidèles doivent donc rechercher, dans la mesure du possible, pour la célébration eucharistique et pour les autres sacrements, des évêques et des prêtres qui sont en communion avec le pape : cependant, lorsque cela n’est pas réalisable sans de graves difficultés pour eux, ils peuvent, pour ce que leur bien spirituel exige, s’adresser aussi à ceux qui ne sont pas en communion avec le pape.
Je considère enfin opportun d’attirer votre attention sur ce que prévoit la législation canonique pour aider les évêques diocésains à réaliser leur tâche pastorale. Chaque évêque diocésain est invité à se servir des instruments indispensables de communion et de collaboration au sein de la communauté catholique diocésaine : la curie diocésaine, le conseil presbytéral, le collège des consulteurs, le conseil pastoral diocésain et le conseil diocésain pour les affaires économiques.
Ces organismes manifestent la communion, favorisent le partage des responsabilités communes et sont d’une grande aide pour les Pasteurs, qui peuvent ainsi être assurés de la collaboration fraternelle de prêtres, de personnes consacrées et de fidèles laïcs.
La même chose vaut pour les différents conseils que prévoit le Droit canonique pour les paroisses : le conseil pastoral paroissial et le conseil paroissial pour les affaires économiques.
Tant pour les diocèses que pour les paroisses, une particulière attention devra être portée aux biens temporels de l’Eglise, meubles et immeubles, qui devront être enregistrés légalement dans le cadre civil sous le nom du diocèse ou de la paroisse, et jamais sous le nom d’une personne privée (évêque, prêtre ou groupe de fidèles). En même temps, l’orientation pastorale et missionnaire traditionnelle, qui se résume dans le principe : « Nihil sine Episcopo », demeure valable.
De l’analyse des problématiques ci-dessus exposées, il apparaît clairement que leur véritable solution a sa racine dans la promotion de la communion, qui tire sa force et son élan du Christ, icône de l’amour du Père, comme de sa source. La charité, qui est toujours au-dessus de tout (cf. 1 Co 13, 1-12), sera la force et le critère du travail pastoral pour la construction d’une communauté ecclésiale qui rend présent le Christ ressuscité à l’homme d’aujourd’hui.
Les provinces ecclésiastiques
11.) De nombreux changements administratifs sont intervenus dans le domaine civil au cours des cinquante dernières années. Cela a touché aussi diverses circonscriptions ecclésiastiques, qui ont été supprimées ou regroupées, ou encore modifiées dans leur configuration territoriale sur la base des circonscriptions administratives civiles. A ce sujet, je désire confirmer que le Saint-Siège est disposé à affronter la totalité de la question des circonscriptions et des provinces ecclésiastiques dans un dialogue ouvert et constructif avec l’Episcopat chinois et, dans la mesure où cela est opportun et utile, avec les Autorités gouvernementales.
Les communautés catholiques
12.) Je sais bien que les communautés diocésaines et paroissiales, disséminées dans le vaste territoire chinois, font preuve d’une vie chrétienne particulièrement vivante, de témoignages de foi et d’initiatives pastorales. Il est pour moi consolant de constater que, malgré les difficultés passées et présentes, les évêques, les prêtres, les personnes consacrées et les fidèles laïcs ont conservé une profonde conscience d’être des membres vivants de l’Eglise universelle, en communion de foi et de vie avec toutes les communautés catholiques répandues à travers le monde. Dans leur cœur, ils savent ce que veut dire être catholiques. Et c’est précisément de ce cœur catholique que doit naître aussi l’engagement pour rendre manifeste et effectif, tant au sein des différentes communautés que dans les relations entre les différentes communautés, l’esprit de communion, de compréhension et de pardon qui – comme cela a été dit plus haut (cf. n° 5, alinéas 4 et 6) – est le sceau visible d’une authentique existence chrétienne. Je suis sûr que l’Esprit du Christ, de même qu’il a aidé les communautés à maintenir vive la foi dans le temps des persécutions, aidera aujourd’hui tous les catholiques à croître dans l’unité.
Comme je le faisais déjà remarquer (cf. n° 2, alinéa 1 ; 4, alinéa 1), il n’est malheureusement pas encore permis aux membres des communautés catholiques dans votre pays – spécialement aux évêques, aux prêtres et aux personnes consacrées – de vivre et d’exprimer, pleinement et de manière visible, certains aspects de leur appartenance à l’Eglise et de leur communion hiérarchique avec le pape, étant normalement empêchés de libres contacts avec le Saint-Siège et avec les autres communautés catholiques dans les différents pays. Il est vrai que, ces dernières années, l’Eglise jouit, en regard du passé, d’une plus grande liberté religieuse. Toutefois, on ne peut nier que demeurent de graves limitations qui touchent le cœur de la foi et qui, dans une certaine mesure, étouffent l’activité pastorale. A ce sujet, je renouvelle le souhait (cf. n° 4, alinéas 2-4) que, au cours d’un dialogue respectueux et ouvert entre le Saint-Siège et les évêques chinois, d’une part, et les Autorités gouvernementales, d’autre part, puissent être dépassées les difficultés mentionnées et que l’on parvienne ainsi à une entente profitable, qui sera au bénéfice des communautés catholiques et de la convivialité sociale.
