Eglises d'Asie

Al-Qaeda crée une branche indienne pour « répandre le djihad » en Asie du Sud

Publié le 04/09/2014




Le leader d’al-Qaeda, Ayman al-Zawahiri, vient d’annoncer dans un message vidéo, la création d’une branche indienne du mouvement islamiste afin d’étendre le djihad sur le sous-continent. 

S’exprimant alternativement en arabe et en ourdou, le chef d’al-Qaeda a annoncé dans une vidéo de 55 minutes diffusée sur Internet ce jeudi au petit matin (heure indienne), qu’une branche de la mouvance islamise allait être créée pour l’Asie du Sud.

La mission de cette unité indienne, a-t-il expliqué, sera de « lancer le djihad dans toute l’Inde », mais aussi en Birmanie et au Bangladesh, partout « où règne l’injustice et l’oppression ». Parmi les régions « à délivrer », Ayman al-Zawahiri a cité l’Assam, le Gujarat (avec la ville d’Ahmedabad, capitale du sultanat du Gujarat au XIVème siècle), mais aussi Islamabad, capitale du Pakistan, ainsi que le Cachemire.

Le groupe « al-Qaeda in the Indian Subcontinent » (AQIS, al-jihad Jamaat Qaidat fi’shibhi al-qarrat al-Hindiya) sera chargé « d’anéantir les frontières artificielles » qui divisent les musulmans dans cette partie du monde, pour les rassembler sur un même territoire, a-t-il poursuivi dans son allocution, rapportée par SITE, centre américain de surveillance des sites islamistes.

Le leader islamiste a conclu en appelant la communauté musulmane (oumma) de l’Inde à se soulever pour « lever le drapeau de la guerre sainte, rétablir la charia (loi islamique) et libérer les terres qui lui appartenait avant que l’ennemi infidèle ne l’occupe ». L’étape suivante étant de « rétablir les califats », territoires placés sous l’autorité d’un calife, cumulant les fonctions de chef d’Etat et de chef religieux.

Cette nouvelle branche d’al-Qaeda, a-t-il encore expliqué, sera formée du regroupement, déjà acté depuis deux ans, de combattants dépendant de l’autorité du Pakistanais Assim Oumar, lui-même subordonné au chef des Talibans afghans, le mollah Mohammed Omar, auquel Ayman al-Zawahiri a renouvelé sa loyauté dans sa vidéo.

Une déclaration qui semble destinée à dissocier clairement cette nouvelle « formation de combattants du djihad » de celle du tout récent Etat islamique (EI) dont le calife autoproclamé fin juin, Abou Bakr al-Baghdadi, fait régner la terreur en Irak et en Syrie. Revendiquant chacun la seule légitimité à conduire la guerre sainte, ces deux mouvements issus d’al-Qaeda (Abou Bakr al-Baghdadi a rompu avec Ayman al-Zawahiri en 2013) ont tous deux appelé les groupes djihadistes à leur prêter allégeance.

Ont été également publiés en ligne des manifestes écrits par le porte-parole d’al-Zawahiri, Oussama Mahmoud, et le leader Asim Umar, lesquels mèneront vraisemblablement la nouvelle organisation, depuis les bases pakistanaises d’al-Qaeda. « L’année dernière, rappelle le journaliste indien Rudroneel Ghosh, dans le Times of India de ce 4 septembre, Umar avait vertement admonesté les musulmans de l’Inde, leur disant : « Vous qui avez dirigé l’Inde pendant huit cent ans, vous qui avez allumé la flamme de l’unique vrai Dieu dans les ténèbres du polythéisme, comment pouvez-vous rester en sommeil alors les musulmans du monde entier se réveillent ? »

Le fait qu’Ayman al-Zawahiri se soit également adressé aux djihadistes en ourdou, et non seulement en arabe, est un signe fort vis-à-vis de la communauté musulmane indienne. L’ourdou, parlé au Pakistan et dans le nord de l’Inde, est considéré comme la langue identitaire de l’islamité du sous-continent.

Les fidèles de l’islam forment quelque 15 % des 1,2 milliard d’habitants de l’Union indienne, faisant de ce pays la troisième nation musulmane du monde. Le moment est particulièrement bien choisi pour s’adresser à cette communauté particulièrement dénigrée et discriminée en Inde, en particulier depuis l’arrivée au pouvoir de l’hindouiste Narendra Modi en mai dernier, lequel est soupçonné d’être responsable des pogroms antimusulmans dans son Etat du Gujarat en 2002.

L’annonce de la création d’une branche indienne d’al-Qaeda semble également en lien étroit avec l’émergence de l’Etat islamique, soulignent également les experts, qui prédisent un affrontement interne sur fond de guerre sainte. L’établissement d’un califat par Abou Bakr al-Baghdadi a été perçu comme un camouflet par al-Qaeda qui revendiquait jusqu’alors la position du leader islamiste mondial.

De plus, le mouvement islamiste a subi récemment de lourdes pertes financières dues au fait que les bailleurs de fonds du djihad mondial voient désormais l’Etat islamique comme une organisation plus crédible. L’appel à fonder de nouveaux califats pourraient permettre de rallier des combattants qui se sont éloignés d’al-Qaeda, faute d’y trouver les actions armées et concrètes pour lesquelles ils s’entraînaient. Cet été, The Indian Express a enquêté sur la désaffection des djihadistes indiens qui ont été nombreux à s’expatrier pour rejoindre les rangs des combattants de l’Etat islamique

Depuis que la vidéo a été postée ce matin, des milliers de commentaires affluent sur les blogs des principaux quotidiens indiens en ligne. Entre colère et panique, les internautes y confrontent leurs opinions sur les causes de cette nouvelle menace terroriste, les attentats de Bombay étant toujours présents dans les mémoires. Certains y voient la preuve que « seul un Etat hindou pourra protéger les citoyens indiens » des attaques des musulmans « qui prônent une religion de la terreur ». D’autres affirment au contraire que c’est l’extrémisme hindou qui a poussé les communautés musulmanes à réagir contre l’oppresseur qui a détruit « leurs villes, leurs mosquées et leurs croyants ».

Le ministre fédéral de l’Intérieur Rajnath Singh vient de confirmer ce jeudi que la vidéo avait été authentifiée. Les services de renseignements indiens et les ministères chargés de la sécurité de plusieurs Etats ont été mis en état d’alerte. Tous les postes de police ont également été alertés sur la possibilité d’attaques terroristes.

« Suite à la diffusion de cette vidéo d’al-Qaeda, nous devons nous maintenir en état d’alerte maximum. Nous allons travailler en étroite collaboration avec le gouvernement central pour lutter contre toute menace qui pèserait sur l’Etat », a déclaré de son côté le ministère de l’Intérieur du Gujarat, l’un des Etats directement visés par les menaces du groupe islamiste.

(eda/msb)