Eglises d'Asie

Les évêques s’impatientent de la lenteur du gouvernement à mettre en place le Conseil des minorités

Publié le 25/08/2014




La Commission ‘Justice et Paix’ de la Conférence épiscopale du Pakistan a pressé le gouvernement de créer d’urgence un Conseil national pour les droits des minorités, comme l’en a enjoint un récent arrêt de la Cour suprême. 

La Conférence des évêques catholiques du Pakistan vient d’achever un cycle de consultations et de réunions avec des experts de la société civile, des intellectuels, des associations et des responsables religieux dans les trois principales villes du Pakistan, Karachi, Lahore et Islamabad.

Lors de ces sessions destinées à trouver des moyens de résoudre rapidement le problème des droits des minorités de plus en plus bafoués dans le pays, la Commission ‘Justice et Paix’ a mis en avant l’urgence de mettre en application le tout récent prononcé de la Cour suprême du Pakistan, exigeant de l’Etat qu’il créé un Conseil spécial chargé de la défense des minorités.

Car, soulignent les évêques, cette décision de justice offre enfin «un instrument juridique pouvant permettre de sauvegarder la liberté religieuse au Pakistan ». Désormais, rapporte l’agence Fides dans une dépêche datée de ce lundi 25 août, « l’Etat dispose de recommandations contraignantes, ce qui représente une évolution notable ».

Le 19 juin dernier, le président de la Cour suprême du Pakistan, Tassaduq Hussain Jilani, par une mesure motu proprio, a ordonné que le gouvernement institue un Conseil national pour les droits des minorités, lequel agirait comme un observatoire indépendant, surveillant la condition des minorités ethniques et religieuses ainsi que les cas de violence et de discrimination.

Dans le document de 32 pages rendu par le juge, les différentes attributions de ce nouvel organisme d’Etat sont clairement détaillées et visent aussi bien les agressions directes et discriminations quotidiennes que « les discours de haine propagés dans les réseaux sociaux » ou encore « les programmes dans les écoles promouvant une culture de l’intolérance ». L’arrêté prévoit également de mettre en place une force spéciale chargée de protéger les lieux de culte non musulmans.

Cette dernière mention concernant la création d’une protection armée des lieux de culte a été motivée par la nature même de la saisie de la Cour suprême, au lendemain du massacre perpétré dans l’église anglicane de Tous les Saints de Peshawar en septembre 2013, dans lequel 81 chrétiens avaient trouvé la mort et de nombreux autres avaient été grièvement blessés.

Parmi les attributions du Conseil national figure également le contôle au quotidien de la défense des droits des minorités tels qu’ils sont inscrits dans la Constitution et la législation du Pakistan. L’organisme aura également pour mission de formuler des recommandations afin qu’au niveau fédéral et provincial, les droits des minorités soient mieux défendus. « En cas de violation des droits garantis par la loi ou de profanation des lieux de culte des minorités, les agences étatiques chargées de faire respecter l’ordre et appliquer le droit doivent agir sans délai afin que des poursuites criminelles soient engagées à l’encontre des délinquants. »

La Cour suprême avait prévu de nommer rapidement un comité de trois membres pour enregistrer les nouveaux cas d’abus dont seraient victimes les minorités du Pakistan, mais pour le moment, rien n’a encore été mis en place.

Lorsque l’arrêt de la Cour suprême avait été rendu public, Cecil Shane Chaudhry, directeur exécutif de la Commission ‘Justice et Paix’ de la Conférence épiscopale, l’avait qualifié de « décision historique ». Mais si tous les représentants des minorités au Pakistan se sont réjouis publiquement de cette mesure, l’inquiétude grandit aujourd’hui quant au temps que prendra sa mise en place par un gouvernement ouvertement rétif.

Craignant que cette mesure ne demeure lettre morte comme la loi de 2012 sur les droits de l’homme (1), la Commission ‘Justice et Paix’ de la Conférence a appelé les différentes organisations impliquées dans la défense des minorités, à faire pression sur le gouvernement afin que ce Conseil national soit créé le plus rapidement possible.

En effet, la situation des minorités religieuses ne cesse de se détériorer depuis l’attentat de Peshawar qui avait conduit la Cour suprême à statuer. Selon le Centre for Legal Aid Assistance and Settlement (CLAAS), groupe d’aide juridique aux chrétiens du Pakistan, basé au Royaume-Uni, une enquête réalisée par la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde (de juin 2013 à juin 2014), l’intolérance envers les minorités et plus particulièrement les chrétiens, a encore augmenté, faisant notamment monter le nombre de chrétiens morts cette année lors d’attaques communautaristes à plus de 120 chrétiens. 

Un peu plus tôt cette année, le Movement for Solidarity and Peace (MSP) a révélé que plus d’un millier de jeunes chrétiennes et hindoues âgées de 12 à 25 ans (dont 70 % de fidèles de l’Eglise) étaient converties de force à l’islam chaque année (par le mariage forcé ou le viol).

De même, selon le président du Pakistan Christian Congress, Nazir S. Bhatti, le gouvernement aurait dernièrement donné des instructions pour que les chrétiens cherchant à s’expatrier pour fuir les discriminations auxquelles ils font face dans leur pays soient empêchés de le faire. Dans les aéroports du Pakistan, les chrétiens qui sont inscrits sur les Exit Control Lists, sont désormais interdit de sortie du territoire.

(eda/msb)