Les prêtres
13.) Je voudrais aussi adresser une pensée spéciale et une invitation aux prêtres – de manière particulière aux prêtres ordonnés au cours des dernières années –, qui, avec beaucoup de générosité, ont pris le chemin du ministère pastoral. Il me semble que la situation ecclésiale et sociopolitique actuelle rend toujours plus pressante l’exigence de puiser lumière et force aux sources de la spiritualité sacerdotale que sont l’amour de Dieu, une vie inconditionnelle à la suite du Christ, la passion pour l’annonce de l’Evangile, la fidélité à l’Eglise et le service généreux du prochain (48). Comment ne pas rappeler à ce propos, comme un encouragement pour tous, les figures lumineuses d’évêques et de prêtres qui, durant les années difficiles du passé récent, ont témoigné d’un amour indéfectible envers l’Eglise, même par le don de leur vie pour elle et pour le Christ ?
Chers prêtres ! Vous qui portez « le poids du jour et de la chaleur » (Mt 20, 12), qui avez mis la main à la charrue et qui ne vous retournez pas en arrière (cf. Lc 9, 62), pensez aux lieux où les fidèles attendent avec angoisse un prêtre et où, depuis de nombreuses années, en en ressentant l’absence, ils ne cessent d’en souhaiter la présence. Je sais bien que, au milieu de vous, il y a des confrères qui ont dû faire face à des temps et à des situations difficiles, prenant des positions pas toujours partagées du point de vue ecclésial, et qui, malgré tout, désirent revenir dans la pleine communion de l’Eglise. Dans un esprit de profonde réconciliation, à laquelle mon vénéré Prédécesseur a invité de manière répétée l’Eglise en Chine (49), je m’adresse aux évêques qui sont en communion avec le Successeur de Pierre, afin que, avec une âme paternelle, ils apprécient, au cas par cas, et qu’ils donnent une juste réponse à ce désir, recourant – si cela est nécessaire – au Siège Apostolique. Et, comme signe de la réconciliation espérée, je pense qu’il n’y a pas de geste plus significatif que celui de renouveler sous forme communautaire – à l’occasion de la journée sacerdotale du Jeudi saint, comme cela se fait dans l’Eglise universelle, ou dans une autre circonstance qui sera retenue plus opportune – la profession de foi, comme témoignage de la pleine communion retrouvée, pour l’édification du Peuple saint de Dieu confié à votre soin pastoral, et à la louange de la Très Sainte Trinité.
Je suis conscient que, en Chine aussi, comme dans le reste de l’Eglise, la nécessité d’une formation permanente appropriée du clergé se fait jour. De là naît l’invitation qui vous est adressée à vous, les évêques, en tant que responsables des communautés ecclésiales, à penser spécialement aux jeunes prêtres, qui sont toujours davantage soumis à de nouveaux défis pastoraux liés aux exigences de la tâche d’évangéliser une société aussi complexe que la société chinoise actuelle. Le pape Jean-Paul II nous le rappelait : la formation permanente des prêtres « est une exigence intrinsèque du don de l’ordination et du ministère sacramentel ainsi reçu. Elle se révèle toujours nécessaire, en tout temps. Aujourd’hui cependant, elle est particulièrement urgente, non seulement à cause de la mutation rapide des conditions sociales et culturelles des personnes et des peuples auprès desquels s’exerce le ministère presbytéral, mais aussi pour la ‘nouvelle évangélisation’, qui constitue la tâche urgente de l’Eglise en cette fin du deuxième millénaire » (50).
Les vocations et la formation religieuse
14.) Au cours des cinquante dernières années, une abondante floraison de vocations au sacerdoce et à la vie consacrée n’a pas fait défaut. Il faut rendre grâce de cela au Seigneur, parce qu’il s’agit d’un signe de vitalité et d’un motif d’espérance. Au long des années, sont apparues ensuite de nombreuses congrégations religieuses autochtones : les évêques et les prêtres savent d’expérience combien est irremplaçable la contribution des religieuses dans la catéchèse et dans la vie paroissiale sous toutes ses formes ; en outre, l’attention aux plus nécessiteux, réalisée aussi en collaboration avec les Autorités civiles locales, est l’expression de la charité et du service du prochain, qui sont le témoignage le plus crédible de la force et de la vitalité de l’Evangile de Jésus.
Je suis cependant conscient qu’une telle floraison s’accompagne aujourd’hui de nombreuses difficultés. L’exigence, tant d’un discernement vocationnel plus attentif de la part des responsables ecclésiaux, que d’une éducation et d’un enseignement plus approfondis des candidats au sacerdoce et à la vie religieuse, se fait donc jour. En dépit de la précarité des moyens à disposition, il faudra, pour l’avenir de l’Eglise en Chine, s’attacher à assurer, d’une part, une attention et un soin particuliers aux vocations et, d’autre part, une formation plus solide en ce qui concerne les aspects humain, spirituel, philosophique, théologique et pastoral, à mettre en œuvre dans les séminaires et dans les instituts religieux.
A ce sujet, la formation au célibat des candidats au sacerdoce mérite une mention particulière. Il est important qu’ils apprennent à vivre et à estimer le célibat comme don précieux de Dieu et comme signe éminemment eschatologique, qui témoigne d’un amour unique pour Dieu et pour son peuple, et qui configure le prêtre à Jésus Christ, Chef et Epoux de l’Eglise. En effet, un tel don est principalement l’expression du « service rendu par le prêtre à l’Eglise dans et avec le Seigneur » (51), et il représente une valeur prophétique pour le monde d’aujourd’hui.
Quant à la vocation religieuse, dans le contexte actuel de l’Eglise en Chine, il est nécessaire qu’apparaissent toujours de manière plus lumineuse ses deux dimensions : à savoir, d’un côté, le témoignage du charisme de la consécration totale au Christ à travers les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, et, de l’autre, la réponse à l’exigence d’annoncer l’Evangile dans les conditions historiques et sociales actuelles du Pays.
Les fidèles laïcs et la famille
15.) Dans les moments les plus difficiles de l’histoire récente de l’Egl